La poésie, ce sont d’abord des mots, des images, un chant, un rythme, et quelle que soit la langue, des univers flottants où l’on se perd dans le rêve. Pablo Neruda est un immense poète de langue espagnole né au Chili, peut être le plus grand du vingtième siècle, et sa langue est de celles qui caressent et qui chantent.

Parce que traduction et trahison proviennent étymologiquement de la même racine latine, et que chaque langue possède son propre mystère, son propre génie, une poésie ne peut guère être traduite c’est pourquoi nous tenons à la présenter dans sa langue d’origine. En espagnol d’abord, avec sa prosodie, sa musicalité et son ivresse de couleurs puis suivie par une excellente traduction en français pour le sens réalisée par Pierre Clavilier.

Prenez du plaisir, aimez et laissez- vous porter ! Pareillement écoutez aussi ce somptueux poème d’amour dit admirablement par Arturo Puig. Beauté et émotion, sublime… !

Pierre-Alain Lévy

Olécio partenaire de Wukali

Poème XX

Puedo escribir los versos más tristes esta noche.

Escribir, por ejemplo: «La noche está estrellada,
y tiritan, azules, los astros, a lo lejos.»

El viento de la noche gira en el cielo y canta.

Puedo escribir los versos más tristes esta noche.
Yo la quise, y a veces ella también me quiso.

En las noches como ésta la tuve entre mis brazos.
La besé tantas veces bajo el cielo infinito.

Ella me quiso, a veces yo también la quería.
Cómo no haber amado sus grandes ojos fijos.

Puedo escribir los versos más tristes esta noche.
Pensar que no la tengo. Sentir que la he perdido.

Oír la noche inmensa, más inmensa sin ella.
Y el verso cae al alma como al pasto el rocío.

Qué importa que mi amor no pudiera guardarla.
La noche está estrellada y ella no está conmigo.

Eso es todo. A lo lejos alguien canta. A lo lejos.
Mi alma no se contenta con haberla perdido.

Como para acercarla mi mirada la busca.
Mi corazón la busca, y ella no está conmigo.

La misma noche que hace blanquear los mismos árboles.
Nosotros, los de entonces, ya no somos los mismos.

Ya no la quiero, es cierto, pero cuánto la quise.
Mi voz buscaba el viento para tocar su oído.

De otro. Será de otro. Como antes de mis besos.
Su voz, su cuerpo claro. Sus ojos infinitos.

Ya no la quiero, es cierto, pero tal vez la quiero.
Es tan corto el amor, y es tan largo el olvido.

Porque en noches como ésta la tuve entre mis brazos,
Mi alma no se contenta con haberla perdido.

Aunque éste sea el último dolor que ella me causa,
y éstos sean los últimos versos que yo le escribo.

PABLO NERUDA. (1904-1973)

Veinte poemas de amor y una canción desesperada (xx)


Je peux écrire les vers les plus tristes cette nuit.
Écrire, par exemple: “La nuit est étoilée
et les astres d’azur tremblent dans le lointain.”
Le vent de la nuit tourne dans le ciel et chante.
Je puis écrire les vers les plus tristes cette nuit.
Je l’aimais, et parfois elle aussi elle m’aima.
Les nuits comme cette nuit, je l’avais entre mes bras.
Je l’embrassai tant de fois sous le ciel infini.
Elle m’aima, et parfois moi aussi je l’ai aimée.
Comment ne pas aimer ses grands yeux fixes.
Je peux écrire les vers les plus tristes cette nuit.
Penser que je ne l’ai pas. Se désoler de l’avoir perdue.
Entendre la nuit immense, et plus immense sans elle.
Et le vers tombe dans l’âme comme la rosée dans l’herbe.
Qu’importe que mon amour n’ait pas pu la retenir.
La nuit est pleine d’étoiles, elle n’est pas avec moi.
Voilà tout. Au loin quelqu’un chante. C’est au loin.
Et mon âme est mécontente de l’avoir perdue.
Comme pour me rapprocher d’elle mon regard la cherche.
Mon cœur la cherche et elle, elle n’est pas avec moi.
Une nuit identique blanchit les mêmes arbres.
Nous autres, ceux d’alors, nous ne sommes déjà plus les mêmes.
Je ne l’aime plus, c’est clair, mais combien je l’aimais.
Ma voix cherchait le vent pour aller à son oreille.
À un autre. Elle sera à un autre. Comme avant mes baisers.
Sa voix, son corps clair. Ses yeux infinis.
Je ne l’aime plus, c’est clair, mais, peut-être je l’aime.
C’est si court l’amour et si long l’oubli.
Parce que dans des nuits pareilles, je l’avais entre mes bras
et mon âme est malheureuse de l’avoir perdue.
Même si cette douleur est la dernière par elle
et que ceci soient les derniers vers que j’écrive pour elle.

Un chant désespéré chant XX

© Traduction Pierre Clavilier



WUKALI 22/ 08/2014


Ces articles peuvent aussi vous intéresser