Such a nice and modern fairy tale with wonderful actors and the so charming Julia Roberts
Dans la longue histoire du cinéma existent bien des films où l’héroïne de chrysalide devient papillon, certaines sous l’influence d’un Pygmalion (**Audrey Hepburn*] dans [My fair Lady)*, par l’exaspération des circonstances ( **Ava Gardner*] dans [Pandora)*, ou suite à une rencontre inattendue comme [**Julia Roberts*] dans Pretty Woman (1990), dont nous allons parler.
Le réalisateur en est [**Garry Marshall,*] peu connu jusqu’alors, les acteurs principaux [**Richard Gere*], déjà célèbre avec « American Gigolo », et [**Julia Roberts*] dont la carrière démarra vraiment là.
Le synopsis introduit Edward Lewis, un businessman de haute volée venu à Los Angeles pour finaliser une énorme transaction financière. Après une fête, au volant de la voiture de son avocat, il se perd sur la route de son hôtel et finit par s’arrêter le long d’un trottoir d’Hollywood Boulevard où travaillent des prostituées. Étonné par le naturel, le comportement et la faconde de l’une d’elles, il l’engage pour une nuit d’abord, puis pour une semaine. Elle s’appelle Vivian Ward… Ils vont s’aimer et rester ensemble. Elle se transforme au contact du milliardaire tandis que lui s’humanise. Elle finira par obtenir ce qu’elle désire : vivre un conte de fée.
Naturellement, cette comédie romantique est aux antipodes de toute réalité. La cruauté contemporaine est ignorée dans cette fable dont le charme, l’élégance et l’entrain sont les principaux atouts. Le succès fut mondial, surtout grâce à la complicité des deux acteurs, à la magie d’une image efficace, au ton badin utilisé et à la musique en prise directe avec les scènes vécues.
L’histoire avait été écrite par [**J.F.Lawton*] mais était beaucoup plus noire, presque un fond de polar. Il fallut attendre le rachat des droits par Disney qui confia la réalisation à Garry Marshall. Lequel orienta le film vers ce conte de fée moderne où triomphe le bonheur et où la morale pudibonde américaine est impeccablement respectée : « et à la fin, elle le sauve à son tour » est la dernière phrase finalement entendue par le spectateur.
Le casting fut chaotique : [**Al Pacino*] refusa le rôle-titre masculin tandis que le féminin fut rejeté avec mépris par [**Michelle Pfeiffer*], [**Valeria Godino*] et [**Daryl Hannah*]. La raison ? Ces actrices jugèrent dégradante l’image de la femme que dégageait le scénario… La critique n’épargna pas la réalisation. Elle fut engagée, violente et vint de tous les horizons : des milieux féministes qui le jugèrent machiste et stéréotypé ( la réalisatrice australienne [**Julia Leigh*] parla d’incitation à la prostitution) aux ligues de vertu religieuses qui y voyaient une démolition en règle des valeurs traditionnelles…
Quand une telle « unanimité », venue de tous les bords, veut démolir une œuvre ou aucune vulgarité, aucune image sanglante, aucune tendance malsaine et aucune apologie du crime n’existent, il faut se poser la question : « Pourquoi ? ».
Notons que les mauvaises critiques n’y purent rien : le film fut un succès planétaire. Ce qui prouve, une fois de plus, qu’il ne faut se fier qu’à soi-même pour juger de la qualité d’une œuvre cinématographique.
Cette histoire d’amour frôle l’irréel, c’est vrai. Mais le témoin que devient le spectateur est sous le charme et il s’en moque ! Humour léger, tendresse sous-jacente, quiproquos drôles s’enchaînent dans un maelstrom d’images douces, de dialogues pétillants et de musiques aux rythmes soutenus. Tout cela participe aux multiples rebondissements de l’histoire où nous découvrons le monde impitoyable de l’argent, le manque total de scrupules de ces « money-makers » et de leurs avocats (interprété par un [**Jason Alexander*] plus vrai que nature), obsédés sexuels toujours à la limite de la légalité. Arrivent alors ceux qui ont créé ces entreprises, de solides « self-made-men » qui pensent à l’avenir de leurs employés autant qu’aux bénéfices engrangés, archétype joué ici par [**Ralph Bellamy*]. Malheureusement, ils ne pèsent pas lourds face aux requins de la haute-finance actuelle et à leurs combines. Le monde du capitalisme d’autrefois, traditionnel, cédant la place à celui des investisseurs du web…
Nous assistons, ni plus ni moins, à la passation de pouvoir d’un monde à l’autre, d’une classe où la richesse est reine à celle des multi-nationales destructrices, perverties, dominée par quelques milliardaires corrompus et corrupteurs.
L’histoire d’amour, réelle, débouche sur bien autre chose, n’est-ce-pas ?
Quant aux « femmes des trottoirs », elles se battent pour survivre dans cet enfer urbain : la copine de Vivian, Kit ([**Laura San Giacomo*]) virant une rivale des étoiles du cinéma sur lesquelles elle travaille. La drogue est partout, la mort rôde, nul ne sait ce que sera demain. Arrive alors la super-voiture de Luxe au volant de laquelle Edward Lewis va bouleverser, transformer l’avenir de Vivian…
De manière inattendue, c’est le plaisant directeur de l’hôtel( l’acteur [**Hector Elizondo)*] qui nous apparaît le plus romantique malgré ses envolées de père fouettard, lui qui souhaite ardemment que nos deux tourtereaux forment un couple qui dure : la netteté de son œil professionnel lui ayant fait deviner l’alchimie attractive qui les attirent l’un vers l’autre, sans qu’ils n’en aient encore la moindre conscience. Son vœu sera exaucé mais il ne le verra pas. On peut supposer que la belle reviendra lui raconter sa belle histoire, d’ailleurs elle prend congé de lui et de son Palace si amicalement qu’on se demande si elle ne pressent pas sa prochaine victoire sur le passé d’Edward.
Mais le moment charnière du film est une scène qui se passe dans la suite présidentielle occupée par Edward dans le Palace. Il a révélé à son avocat, l’abominable Philipp Stocket ([**Jason Alexander)*], qui est Vivian. Laquelle est tombée de haut. Elle va exploser et le lui reprocher vertement, exigeant son argent, les trois mille dollars promis, et le quittant en laissant la liasse de dollars sur le lit, dans un angle mort de sa vision à lui. C’est uniquement parce qu’il se retourne, qu’il va s’en apercevoir. Médusé, il se précipite pour la retenir. Toute les interrogations d’Edward se lisent dans son regard. Comment peut-elle agir ainsi ? Mépriser le fric ? Impensable pour lui…Une sorte de quête existentielle du pourquoi va alors poursuivre notre financier. Elle le mènera à tomber amoureux de cette « créature » comme on disait autrefois. Lui ne verra plus que la belle âme de cette femme magnifique, que les circonstances ont mis dans cette situation. Après la tentative de viol de l’infâme avocat, elle va lui mettre le marché en mains : « je veux vivre un conte de fée ». Il va le lui offrir après s’être débattu toute une nuit contre lui-même. En aucun cas, ce n’est une capitulation, c’est le simple constat d’un état de fait : ils sont destinés l’un à l’autre. Il le comprend un peu plus tard qu’elle, mais c’est la seule nuance.
Bien entendu, les moments de qualité parsèment le film, telle la soirée à l’Opéra de San Francisco où les emmène un vol privé. La réaction de Vivian devant « La Traviata » de Verdi sera fantastique : elle pleurera, à deux doigts de « faire pipi dans ma culotte » dira-t-elle à sa voisine, un peu dure d’oreille.
Ce film d’une délicatesse folle (n’en déplaise à quelques-uns) est la résultante d’une combinaison alchimique réussie, probablement obtenue par hasard : aucun cinéaste ne peut préparer un film en étant certain de déboucher sur un chef d’œuvre. Il peut essayer d’atteindre cette asymptote, il ne peut pas la garantir à son producteur. C’est toute la magie paradoxale du septième art.
Ici, la synthèse est complète, parfaite, sur un sujet pour le moins scabreux. Mais, comme déjà écrit, l’universalité du thème est connu depuis [**Verdi*] et « La Traviata ». Et tout y est bonheur, joie de vivre, sans aucune retenue. L’intellectualisme en est exclu, pas la vie avec ses méandres tortueux, avec ses doutes, avec ses abominations parfois. C’est tout cela que certains ne lui ont pas pardonné. C’est tout cela que les peuples divers du monde entier lui ont reconnu.
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WUKALI 07/04/2017