Under the spell of emotion with Barbara


19h ce dimanche 28 juillet, on l’attend Barbara ! Le vent chahute les arbres centenaires de la majestueuse allée qui mène au parc de Florans. Ces platanes et ces séquoias semblent nous dire quelque chose de fort, d’unique, et le soleil indolent en cette fin de journée verse un halo cuivré sur tout ce qu’il caresse. Les rayons glissent sur les arbres, les végétaux étirent leurs ombres, et enfin, ces jeux de lumières en cette fin de journée se posent délicatement sur la scène.

Un, puis deux, puis trois musiciens font leur entrée. Les uns après les autres. Ainsi, on fait connaissance et la musique s’installe peu à peu. D’emblée on le sait : ils seront formidables ces compagnons de route suédois qui vont nous conduire sur « Le chemin de la liberté », « The Road to Freedom », vaste programme.

[**Mathias Algotsson*], au piano et à l’orgue B3, au timbre magnifique, malléable à souhait. Sous ses doigts, le son de ce bel instrument est riche et direct. Le musicien véhicule autant d’émotion sur son piano à queue. Le jeune homme passera de l’un à l’autre avec maestria. Dommage que les doigts virtuoses seront cachés par l’orgue..
[**Max Schultz*] et [**Ulf Englund*] à la guitare savent aussi faire swinguer leur auditoire. Enfin, elle entre sur scène, la divine diva. Pantalon noir et tunique bleue, ses cheveux tirés en arrière mettent en valeur ses traits. Elle a 70 ans, et elle est toujours aussi rayonnante. C’est une belle âme, une belle personne. On peut le lire dans ses yeux, l’apprécier par son sourire et l’entendre dans sa voix. Sa voix reconnaissable entre toutes, qui conserve sa beauté charnue et toute son expressivité au fil des ans. Elle qui la mêlait si joliment à des dizaines de registres musicaux différents, notamment dans le lyrique, proposera une quinzaine de chansons, des medleys, des poèmes, on jubile : de la soul, du gospel, du blues…

Olécio partenaire de Wukali

Le programme ne surprend pas vraiment. Le répertoire n’est pas nouveau mais nous serons séduits tout au long du récital. Elle est vraiment avec nous, au cœur de cette musique qui vit en elle depuis toujours. Elle a joué un rôle primordial dans la carrière de [**Barbara Hendricks*]. La chanteuse, qui vit en Suède depuis de nombreuses années, est une belle ambassadrice au service de toutes ces causes à défendre, de toutes ces luttes pour les droits civiques aux Etats-Unis, des luttes menées notamment par [**Martin Luther King*] qu’elle citera à maintes reprises. N’a–t-elle pas le même âge que la déclaration des droits de l’homme ? Allez, à une année près ! On nous rappelle, si besoin était, que « Nous devons marcher pour la liberté, nous devons marcher pour la vérité, nous devons marcher pour la solidarité« …

Ces messages sont toujours aussi forts et malheureusement, tellement d’actualité. Son Strange Fruit (de[** Billie Holiday*]) qui dénonçait les crimes raciaux et les pendaisons, nous donne la chair de poule. Voilà une femme qui sublime la vie, donne un coup de balai à la grisaille du monde. Il suffit de l’écouter. On est vite rassuré par ailleurs. Pas de crainte. Sa voix de soprano est toujours aussi impressionnante et sa capacité à tenir une note nous éblouit. Elle ne se contente pas de chanter des reprises, elles se les approprie et nous donne tellement avec générosité. Paradoxalement, la dame garde un part de jardin secret, une élégante réserve qui la rend mystérieuse et délicieusement Diva, sans les frasques ! Nos coups de coeur jazz et blues ? Il y en a eu : Down in Mississippi, la célèbre chanson de [**J.B. Lenoir*], guitariste et mari de l’activiste [**Rosa Parks*]. Barbara la chante avec émotion, d’une voix assurée, le timbre clair et majestueux. Au Blues, sa voix, qui a évolué et mûri lui donne la possibilité de toucher plusieurs répertoires. Comme dans « I believe », refrain repris par ses musiciens (à préciser que Ulf Englund est concepteur de lumière et également son époux). « Comme un arbre planté au bord de l’eau, nous ne bougerons pas » (« We shouldn’t be moved« ). Quelle facilité dans les aigus atteints sans effort ! On frémit à l’écoute de « Precious Lord, take my hand » (Dieu bon, prend ma main), la chanson que chantait [**Mahalia Jackson*] aux obsèques de [**Luther King*]. Que dire encore de « Summertime » ? Quand Barbara chante [**Gershwin*] c’est juste fabuleux.

L’ Ambassadrice de l’O.N.U cite encore Martin Luther King , fil rouge du concert.
« Ce qui m’effraie, ce n’est pas l’oppression des méchants, c’est l’indifférence des bons ». Elle dira encore : « Dieu a les deux bras grands ouverts: l’un est assez fort pour nous entourer de justice, l’autre assez doux pour nous entourer de sa grâce » Mais elle ne citera pas seulement le Dr King. Il y a tous ceux moins connus, ou parfaitement inconnus qui ont fait l’histoire. On réalise à quel point il ne s’agit pas seulement d’un regard sur le passé, d’une lutte contre la ségrégation, ce n’est pas uniquement historique. La lutte pour l’égalité, pour la justice, pour la solidarité, est plus que jamais actuelle. [**Barbara Hendricks*] est là pour le dire et le chanter. Une forme de résistance en quelque sorte, car nul doute, la liberté est l’affaire de tous et elle doit être gagnée par chaque nouvelle génération. Et la Diva dira encore cette poésie terrible écrite par une somalienne pour les réfugiés : « Ne bouge pas. A moins que ta maison te dise: va-t’en. Cours vite. Accepte les insultes, elles sont plus faciles à avaler que les coups. Et les humiliations plus faciles à recevoir que le cercueil d’un enfant. Pars avant qu’on me détruise, ta vie est plus importante ».

Alors oui, ce dimanche soir, nous l’avons eu ce rêve avec Barbara Hendricks ! Entre exil et espoir. « Et les anges étaient avec nous ! » confiera la diva, si heureuse d’avoir échappé à la pluie !

La veille, le récital de la jeune pianiste prodige [**Marie Ange Gnuci*] et de [**Jean-François Heisser*], pianiste et chef de l’Orchestre de chambre Nouvelle-Aquitaine avait du être annulé du fait des conditions climatiques. Une soirée Beethoven qui promettait des merveilles.

[**Pétra Wauters*]|right>


Festival de piano de La Roque d’Anthéron 2019


Les videos de Barbara Hendricks de France Musique mises en ligne dans cet article datent d’octobre 2018 et n’ont pas été captées à La Roque d’Anthéron

Illustration de l’entête: ©Bengt Wanselius

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WUKALI Article mis en ligne le 31/07/2019

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