Beautiful drawings


Claude Goutin en gloire. «C’est le Combat du jour et de la nuit», cette phrase est de Victor Hugo, la dernière qu’il prononça avant que de mourir. Quelle phrase, quelle force, bien au delà des manichéismes médiocres! C’est aussi le titre qu’a choisi la galerie Michel Giraud à Paris comme introduction à l’exposition des dessins de Claude Goutin. Cent dessins pas moins! Dessins de sculpteur, bien sûr, puissants, sobres, sans paraphrase. La puissance du dessin insurpassable, plus forte même que la peinture, ce qu’est la musique de chambre ou un instrument soliste face à un ensemble orchestral.

Pour rendre compte d’un artiste et plus particulièrement d’un peintre, d’un dessinateur voire, si j’ose ainsi dire, d’un musicien, il ne sert à rien d’écrire, enfin un peu tout de même! Il suffit d’ouvrir les yeux ou d’écouter et de se laisser envahir par l’émotion et la suprématie de la beauté qui bouleverse. Les cent dessins de Claude Goutin à la mine de plomb, à l’encre ou à la sépia, ressortent de cette catégorie. La touche ou le trait sont sobres et parfaits. Comme les dessins de Delacroix, mine de plomb, lavis ou aquarelle, expriment la quintessence même, rien de superflu, et les blancs de réserve sont plus éblouissants que mille soleils, eh bien les dessins de Claude Goutin sont de la même eau, possèdent la même faculté démonstrative d’expression ! On est très loin des petits faiseurs comme disait Balzac, de ces médiocres qui truquent et qui manipulent et dissimulent sous de la matière placée en excès, l’inconsistance de leur médiocre talent. Il en va de même en musique. Claude Gotin est d’abord un sculpteur, il pense en masse, en volume, en déplacement, il pense aussi en lumière, en relief, en contraste. C’est un maître il enseigna d’ailleurs à l’école des beaux arts de Metz. Ses dessins sont presque en trois dimensions et les blancs de réserve s’opposent aux mystères du noir. La lumière aveuglante, iridescente, c’est à dire l’absence même de couleur, s’oppose aux noirs de ténèbres et d’angoisse, comme les chevaux de la nuit, les cauchemars (étymologiquement nightmare, i.e les «juments de la nuit» en anglais, rappelons nous Füssli) désarçonnent nos quiétudes inconséquentes.

Claude Goutin est un sculpteur, il fut Prix de Rome en 1956 et à la Villa Médicis où il fut bien sûr pensionnaire, il s’imprègna de l’antique comme des maîtres de la Renaissance. Voilà quelques années, en 2004, il a réalisé la statue équestre de Lafayette qui se dresse fièrement à Metz, là-même où l’illustre officier qui y était en garnison déclara sa passion de la cause des insurgents d’Amérique. Elle est tout mouvement, énergie, fragilité et ivresse de la jeunesse, le cavalier et sa monture font corps, centaure impétueux à deux têtes. C’est dire qu’il possède cet oeil, ce regard, cet esprit d’analyse, cette main, ce doigté capable de faire vivre la matière et d’en sortir la vie incarnée, plus que la vie, qui s’incarne dans une sculpture. Ses dessins transcendent sa vision, dessins d’hommes, groupes humains, ou bestiaire équestre. Un mélange étonnant où l’on retrouve des réminiscences de Dürer ( Les cavaliers de l’Apocalypse) mais aussi cette fantaisie ludique que l’on peut aussi observer chez certains grands de la bande dessinée. D’autres dessins, certaines encres ou dessins à la plume font penser pareillement à Daumier, Millet ou Picasso. Nul doute Claude Goutin est un grand artiste et cette intelligente exposition en porte démonstration. Hâtez-vous de vous y rendre, l’exposition doit se terminer avant la fin du mois d ‘avril !

Olécio partenaire de Wukali

Pierre-Alain Lévy


Exposition Claude Goutin. Combat du jour et de la nuit
Cent dessins.

Galerie Michel Giraud
35-37 rue de Seine. 75006 Paris


WUKALI 09/04/2016
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Illustration de l’entête: Claude Goutin. Les cavaliers de la nuit, encre et lavis, © Galerie Michel Giraud

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