Edwige Budka, Historienne de l’art, Conférencière au Musée Château de Versailles et du Trianon et Conférencière au Musée national de la Renaissance , Château d’Ecouen, nous fait la grande amitié de présenter pour Wukali l’exposition : La faïence italienne au temps des humanistes : la majolique.


Cette exposition du Musée national de la Renaissance, château d’Ecouen, présente à travers une centaine de pièces venues de France, mais aussi d’Italie et d’Angleterre, les liens étroits qui existent entre les décors des majoliques et les préoccupations artistiques, littéraires et historiques des Humanistes entre 1480 et 1530 ; c’est la première fois que ce thème est abordé dans une exposition en France.

Majolique : origine du mot.

En France, le mot « majolique » désigne la faïence italienne du XVIème siècle, il pourrait venir de maiolica, lui-même dérivé de obra de Malica ou Mallequa qui évoque une céramique lustrée faite à Màlaga puis à Valence. Cette céramique importée en Italie dès la fin du XIVème et pendant tout le XVème siècles était acheminée par bateau. Durant le trajet une escale au port de Mallorca sur l’île de Majorque était incontournable, d’autant que ce lieu était une importante étape commerciale, majolique pourrait donc aussi venir de Mallorca ou Majorque.

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Les italiens apprécient beaucoup ces céramiques lustrées et en produiront à partir des années 1480 dans différents centres tels que : Urbino, Faenza, Casteldurante, Deruta ou Gubbio.

La technique :

Les majoliques sont fabriquées à partir d’une pâte tendre et poreuse de couleur rose ou ocre. Les pièces crées sont cuites une première fois à 1000°-1100° pour les durcir, c’est la cuisson de dégourdi. Elles sont ensuite recouvertes d’une glaçure stannifère (étain) sur laquelle le peintre réalise son décor ; cette étape est périlleuse, l’artiste n’a pas droit à l’erreur, en effet, à ce stade la terre est encore poreuse et absorbe les oxydes colorants, tout repentir est donc impossible.

Les oxydes colorants sont peu nombreux : bleu de cobalt, vert de cuivre, brun et violet de manganèse, jaune d’antimoine, brun et jaune de fer et rarement rouge de fer.

Les pièces sont cuites une seconde fois à une température inférieure pour fixer la couleur et vitrifier la glaçure stannifère.

La dernière phase consiste à appliquer le lustre : c’est un mélange de nanoparticules de cuivre et d’argent qui se fixe lors d’une troisième cuisson à 600°, dans un four spécial qui ne laisse pas passer l’oxygène, contrairement aux deux premières cuissons.

Le thermomètre n’existait pas au XVIème siècle, les céramistes utilisaient donc des « témoins » qui permettaient de repérer la bonne température.

Cette dernière étape du lustrage donne à la céramique l’éclat de l’orfèvrerie.

Utilisation et décors :

Les majoliques sont des pièces d’apparat, donc faites pour être exposées, par exemple sur les dressoirs. Leur fragilité et leur coût les rendent peu utilisables au service de la table.

Leur beauté doit susciter l’admiration, les thèmes représentés indiquent le niveau culturel et social du commanditaire.

L’iconographie est celle qui passionne les humanistes : les thèmes et parfois les modèles largement diffusés par les livres imprimés et par la gravure sont connus des peintres sur céramique.

L’Ancien et le Nouveau Testament sont largement représentés, mais aussi les Héros de l’histoire romaine ou de la mythologie à travers Virgile, Homère ou Ovide entre autres. Ce type de décor est dit a istoriato, cela signifie qu’il raconte une histoire, il apparaît vers 1500.

Les motifs purement décoratifs all’antica sont aussi très présents avec les grottesche inspirés des ornements fantaisistes de la Domus Aurea de Néron dont les espaces enterrés ont été découverts vers 1480.

Il ne faut pas omettre les sujets concernant l’héraldique et l’emblématique, essentiels pour les humanistes, ainsi que quelques portraits et pièces satiriques.

Présentation de quatre pièces :

Bassin d’aiguière : chef-d’œuvre de la céramique de Montelupo près de Florence. Le décor ici a grottesche se développe en cercles, la couleur des fonds change selon les zones : bleu, rouge ou orange. Sur l’aile du bassin, des couples de putti alternent avec des tortues et crabes ; sur le marli (fond orange) se déroule une frise de trophées ; au centre ce sont des dauphins et têtes de putti, le tout enrichi de motifs végétaux et cornes d’abondance. La pièce est datée de 1509 et provient du Musée de la céramique de Montelupo.

Vase de pharmacie ou albarello : portrait de Ferdinand d’Aragon, roi de Naples.
L’existence d’un nombre important d’albarelli du même type suppose la création d’une pharmacie des rois de Naples. Le type de portrait de profil avec des armoiries est issu de la numismatique.

Naples(?), vers 1465-1480. Paris, musée du Louvre.

Coupe : David vainqueur de Goliath :

La scène centrale représente David tenant dans la main gauche la fronde qui lui a permis de vaincre le géant, et brandit de la main droite l’épée qui lui trancha la tête, il a la posture du héros. Le paysage de rochers, ruines, forêt, ville et montagne se déroule en accentuant la profondeur. Sur le marli on observe divers motifs de cornes d’abondance, masques, trophées.

Attribué au peintre signant BT ou TB, Faenza ou Marches, datée au revers 1507.

Florence, musée national du Bargello.

Plat : histoire d’Orphée et Eurydice.

Nicola da Urbino. Urbino, 1524.

Musée du Louvre.

Isabelle d’Este, Marquise de Mantou, prima donna del mondo devait apprécier la majolique, sa fille la Duchesse d’Urbino lui annonce l’envoi d’un service en 1524. Il en reste aujourd’hui vingt-trois assiettes et plats dont celui-ci.

Le décor est l’œuvre de Nicola da Urbino le plus grand peintre sur céramique de l’époque.

Au centre, ce sont les armes d’Isabelle d’Este mises en valeur par la frise blanc-crème. La scène est tirée de l’histoire d’Orphée et d’Eurydice.

La variété des pièces exposées : plats, assiettes, vases de pharmacie, coupes ; leurs couleurs somptueuses, les divers thèmes traités enchanteront les amateurs de faïences et d’iconographie.


Edwige Budka

Historienne de l’art

Conférencière au Musée Château de Versailles et du Trianon

Conférencière au Musée national de la Renaissance, Château d’Ecouen



Exposition du 11 octobre 2011 au 6 février 2012,
Musée national de la Renaissance, château d’Ecouen.
Catalogue RMN-Grand-Palais, 39 euros.



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