Not only a fantastic illustrator, engraver and painter, a sculptor too!


Vers 1840/1850, les techniques de reproduction des illustrations, pour les journaux, et des différentes manières de la gravure, pour l’édition de livres en premier, se modernisent. De nouvelles possibilités d’expansion s’offrent alors à quelques patrons de presse entreprenants( les frères [**Bertin*], [**Charles Philipon*] par exemple). Ils comprennent tout de suite qu’une classe « intermédiaire », en train de naître et avide de montrer sa fortune, va leur permettre de gagner beaucoup plus d’argent qu’autrefois. Il leur faut donc rechercher de nouveaux talents capables d’exploiter ces nouveaux secteurs d’activité. C’est ainsi que Philipon découvrira Gustave Doré, âgé alors de treize ans !

Tout le monde connaît [**Gustave Doré*] (1832-1883), artiste prolixe ayant pratiqué l’illustration, la gravure, la peinture et, ce qui est moins notoire, la sculpture. La grande rétrospective de 2016, à Paris, a présentée ses multiples travaux au grand public. Son œuvre, si abondante, est d’une telle variété qu’il est bien difficile de le situer dans son époque. Nous dirons que ce touche-à-tout génial se rattache à l’école symboliste ([**Puvis de Chavannes, Odilon Redon, Carrière*] et [**Gustave Moreau*] étant les locomotives de cette vague picturale).

Né à Strasbourg, mort à Paris d’une crise cardiaque à 51 ans, issu d’un père polytechnicien ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, le garçon montre d’incroyables dons pour le dessin dès son plus jeune âge : son sens de l’observation, son insatiable curiosité, son imagination créatrice et son humour dévastateur sont tels que, à dix ans, ses croquis s’organisent en albums de dessins d’une vitalité, d’une précocité et d’une force démonstrative proprement extraordinaires. On y rencontre des scènes mythologiques, des visions de foules urbaines, des décors de rues larges et détaillés, des illustrations de sa vie familiale…|left>

Olécio partenaire de Wukali

Suite à l’insistance de Charles Philipon, déjà cité, ses parents acceptent de s’installer à Paris où Gustave fera ses études au lycée Charlemagne, tout en fournissant des caricatures aux journaux de ce magnat de la presse. Très vite, l’impétrant et impétueux dessinateur est accepté dans le microcosme parisien. Ce qui lui permet d’exposer au Salon dès 1848 ( deux dessins), où il montre sa première toile en 1850.

En 1861, le public, désorienté et désemparé, découvre avec stupeur sa gigantesque peinture intitulée : « Dante et Virgile dans le neuvième cercle de l’Enfer »(Musée de Brou, dimensions : 311×428 cm). Les critiques, complètement obtus à son art, la blâmeront de « n’être qu’une illustration agrandie ». |center>

Ce reproche, injustifié, se fera systématique et l’artiste en souffrira énormément, lui qui se savait être, avant tout, un peintre de génie. L’incompréhension totale qu’il devait rencontrer toute sa vie, à Paris, fut compensée par la reconnaissance des amateurs et collectionneurs britanniques. Ils devinrent d’ailleurs ses acheteurs privilégiés, à tel point qu’il ouvrira « la Doré Gallery » à Londres en 1869. On ne peut vraiment pas dire que l’intelligentsia française fit preuve de perspicacité à son égard… Plutôt de cécité, en vérité. On doit se poser la question du : pourquoi ? Probablement avait-on pris l’habitude de voir en lui un illustrateur, un graveur et, au mieux, un dessinateur. La hiérarchie des genres était encore très forte vers 1850/1880. Mais on ne peut que vitupérer contre cette vision à œillères réductrices : il suffit pourtant d’aller regarder son « Énigme » du musée d’Orsay, ou sa « Vallée des larmes » conservée au musée du Petit-Palais à Paris, pour comprendre ses immenses qualités de peintre : imagination débordante digne de [**Delacroix*], luminosités intenses de couleurs parfaitement maîtrisées, à leur maximum d’expression dramatique, sens de la composition, centrage impeccable reposant sur un dessin poussé, Gustave Doré est un metteur en scène inné…

La guerre franco-prussienne de 1870, puis le décès de sa mère(1879), provoquèrent chez lui des accès de mélancolie. Il devint, en quelque sorte, dépressif. Ce qui le fit aborder des sujets morbides, inquiétants, issus de ses cauchemars récurrents, notamment en sculpture. Bien entendu, ces dernières reçurent un accueil froid de la critique, toujours aussi nulle. Comme il l’écrivit, sans la moindre illusion : « je ne manquerai pas de critique et d’attaques, car je crois qu’il y en a plus d’un que cela contrariera de me voir sculpteur, mais enfin, j’espère trouver aussi de bons défenseurs ».

Le catalogue raisonné de son œuvre sculptée, établi en 1991, indique 38 sculptures. Un certain nombre n’existent plus, probablement détruites par les héritiers, parce que sans intérêt pour l’édition en bronze. Nous allons nous intéresser aux principales.

La première œuvre tridimensionnelle présentée au salon, en 1877, fut : « La Parque et l’Amour  », groupe en plâtre gigantesque (300 cm de haut, musée d’Orsay). La statue fut appréciée du public, étonné et admiratif tandis qu’elle subit le courroux des critiques … A partir de ce plâtre, il réalisa une réduction en terre cuite de taille moyenne, 95 cm, et une autre dans le même matériau, de 60 cm. Il fit couler un bronze du modèle en 1879. Une petite édition en bronze fut faite après son décès. |left>

Son histoire nous est assez bien connue : un ami correspondant lui avait conseillé de proposer d’intégrer le sujet à un monument qui devait être élevé à [**Alfred de Musset*]. L’idée enthousiasma l’artiste : « il me semble qu’à chaque page de l’œuvre de Musset il est question de cet amour qui dispute à la mort quelques heures encore… N’est-ce pas là l’éternelle chanson du poète ; cette plainte que tous ont exprimée, mais lui plus et mieux que tout autre. Cette mort à laquelle l’amour dispute quelques pieds de son domaine, est bien autre chose encore que la mort ; c’est l’âge, c’est la vieillesse ; c’est la beauté effacée et le temps des illusions perdues… ». Le temps des Romantiques n’est, pas encore, très loin.

Regardons la sculpture : une vieille femme( la Parque) est assise. S’appuyant sur ses genoux, le jeune Éros debout regarde, tristement, sur sa gauche. Son bras gauche repose sur le vêtement de l’aïeule tandis que le droit semble essayer de se poser dans le vide. En réalité, une photo d’époque montre que l’Amour appuyait ce bras droit sur un arc et tenait de sa main gauche le fil que la Parque s’apprête à couper. Il s’agit donc de la troisième : Atropos l’inflexible, qui tranche sans pitié le fil de la vie. Les « Parques » étaient la transcription latine des « Moires  » (Μοῖραι ) de la mythologie grecque.
Notons que l’opposition évidente entre la jeunesse de l’Amour, fauché à la fleur de l’âge, et la vieille Parque, impitoyable, est du ressort de la représentation traditionnelle liée à l’antiquité, mais que son interprétation par l’artiste s’inspire directement de la Renaissance italienne, en particulier de la «Petite Piéta » de [**Michel-Ange,*] en marbre, conservée en la cathédrale de Bruges : même positionnement de la « mère porteuse ». Mais, pour le reste, la vision de Gustave Doré lui appartient en propre, elle lui est personnelle.

Le côté protecteur de cette vieille femme, maudite des humains, est assez inattendu, probablement faut-il en chercher le motif dans la relation que notre homme entretenait avec sa génitrice… La psychanalyse pourrait aider à la compréhension du psychisme de notre Protée du dix-neuvième siècle.

Les visages des deux protagonistes sont bien individualisés, la présence du carquois et des flèches aux pieds de l’Éros, la quenouille au sol, l’ample vêtement de la Parque, ses mains et ses pieds décharnés, sa face ridée, sont des caractéristiques indiscutables des deux. La réussite de cette statue tient à cette fusion entre deux personnages que tout oppose. Comme toute sculpture de qualité, elle en impose au spectateur, confondu devant une telle science de l’art tridimensionnel, pour lequel Gustave Doré peut être considéré comme un autodidacte complet.

« Vénus couchée avec l’Amour » est une petite terre cuite (13×21 cm, signée) du musée d’art moderne de Strasbourg. On y voit, à nouveau, ce thème récurrent de la mère et l’enfant, si souvent présent dans l’oeuvre de l’artiste. La femme nue est dans une position d’abandon total. Seul, l’enfant ailé permet de dire que nous avons à faire à Vénus. On remarquera le modelé du corps de la déesse, particulièrement bien rendu: grande douceur d’une peau que l’on croit toucher, magnifique chevelure tressée, bras potelés de l’amour aux doigts fins et individualisés, menton marqué et yeux fermés de Vénus dont l’aspect général paraît peu réaliste, se rapprochant des Vénus de[** Falconet*] et du dix-huitième siècle en général. Existe également une petite série d’une édition en bronze post-mortem.|left>

« L’Amour triomphe de mort » est un sujet que l’on rencontre en plâtre (deux variantes) et en bronze, sous une seule forme. Ses dimensions sont: 15x22cm environ. L’Éros a des ailes et il repose sur une dizaine de crânes. Le sujet a été composé à l’identique d’un «memento mori» vanité impliquant le rappel de leur mortalité aux hommes et l’inanité de leurs intérêts terrestres). Comme indiqué antérieurement, le symbolisme obscur de Gustave Doré dérangeait les critiques contemporains. Cette sculpture battant, en quelque sorte, les records: Éros et Thanatos liés, la superposition d’un enfant nu ailé (un amour) et d’un empilement de crânes est hallucinatoire, évocatrice de cauchemar et riche en interprétations freudiennes de tout ordre. Cela étant, le rendu physique de l’enfant est parfait: ventre replet, pieds longs et fins, visage réaliste à la coiffure impeccable, mains potelées…|right>

« Saute-Mouton » est connu en bronze (dimensions: 37,6×25,2cm avec une base de 14 cm de diamètre), signé, édité par [**Thiebault frères*]. C’est un des sujets que l’on trouve le plus fréquemment sur le marché de l’art. Un chevalier aviné saute par-dessus le dos courbé d’un moine, le sujet est à rechercher chez [**Rabelais*]. Doré présente les mêmes personnages dans son aquarelle: « Les joyeux ivrognes« . On remarquera le côté « rablé » du moine avec son visage bouffi, ses bras énormes tombant le long du corps et son froc qui l’enserre. A contrario, l’homme en armure semble plus sportif, plus élancé, ses jambes paraissant plus longues. Les détails de son harnachement sont précis, détaillés, comme savaient les montrer les artistes du dix-neuvième siècle.|left>

« La Belle et la bête », autre sujet de genre en bronze, de dimensions : 33×17,7 cm, est signé sur le socle. Il nous présente une nymphe nue, à l’opulente chevelure, retenant par le bras un vieux satyre s’aidant d’une béquille pour marcher. L’être grotesque porte des sabots fourchus au bout de ses pattes, il est aisément reconnaissable. Sa taille est bien inférieure à celle de la coureuse des forêts : il lui arrive à l’épaule, courbé qu’il est, aux limites de la chute. Ce sujet, ingrat et peu connu, n’a d’intérêt que pour l’élégance de la jeune femme nue qui rappelle la Renaissance française ( petits seins, longues jambes, pieds longs, fins et étroits, chevelure abondante) et l’aspect trivial du faune au lourd visage couvert d’une barbe hirsute, de moustaches et aux longues oreilles.

« La Pyramide humaine  », dite aussi « les saltimbanques », rare sur le marché, n’a rien en commun avec la sculpture traditionnelle du dix-neuvième siècle. Elle semble appartenir aux débuts de l’art moderne, vers 1900/1914. Sa proximité évidente avec la période rose de[** Picasso*] saute aux yeux les moins avertis, le catalan traitant le même sujet à plusieurs reprises, en y ajoutant sa part morbide, voire mortifère, qui n’existe pas chez Doré. La Pyramide humaine était un exercice gymnique populaire au temps de Doré, lui-même gymnaste passionné, qui avait un trapèze dans son atelier. On notera le développement spectaculaire du sujet avec ses huit bonshommes : du plus puissant en bas au plus léger en haut, en passant par chacun des participants. Ils sont tous individualisés et l’on sent l’effort commun sur chaque visage.|right>

L’œuvre existe en plusieurs tailles, signée, marquée du cachet du fondeur ([**A.Sichel et R.Pigalle*]). En novembre 2016, fut vendu le chef-modèle (l’exemplaire de travail du fondeur), de près de 130 cm de haut, à Drouot. Il a atteint la somme impressionnante de 200.000 euros… 

« Puck  » : existe en terre cuite et en bronze argenté, de dimensions réduites : 27×14 cm. Représente un personnage ailé debout accolé contre un hibou dont la tête aux yeux de sulfure peut s’ouvrir au niveau du cou. Un dessin au crayon noir du musée de Strasbourg, représentant deux hiboux au nid, date de la même période et montre une proximité étonnante avec cette sculpture. |left>

Rappelons que le «Puck» est une créature féerique du folklore celte d’Irlande, du Pays de Galles et d’Écosse, que [**Shakespeare*] a utilisé dans « Le songe d’une nuit d’été » où il pratique ce qu’il sait le mieux faire : perturber les humains en mettant tout sans dessus-dessous. C’est un farfadet, un lutin malin espiègle et rebelle qui se transforme à volonté, comme nous le voyons ici à l’instant du passage entre les deux formes. L’originalité du traitement du sujet réside justement dans cette transformation d’un être humain en hibou. La finesse du travail est nette : que l’on regarde de près le rendu des plumes de l’oiseau de nuit et l’on s’en convaincra. L’objet précieux est si bien traité qu’il en devient presque trop décoratif. Ce fameux reproche qui fut fait en permanence au créateur. Au final, c’est un compliment car il souligne les immenses capacités de l’artiste à rendre les détails les plus poussés, les variations les plus fines.|center>

« Le Miroir » : un miroir ovale biseauté dans un cadre de bronze doré, de dimensions : 103x63x29 cm. A l’origine conçu pour la Tsarine [**Maria Féodorovna*], épouse d'[**Alexandre III,*] il fit partie des collections de [**Jean Cocteau*] avant d’entrer au musée de Bourg-en-Bresse. En 2016, un exemplaire, inconnu sur le marché, fut vendu à Drouot et atteignit le prix de 300.000 euros.

Gustave Doré était un artiste prolixe qui s’intéressa un moment aux arts décoratifs. Sur le miroir, on remarquera les angelots agrippés à la draperie qu’ils soulèvent pour dévoiler le miroir. C’est un rappel des décors aux amours des pendules Louis XVI. La huitaine d’Amours est habilement répartie le long de la draperie.

« L’effroi  », plâtre original ( hauteur 120 cm)conservé à Strasbourg (musée d’art moderne et contemporain), existe en bronze en deux tailles ( 58,1cm et 29 cm). L’artiste présenta l’œuvre en plâtre au salon de 1879. Dans sa correspondance, Doré précise que la mère, en position centrale, est une femme nubienne.
« C’est l’un des drames les plus émouvants qui se puisse imaginer »,d’après Delorme, critique contemporain plus sagace que ses confrères. Plus loin il ajoute : « Il était difficile de trouver symbole plus éloquent de l’amour et du dévouement de la mère pour son enfant  ».
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Cette sculpture narrative, illustrative et démonstrative plonge ses racines dans un passé littéraire, historique et biblique, proche de la légende d'[**Agar*] et de son fils [**Ismaël*]. Le motif de l’enfant hissé sur la tête de la mère est un emprunt de l’artiste à [**Albert Carrier-Belleuse*] : son « Messie », pour lequel il inventa cette iconographie. Ce qui n’enlève rien à l’originalité de l’interprétation de Doré: corps fuselé de la nubienne occupant l’espace et se développant en hauteur, enfant potelé, serpent louvoyant et détails du vêtement, du visage effaré et de la coiffure de la mère, d’exquises qualités. Par nature ( une nubienne), le sujet est, à la fois, orientaliste et africaniste. C’est la sculpture la plus recherchée, et la plus commerciale, de toute l’œuvre du maître.

« La Madone  » : bronze de quatre tailles différentes, éditées par le fondeur [**Thiebault*], dont le modèle en plâtre fut exposé au Salon de 1880, connut un grand succès « populaire » pour l’époque, sans doute du à sa sobriété des formes et à son symbolisme évident. La pureté classique de sa composition saute aux yeux : femme hiératique et douce au visage classique, aux yeux tristes, au menton et au cou visibles, enfant Jésus faisant le geste d’écarter les bras en croix.

L’artiste en ressentait une certaine fierté : « C’est un sujet religieux , la plus connue de toutes mes sculptures, à laquelle je pense avoir donné un tour nouveau et absolument personnel. La Vierge en jouant avec son enfant amène le mouvement de ses bras à un geste semblable exactement à celui du dernier soupir sur la croix. Ce sens mystique que porte ce groupe en exprimant la corrélation de la fin avec le commencement de la carrière divine a ému et enchantés les visiteurs de mon atelier »…

«Roger monté sur son hippogriffe délivrant Angélique  » : œuvre connue à un seul exemplaire ayant appartenu à [**Jean Cocteau*], présentée dans une exposition de la Villa d’Este à Tivoli, près de Rome, au printemps 2016. C’est un bronze de 100 cm de hauteur, sa ciselure et sa patine sont magnifiques. Il sort du commun : le chevalier sur son hyppogriffe (créature fantastique hybride, mi-cheval, mi-aigle) est situé en haut, sa longue lance perçant l’affreux dragon, en bas sur un socle de même métal. C’est la lance qui devient le centre psychologique du drame qui se déroule sous nos yeux : l’artiste obligeant le spectateur à tourner son regard d’un point à un autre pour saisir l’entièreté de la scène. Impliquant donc un sens naturel et inné de l’Art Baroque, mais poussé à l’extrême grâce aux techniques de reproduction mécanique du dix-neuvième siècle. On ne peut que rester pantois devant une telle nouveauté, à l’évidence réfléchie, désirée et obtenue par le génie de Doré.|left>

Gustave Doré était un artiste prolixe qui s’intéressa un moment aux arts décoratifs : « Allégorie du temps  », pendule en bronze doré et ciselé, hauteur 130 cm, créée spécialement pour Alice Ozy (1820-1893), conservée au musée des arts décoratifs de Paris. La belle, charmante et intelligente comédienne **Alice Ozy*] fut très proche de Gustave Doré et de [**Théophile Gautier*]. Après avoir abandonné la scène en 1855, elle se consacra à boursicoter et gagna beaucoup d’argent : sa reconversion fut un triomphe. Elle devint la muse et la maîtresse de [**Chassériau*] en 1849, qui la représenta nue en «[ Nymphe endormie », beau tableau conservé au musée Calvet, en Avignon. |center>

La surabondance décorative de l’œuvre, qui choqua tant la critique du temps, est caractéristique de ce que l’on a appelé le « style Napoléon III » : éclectique, hétérogène, mélange de tous les styles qui ont précédé, mais finissant par créer un style propre qui se sert des autres, en les pastichant à sa sauce personnelle, sans les comprendre vraiment. Sa composition est donc une germination naturelle de personnages (le temps en vieillard, les amours)et d’éléments végétaux puisés dans la nature. C’est une sorte de printemps bondissant qui n’aura pas connu d’été, n’ayant eu ni fleur ni fruit. Naturellement, c’est un objet unique.

« Le poème de la vigne » : vase en bronze de dimensions : 396 x 208x 208 cm, fondu par [**Thiebault frères*], conservé au De Young Museum à San Francisco, pièce unique, dont le plâtre original fut présenté au salon de 1878 et détruit à Reims en 1917 dans un bombardement. Sur le corps de cette urne monumentale, on trouve : 58 amours, 7 bacchantes, 4 satyres, 1 silène et une multitude d’ennemis de la vigne : insectes, rongeurs et reptiles.

Justement baptisé «  le poème de la vigne », « il montre tout au long de sa panse rebondie un drame d’amour, d’ivresse, de volupté, de vie et de mystère. Doré s’est beaucoup livré dans cette œuvre en y jetant toutes ses aspirations profondes, ses sentiments les plus forts. Il s’astreint à ce travail durant des mois, moulant, modelant, dépensant soixante mille francs pour son exécution  ». L’accouchement difficile de ce monument décoratif va bien au-delà d’un simple travail de commande : l’artiste y a fait passer toute sa culture, toutes ses capacités de dessinateur comme de sculpteur, tout son argent, pour finalement l’envoyer dans une exposition aux États-Unis où il fut immédiatement acquis. Comme quoi nul n’est prophète en son pays.|center>

[**Gustave Doré*] fut tout à la fois : dessinateur surdoué, graveur de rêves, peintre visionnaire, sculpteur intransigeant, décorateur avant-gardiste, violoniste de talent. Il fallait le voir dans son atelier :Comme, le décrit un de ses amis « en se jouant, sans effort, il passe de l’ébauchoir au pinceau, prend ses crayons, les quitte, saisit un violon, instrument qu’il adore et dont il se sert à merveille. Tout cela simplement, tranquillement, au milieu des saillies d’une conversation qu’il sait rendre éloquente, spirituelle, paradoxale ou doucement poétique  ».

S’il n’innova pas vraiment dans l’art tridimensionnel, se situant dans une tradition classique, dominante de l’époque, il en présenta une variation basée sur une inspiration et une virtuosité hors-pair. Ses idées originales se voient dans ses réalisations sculptées( St Georges, le vase de la vigne) dont l’audace de composition est extraordinaire, ses statues et statuettes sont ingénieuses, marquées de son brio d’exécution. Notre temps les redécouvre enfin : elles sont maintenant passées à la postérité et au firmament de l’art statuaire.

[** Jacques Tcharny*]|right>


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WUKALI 08/07/2017
Illustration de l’entête: détail du miroir

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