A play about immigration, homophobia, humour and dignity


[**Bouchta Saïdoun*] investira pendant un mois et demi la scène au [**Théâtre Toursky*] de Marseille. On peut déjà parler de performance surtout après avoir vu ce sacré bonhomme sur les planches de la salle Léo Ferré, ce vendredi 22 novembre. Le comédien de 45 ans, (il en parait 35 !) ne fait pas semblant et s’engage dans un véritable marathon, à raison de 4 représentations par semaine jusqu’à décembre. On assiste à une comédie décapante et audacieuse !

Il faut un peu de drame dans n’importe quelle bonne comédie, c’est connu. Et il y en a, et pas qu’un peu, tant l’avenir de ce fils d’immigrés algériens installés à Marseille semble mal engagé. Le onzième de douze enfants est en plus « différent ». C’est le drame de sa vie qui est raconté, avec, dans ce chaos, quelques lueurs d’espoir. Cet artiste des quartiers nord de Marseille, formé à l’école de la rue, connaît dès les premières années de son existence, la pauvreté, le rejet. Ce spectacle, c’est sa façon de combattre les maux, les tabous, l’intolérance, le machisme, l’homophobie, et de parler des mariages forcés et de la cruauté banalisée. Son histoire a touché [**Richard Martin*], directeur du Théâtre et [**Françoise Delvalée*], administratrice et directrice de la communication.|left>

– [**« Tu seras un Homme, mon fils »*]

Olécio partenaire de Wukali

On se souvient de ce célèbre et tendre poème de [**Rudyard Kipling*]. Des conseils bienveillants d’un père à son fils. Le titre du spectacle de Bouchta diffère un peu et le climat n’est pas le même ! « Sois un homme mon fils !» , martelé à l’impératif, inéluctablement, comme pour conjurer le sort. Une histoire qui s’est écrite à l’encre de son sang, « avec mes tripes » nous confie Bouchta. « C’était important de sortir ce livre. C’était ça ou mourir ». Le bouquin quant à lui s’intitule, « Je voulais devenir un homme ». Il se conjugue à l’imparfait. En résumé, il a essayé de trouver sa place dans cette quête d’identité, douloureuse, entre tabou et fatalité.

Force de reconnaître aussi qu’il fallait du courage pour dire les choses !
Bouchta passait sans s’arrêter devant le Théâtre Toursky, situé à quelques pas de chez lui. « Un lieu qui n’était pas pour moi. C’est ce que je pensais. Je les voyais passer ces gens qui allaient au Toursky, tout parfumés et bien habillés ». Jusqu’à ce jour où il se décide enfin. Il pousse la grande porte vitrée, un livre à la main. Son livre écrit avec [**Chantal Hincker*] qui, touchée par son histoire, a édité le récit de Bouchta Saïdoun aux éditions l’Harmattan dont elle dirige la collection Antidote(s).

Richard Martin et son épouse, Françoise Delvalée sont là. Il leur offre son livre. A leur tour, ils sont touchés par son histoire, d’autant plus que Bouchta est dans une période critique. Accoucher de ce livre ne l’a pas libéré dans un premier temps. « C’est un livre dur, très dur », reconnaît-il. « Ce n’est pas facile à raconter toutes ces horreurs, aussi, lorsque j’ai rencontré Richard Martin et Françoise Delvalée, j’étais en pleine dépression. Je leur dois beaucoup. Ils m’ont pris tel que j’étais et je me dis que c’est dommage d’avoir perdu tout ce temps avant d’entrer dans ce théâtre. » Impressionné par sa soif de vivre malgré les épreuves, on lui offre la possibilité de réaliser un rêve : monter sur les planches, devenir acteur et raconter son histoire.


[**Bouchta*] rentre en résidence au Théâtre Toursky et interprète Bouchta, dans le rôle de sa vie, mise en scène par Richard Martin. « Je travaillais de mémoire », nous dit il, « Je n’ai pas écrit le spectacle. On le fait pour moi mais ma force c’est que les gens qui ont souffert se souviennent sans doute mieux que les autres. Ils ont la mémoire du drame ». Le spectacle présenté pour le [**Festival d’Avignon Off 2019 *] a reçu un très bel accueil. Le premier surpris, Bouchta, qui, montait pour la première fois sur scène. Cette soudaine célébrité il l’a reçue avec plaisir, avec sagesse, sans oublier d’où il venait. « Dans mon malheur, j’observais tout, j’écoutais, j’étais une véritable éponge ! j’absorbais tout autour de moi. J’imprimais tout, depuis mon enfance, jusqu’à ce mariage forcé que je raconte dans le livre et sur scène. » Bouchta nous parle sans tabou de ces sociétés patriarcales, dans lesquelles on considère la femme comme inférieure sauf… lorsqu’elle procréée.

Il raconte ces fragments de vie dans un débit de paroles impressionnant. Il faut reconnaître que l’homme, spontané, instinctif, a la répartie facile. Il s’avère être un incroyable dialoguiste. Il aurait fait un bon auxiliaire de Michel Audiard pour ses dialogues qui font mouche. On l’aurait bien vu aussi dans l’équipe d’Edouard Molinaro, dans une adaptation de « La cage aux folles » ( version couscous). « J’ai été longtemps privé de dire ce que je pensais, ce que je ressentais, il ne faut pas oublier que l’on considérait l’homosexualité comme une maladie. Aussi, le jour où j’ai pu parler, je ne m’en suis pas privé ! Je raconte ce que je suis né dans un camp de transit, mis à disposition par l’Etat français, pour accueillir des migrants. Ce n’est pas tout à fait l’Algérie, pas tout à fait Marseille. Il s’agit d’une cité précaire, la Cayolle, le camp du grand Arena aujourd’hui rasé. Ainsi commence ma vie ! C’est la débrouille pour survivre ».

On ne va pas tout vous raconter !
Le sympathique « bavard » fut invité par l’excellent [**Edouard Bear,*] animateur du 7 à 9 de [**Radio Nova*] sur deux saisons. Le comédien donne la parole à Bouchta, une parole qu’il aura du reste beaucoup de mal à reprendre ! Mais il sait qu’il a en face de lui un véritable antidépresseur, un type qui mesure la chance qu’il a eue et combien le rire est salvateur. Une réponse au tragique. Un pied de nez à la tragédie.

[**Pétra Wauters*]|right>


Illustration de l’entête: ©photo Candice Nguyen



[**« Sois un homme mon fils »
Théâtre Toursky International*]
16 passage Léo Ferré – Marseille
Standard : 04 91 02 58 35 • Billetterie : 04 91 02 54 54
Espace Léo Ferré
Du 12 novembre au 31 décembre 2019 : les Mardi, Vendredi à 19h – les Samedi à 21h
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Contact : redaction@wukali.com

WUKALI Article mis en ligne le 25/11/2019

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