Chung Che, an Abstract Painter


Sur la rive gauche de la Seine à Paris, une exposition consacrée au peintre Chuang Che 莊喆 , rétrospective de 50 ans d’abstraction. Si pour un grand nombre de personnes la peinture chinoise est emprunte de mystère, les passerelles entre celle ci et la peinture occidentale sont pourtant nombreuses. Pour Balthus par exemple, qui affectionnait les paysages des écoles Song ainsi que la peinture japonaise et les paysages de Poussin, la distance qui séparait ces formes asiatiques et la peinture classique française était assez ténue. Elles se rassemblent dans la même quête de l’unité. C’est à l’époque de la Renaissance en Europe que les modes d’expression entre Chine et Occident ont notamment changé et se sont éloignés les uns des autres. Il faudra attendre le vingtième siècle après un temps long de bifurcation pour que des échanges importants entre les artistes de l’Empire du Milieu , et ce que l’on nommait les avant-gardes européennes, se rapprochent ou plus exactement qu’un mode de pensée à l’identique ou tout du moins soucieux des mêmes valeurs, laisse apparaitre chez les artistes une démarche créatrice et formelle en maints points similaire. L’abstraction permit tout particulièrement dans son paradoxe implicite d’ouvrir une dynamique. La force contenue du silence, l’émotion naturelle inscrite dans la glèbe des terroirs et la puissance tellurique des paysages firent le reste.

L’exposition en cours à la galerie Hervé Courtaigne

, rue de Seine à Paris, avec le soutien de la Galerie Sabine Vazieux, autour de l’oeuvre du peintre Chuang Che 莊喆, 50 ans d’abstraction , rend parfaitement compte de cette force lyrique d’expression et le visiteur ressent les mêmes émotions que celles dégagées derrière un tableau de Turner dans la capacité destructive-constructive d’un réel sublimé ou d’un Kandinsky.

La couleur est en ascèse ou se fait masse structurante comme un gisant vibrant de couleurs, comme une montagne que rien ne dérange. Derrière le peintre, le calligraphe apparait et le philosophe exprime presque de façon oblative la vérité cachée dans la spiritualité de la touche de couleur posée au pinceau. Chuang Che cherche ses sources émotionnelles et culturelles dans les peintures de paysages puisées chez Fan Kuan, Guo Xi (dynastie Song) ou plus encore dans les peintures et les encres de Wen Zhengming (dynastie Ming), inspirées d’une pensée confucianiste austère. A la différence de son illustre devancier Zao Wou-Ki, Chuang Che ne passe pas de la figuration à l’abstraction, il s’installe dans l’abstraction directement et crée des univers, des représentations mentales, esthétiques, structurées autour d’une recomposition analytique née d’une tradition picturale dûment consentie et dépouillée d’artifices.

Chuang Che est né en 1934 à Beijing (Pékin 北京 ), son père Chuang Shang-Yen est un lettré et calligraphe, et travaille au musée National du Palais. La Chine est alors en proie à une insécurité généralisée, c’est le temps des seigneurs de la guerre, puis ensuite ce sera l’affrontement entre les armées de Tchang Kaï-chek 蔣介石 et l’ Armée Populaire de Libération de Mao Zedong 毛泽东 . Quand les communistes prennent le pouvoir en 1949, les hommes de Tchang Kaï-chek se replient provisoirement sur Taiwan. La famille de Chuang Che fait de même comme nombre de Chinois du continent craignant à juste titre la terreur maoïste. C’est toute la tradition culturelle de la Chine ancienne qui migre dans l’île, l’ancienne Formose.

C’est là à Taipeï 臺北市, la désormais capitale de la république de Chine ( Republic of China 中华民国), que Chuang Che fait ses études dans le département Beaux-Arts de l’Université Nationale. Très rapidement Chuang Che trouve son style et commence à faire connaître son oeuvre dans le monde entier. En 1968 en France quand la capitale s’hérisse de barricades et que les étudiants crient leur soif de liberté, Chang Che est à Paris. Il y passera six mois et y rencontre d’autres peintres chinois qui se nourrissent eux-aussi de ces fusions intellectuelles et artistiques. C’est ainsi qu’il rencontrera Zao Wou Ki, Chu Teh-Chun, Peng Wan-Shi, Hsiung Bin-Ming ou Han Hsia. Il ne semble pas davantage qu’à la différence de Zao Wou-Ki, il tisse des liens avec le milieu intellectuel parisien et multiplie les croisements, les fusions, les passerelles, son oeuvre est plus solitaire, plus introspective, plus laconique. Plus tard en 1987, il s’installera définitivement à New York.

Les peintures de Chang Che (huile sur toile et acrylique) présentées à la galerie Hervé Courtaigne sont nombreuses et souvent de grande dimension elles couvrent une période s’étalant entre 1965 et 2015.

Pierre-Alain Lévy


Chuang Che. 50 ans d’abstraction. 1965-2015
Galerie Hervé Courtaigne. 53 rue de Seine. 75006 Paris. métro Odéon.
jusqu’au 30 avril 2016


Illustration de l’entête : Chuang Che – Composition – 2015 – Huile et acrylique sur toile – 106 x 138 cm

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