Would the past come over again ?


Voici que sort le dernier roman d’Éric Pessan. De Buchenwald à Lisbonne, en passant par Bordeaux, David le Magne essai d’exorciser les démons qui le dévorent. Le jeune homme, employé dans une radio associative, vient de prendre quelques mois sabbatiques pour écrire un roman tout en partant à la recherche de son père et de son grand-père. Cette décision, il l’a prise quand sa compagne Mina a souhaité faire un enfant. Or le héros a été élevé par sa mère et sa grand-mère paternelle, toutes les deux quittées par leur époux pour finir clochard qui à Bordeaux, qui à Lisbonne. Il est persuadé que la clochardisation est en quelque sorte héréditaire, que dans ses gènes se trouve celle de l’abandon de sa progéniture. Il est un homme et dans sa famille les hommes finissent dans la rue par lâcheté ou à la recherche d’une chimère introuvable . A Lisbonne, chaque clochard pourrait être son père, et de fait il ne le recherche pas vraiment, il erre dans la ville et se saoule tous les jours.

C’est une véritable introspection intérieure, une tentative de vaincre ses démons, tentative veine car dès le début du roman, le lecteur comprend que quelque part il se complet dans ses fantasmes.

Dans une précédente chronique dans Wukali j’avais dit tout le bien que je pensais du précédent roman d’Eric Pessan « Muette ». La seule similitude entre les deux livres est qu’il s ‘agit d’un long monologue dans lequel le héros nous livre ses doutes, ses croyances, ses peurs, ses espoirs. Quant au reste… J’ai trouvé ce livre « lourd ».

Olécio partenaire de Wukali

Eric Pessan pour bien expliquer l’attitude de son héros emploie un vrai marteau-piqueur, on ne sait jamais le lecteur a peut-être l’esprit embrumé par les fêtes de fin d’année ! Il ne se répète pas mais il fait une libre et longue et quelque peu pénible variation sur la haine des hommes distillée dans son esprit d’enfant par les femmes de sa famille. C’est lourd, très lourd. Et comme il revient sans cesse sur cette enfance traumatisante, il en résulte une impression de décousu, le lecteur n’arrive plus à suivre le cheminement intellectuel du héros, il ne comprend pas son attitude, son errance.

C’est dommage car Eric Pessan a un style clair, avec des trouvailles intéressantes comme ces paragraphes qui commencent par un mot (ville, alcool, encore le sang, oubli, fatalité, etc) suivi par un développement en rapport avec ce mot, une suite d’association d’idées. En quelque sorte, c’est la façon que David le Magne trouve pour opérer cette auto-analyse. Mais à la dixième entrée « clochard », le lecteur est blasé, dérouté, il ne sait plus de quoi parle l’auteur : du père, du grand-père, d’un clochard « inconnu », de sa peur de la clochardisation ?

Dommage, l’idée de départ de ce roman était pourtant excellente, mais à vouloir être en quelque sorte trop didactique, le résultat n’est pas à la hauteur des espérances que le lecteur est en droit d’avoir quand il commence un roman signé Eric Pessan.

Émile Cougut


Le démon avance toujours en ligne droite

Éric Pessan

éditions Albin Michel. 20€. Sortie en librairie le 8 janvier 2015


WUKALI 28/12/2014


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