Chinese artist indicted in New York for a gigantic fraud artifice


Pei-Shen Quian, un peintre chinois de 75 ans est au coeur d’une affaire de faux tableaux démantelée à New York. Le montant de la fraude s’élèverait à quelques 33 millions de dollars ! Il vient d’être inculpé par un tribunal de Manhattan de faux, de conspiration en vue de tromperie, et de mensonge devant le FBI. Selon les termes de l’accusation, il a produit plusieurs douzaines de faux tableaux et pas des moindres signatures : Jackson Pollock, Mark Rothko et Willem de Kooning notamment. Il n a pas attendu les attendus du procès (il risquait 45 ans de prison) et avait pris depuis plusieurs mois la poudre d’escampette ( ce qui est bien la moindre chose pour un peintre) pour regagner la Chine dont il est un national et qui surtout n’a pas de traité d’extradition avec les USA
.

Ses complices, deux trafiquants, deux marchands d’art espagnols, installés à New York, les frères Jose Carlos et Jésus Angel Bergantinos Diaz, âgés respectueusement de 58 et 65 ans. Sous le coup d’une procédure d’extradition ils viennent juste d’être arrêtés et inculpés en Espagne où ils s’étaient réfugiés.

Dans une déclaration qu’il avait faite en 2013 à Shanghaï à la chaîne d’information Bloomsberg, Quian avait déclaré qu’il était la victime innocente d’un «très gros malentendu» et qu’il n’avait jamais eu l’intention de faire passer ses oeuvres pour celles de grands peintres fameux. «J’ai fabriqué un couteau pour couper des fruits, dit-il, mais si d’autres utilisent ce même couteau pour tuer, m’en blâmer est alors particulièrement injuste» .

Olécio partenaire de Wukali

Selon l’acte d’accusation lourd de 42 pages, riche d’informations et notifié ce lundi, Pei-Shen Quian est bel et bien coupable de fraude commise de concert avec les frères Bergantinos Diaz et la marchande d’art Glafira Rosales ex petite amie de José Carlos Bergantinos. Cette dernière a plaidé coupable l’année dernière pour sa participation à la fraude pour 60 oeuvres.

Avant que de venir s’installer aux USA où il était arrivé avec un visa d’étudiant en 1981, Quian s’était fait connaître en Chine pour ses tableaux de Mao Tse Toung (il est toujours utile quelque que soit le régime politique d’aboyer avec les loups, surtout quand ils détiennent le pouvoir, et de flatter leurs faiblesses). Pour gagner sa vie dans la grande pomme, il posait son chevalet sur les trottoirs de Manhattan dans West Fourth Street.

C’est là qu’il fut découvert par José Carlos Bergantinos Diaz qui lui demanda de faire des copies de tableaux de Keith Haring, ou de Jean-Michel Basquiat, et de contrefaire leurs signatures, puis tout en sachant «qu’il s’agissait d’imitations sans valeur», José Carlos allait les vendre dans des galeries. Dans son studio du Queens, Qian produisait ses faux qu’il peignait sur des toiles et des châssis anciens que José Carlos récupérait sur des marchés aux puces ou des ventes aux enchères ainsi que des pots ou tubes de peinture déclassés et datant de plusieurs années.

Il utilisait aussi des sachets de thé pour teindre des châssis moins anciens et leur donner l’apparence d’une authenticité dans son jus. Toutes ces précisions techniques sont clairement données dans l’acte d’accusation, on y apprend ainsi par exemple qu’il chauffait certaines toiles avec un séchoir à cheveux ou qu’il laissait dehors, en plein air , au soin de la pluie, de l’air et des éléments certaines toiles pour qu’elles subissent les outrages du temps!

L’éclectisme du faussaire à peindre des oeuvres d’artistes modernes aussi célèbres que Robert Motherwell, Barnett Newman, Sam Francis et Franz Kline a pu notamment être tracé grâce aux nombreux livres, monographies ou autres catalogues d’exposition qu’il possédait et trouvés dans son appartement, et dont il s’inspirait pour réaliser des faux.

Le rapport de mise en accusation publié ce mardi 22 avril, fait état des sommes qu’il recevait dans les années 90 pour réaliser un faux. Débutant d’abord autour de plusieurs centaines de dollar par oeuvre, ses exigences financières crurent au fur et à mesure des succès de «ses» oeuvres à Manhattan. En février 2008 , José Carlos signait par exemple des chèques pouvant atteindre jusqu’à 7000$ par tableau.

Quand il s’agit de vendre ces dites oeuvres aux grandes galeries bien en cour du monde des arts de NewYork les sommes atteignirent alors des sommets. Ainsi la galerie Knoeder & Co ( codifiée dans l’acte d’accusation sous l’appellation Galerie n°1), paya 20,7 millions $ pour les faux et fit un profit de 43 millions $ sur la vente à des collectionneurs. Une autre galerie, toujours selon les termes du document de justice, fit un profit de 4,5 millions $ pour des faux de Qian qu’elle acheta 12,5millions $.

Knoedler a du fermer ses portes en 2011, et est poursuivi en justice par des acheteurs en colère qui réclament des millions de dollars de dédommagement. Les dirigeants de la galerie d’art attestent à qui veut les entendre qu’ils n’ont jamais commis de quelconques fraudes et ont toujours fait ce qu’il fallait pour authentifier les oeuvres incriminées.

Les frères Bergantinos Diaz et Glafira Rosales sont accusés d’avoir établi de faux documents et certificats ayant trait à ces peintures et d’avoir prétendu représenter des clients en Europe.

Glafira Rosales a plaidé coupable en septembre dernier pour neuf charges criminelles reconnues contre elle et encoure 99 ans de prison dans l’attente d’un procès à venir. Elle est aussi astreinte à payer une amende de 33,2 millions $ et risque encore d’autres pénalités.

Les deux frères sont accusés de machination frauduleuse et de blanchiment d’argent. José Carlos qui est domicilié à New York est également accusé de fraude fiscale et de déclaration de revenus mensongères ainsi que d’avoir dissimulé 7 millions $. Si ces charges sont retenues contre lui il risque 114 ans de prison et son frère 80 ans.

Pour le procureur, US Attorney Preet Bharara qui a porté l’acte d’inculpation l’ensemble des auteurs de ce vaste trafic de faux en peinture sont des maîtres accomplis en falsification et en tromperie ( «masters of forger and deceit »)

Le ministère de l’intérieur espagnol a fait savoir à la presse que José Carlos avait été arrêté à Séville vendredi dernier, et qu’il avait du être hospitalisé à la suite d’un choc psychologique. Quant à son frère il avait été arrêté, toujours en Espagne, quatre jours plus tôt.

Les autorités américaines feront leurs demandes d’extradition à l’Espagne conformément à un traité signé par les deux pays en 1970.

Pour ce qui est de Qian, la situation est de toute autre nature. Qian, pressentant le vent du boulet avait peu de temps après la révélation du scandale en 2013, quitté très vite avec sa femme le territoire américain pour s’en revenir en Chine. Alors qu’il était interrogé par le FBI, il avait prétendu ne pas connaître Glafira Rosales et ne rien savoir des artistes et des oeuvres qu’il est accusé d’avoir frauduleusement copiés, il estime même n’avoir jamais contrefait leurs styles.

Il y a pour le moins fort peu de chance (et c’est un euphémisme) pour que les autorités chinoises ne livrent Pei-Shen Qian aux Américains

Il devra donc demeurer à l’intérieur de son pays et ne sera plus en mesure de voyager ni en Europe, ni en Amérique du sud, ni même à Hong Khong chacun de ces pays ou territoire ayant signé des traités d’extradition réciproque avec Washington. Il est de pires sinécures n’est ce pas !

Julius Kleiner correspondant de Wukali à New York et Pierre-Alain Lévy


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