The identity of this city in Lorraine sounds in music


Par Pierre-Alain Lévy /. Hasard ou non des programmations, [**Metz*] s’est diaprée de musiques, de passions, d’émotions, de douleurs et de sentiments tout au long de la semaine écoulée. [**Giuseppe Verdi*] en fut le grand magicien, l’enchanteur, le thaumaturge superbe.

Tout d’abord à l’[**Opéra-Théâtre*] avec [**Rigoletto*] mis en scène par [**Paul-Émile Fourny*].

Une distribution brillante avec [**Pierre-Yves Pruvot*] dans le rôle titre, [**Thomas Bettinger*] dans celui du duc de Mantoue, [**Oriana Favaro*] interprète Gilda, [**Mischa Schelomianski*] dans le rôle de Sparafucile et [**Sarah Laulan*] dans celui de Maddalena, l’[**orchestre de l’Opéra de Reims*] dirigé par [**Cyril Englebert*].

Olécio partenaire de Wukali

Paul-Émile Fourny a inscrit sa mise en scène pour la saison 2019-2020 dans un cycle traitant des violences faites aux femmes et développé à travers trois opéras de [**Verdi*] (Rigoletto, La Traviata– février 2020, Giovanna d’Arco -Juin 2020).

Voyons ce qu’il dit de «Rigoletto» : «le rôle de Gilda est central. C’est l’histoire d’une recluse, d’une jeune fille confrontée à un père autoritaire qui l’a enfermée, calfeutrée, sous prétexte de la protéger. Loin d’être une oie blanche stupide, elle montre un grand courage pour connaître les valeurs du monde et pour vivre sa passion.»

Qui ne dira jamais assez la puissance du théâtre et la force émotive de l’opéra, et qui ne ressent dans l’art, quelque soit son enracinement ou ses moirures, dans le temps au travers des siècles, l’incompressible force et génie pérennes de l’humain ! Ainsi Verdi et son librettiste [**Francesco Maria Piave*] se sont ils inspirés pour Rigoletto du drame de [**Victor Hugo*], « Le roi s’amuse». Telle en est bien l’origine, mais qui ne voit bien au delà les paternités, les influences, les évidences ! Rigoletto c’est tout d’abord Triboulet dont Victor Hugo s’inspire indirectement, soit un personnage ayant véritablement existé, un bouffon (un nain) du roi [**François Ier*].

Mais qui n’observe là surtout une filiation que l’on retrouve d’abord dans le Marchand de Venise de [**Shakespeare*] avec Shylock, voire même Richard III ou dans le théâtre français avec le personnage d’Arnolphe de [**Molière*] dans L’école des femmes. La sélection d’ailleurs est loin d’être exhaustive. La comparaison avec Shakespeare et Le marchand de Venise semble au demeurant d’évidence. Hugo plaçait au pinacle des écrivains Shakespeare qu’il révérait et qui pour lui dépassait par le génie, Molière ou Racine. Quant à l’humanité intrinsèque qui fonde le patriarche de Guernesey et que nous aimons à célébrer et dans sa vie, et dans son oeuvre littéraire ou politique elle est directement à retrouver dans le personnage de Shylock
.
«Have we not eyes? Have we not hands, organs, senses, dimensions, affections, passions? Fed with the same food, hurt with the same weapons, subject to the same diseases, healed by the same means, cooled and warmed by the same winter and summer? If you prick us, do we not bleed? if you tickle us, do we not laugh? if you poison us, do we not die? if you wrong us, shall we not revenge?» .

N’avons-nous pas des yeux, n’avons-nous pas des mains, des organes, des sens, des dimensions, des affections et des passions ? Nourris avec la même nourriture, blessés par les mêmes armes, sujets aux mêmes maladies, soignés par les mêmes moyens, refroidis et réchauffés par le même hiver et le même été ? Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas? Si vous nous chatouillez, ne rions-nous point? Si vous nous empoisonnez ne mourrons-nous pas? Si vous nous faites du mal, ne devons-nous point chercher revanche ?

Tout est là! Et ce n’est pas un hasard si le personnage de Shylock a suscité l’inconfort des lecteurs de Shakespeare avant d’être heureusement réhabilité au 20è siècle en France par [**Jean-Paul Sartre*]. Mais c’est un autre débat !

[**Rigoletto*], oui c’est le drame de la passion familiale, filiale et de l’amour paternel. [**Rigoletto*] c’est surtout un flot de musiques, d’airs et de choeurs et [**La donna mobile *] est devenu aujourd’hui et dans le monde entier, le numéro 1 des musiques inscrites au box office des «flashmob». N’oublions point qu’un temps aujourd’hui révolu, l’opéra était un art populaire au même titre que le théâtre d’ailleurs. C’était le rendez-vous des passions, l’exutoire du coeur, de la proscription, de l’amour et du courage.

La version qui nous a été donnée à voir et à écouter à l’Opéra-Théâtre de Metz a ravi tous les publics. L’émotion était au rendez-vous portée par chacun des chanteurs, des voix toutes superbes, bien positionnées dans toutes les tessitures et il faut tout particulièrement souligner l’interprétation de [**Pierre-Yves Pruvot*] dont la voix a fait trembler l’auditoire et dont le jeu scénique et théâtral, son interprétation bouleversante du personnage, a redonné au drame porté par le livret la véracité humaine un temps éclipsée par la musique de Verdi.

La mise en scène de [**Paul Émile Fourny*] fut elle aussi un agréable rendez-vous classique et raffiné. Autour d’un dispositif scénique central et pivotant, les différentes scènes s’articulaient avec beaucoup de charme. Les costumes d’époque plurent contribuant ainsi au dépaysement et l’adaptation dans le temps du drame. Quelques égéries aux beaux seins dénudés (sauf pour quelques tartuffes ou ronchons coutumiers), donnèrent dans la scène du bal de l’acte I, l’esprit de stupre et de fornication qui y sied. Des astuces de mise en scène tels les arrêts sur image figeaient les scènes dans un inconscient pictural, subliminal et artistique.

Au total ce n’est pas moins de quatre séances de l’opéra de [**Verdi*] qui viennent d’être montées et jouées à Metz dans cette maison d’ opéra, la plus ancienne de France, puisque son ouverture remonte à 1752, soit près de cinquante ans avant la naissance du maître !

Catégorie chef d’oeuvre, demandez le programme et le public n’attendait que cela, d’une musique, l’autre et de Giuseppe Verdi pareillement, c’est [**L’Arsenal*] qui prit le relai dimanche 6 octobre avec [**Le Requiem*]. À l’affiche l’[**Orchestre national de Metz*], le [**choeur de l’Orchestre de Paris*], direction musicale [**Scott Yoo*], chef de choeur [**Lionel Sow*], et les chanteurs [**Teodora Gheorghiu, Valentine Lemercier, Florian Laconi et Jérôme Varnier*], une salle pleine à craquer !

Impressionnante l’entrée sur scène des [**choeurs de l’Orchestre de Paris*]. Combien étaient-ils, je ne saurais le dire, très nombreux, et ils occupaient plusieurs rangées compactes à l’arrière de la scène de l’Arsenal qui est déjà très grande !

Une plateforme de chanteurs époustouflante (un comble ! ), comme les oiseaux dans la charmille !

[**Quatre talents, quatre personnalités hors pair !*]

Voila d’ailleurs quatre chanteurs qui se connaissent et qui s’apprécient et qui viennent juste 24h avant Metz, de jouer, avec l’Orchestre national de Metz et le choeur de l’Orchestre de Paris, le Requiem de Verdi dans la cathédrale Saint-Louis des Invalides à Paris. Un autre lieu, d’autres réverbérations, une manière de chanter différente.

[**Téodora Gheorghiu*] soprano, un prénom d’impératrice et un nom d’écrivain ! Un destin peu banal. En effet la chanteuse roumaine participe en Espagne au concours international de chant Julian Gayarre (une référence en ce domaine). Elle n’arrive cependant pas première, le chanteur [**José Carreras*] fait partie du jury, il est outré, il lui propose sur ses propres deniers de lui offrir l’équivalent du prix. Ce sera le début d’une grande carrière et les distinctions s’accumulent : lauréate du Concours international George Enescu à Bucarest, du Concours Reine Élisabeth de Belgique, elle obtient la Bourse d’études du Centre Herbert von Karajan du Wiener Staatsoper.

La chanteuse a pris de la force et de l’assurance dans[** Verdi*] et son Libera Me fuse précis et dramatique avant d’être repris par les choeurs dans une puissance orgiaque et dionysiaque avec les cymbales qui éclatent en bouillonnements d’enfer, l’orchestre et les choeurs grondent et rugissent. Dans la salle les yeux étincellent de lumières mouillées.

[**Valentine Lemercier*], mezzo-soprano débute une carrière prometteuse. Après des études à Montpellier puis au Conservatoire de musique de San Francisco elle travaille avec les plus grand maîtres. On a pu l’écouter très récemment dans le rôle de Mercedes dans Carmen monté en avril et mai dernier à l’Opéra de Paris . Son interprétation du Lacrimosa du Requiem est d’un équilibre parfait et d’une suavité dont on apprécie la couleur

[**Florian Laconi*], ténor. Un chanteur chaleureux qui multiplie les rôles du répertoire; L’Elisir d’Amore, Carmen, La Belle Hélène, Hérodiade. Très populaire à Metz d’où il est originaire et où il a étudié au conservatoire, il a de nombreux amis dans la salle. Il est l’invité de nombreuses maisons d’ opéra et de festivals dont les Chorégies d’Orange où il est devenu un habitué. Son Ingemisco est bouleversant et chaque son prononcé percute au coeur; la musique de Verdi apparait alors dans son essence et sa simplicité mélodique. La voix a pris de l’ampleur, de la lumière, de la couleur, de la rondeur, assurée et équilibrée.

[**Jérôme Varnier*], basse, a débuté sa carrière en 1992 et n’a cessé dès lors de se produire avec les plus grands chefs. Son offertoire est riche d’équilibres dans un dialogue avec les autres voix et son Lux aeterna sobre de retenues.

Le chef américain [**Scott Yoo*], chef invité, est à la baguette et dirige l’Orchestre national de Metz. Il est le directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Mexico, ainsi que chef d’orchestre du Colorado College Music Festival aux USA. Sa gestuelle est sobre et attentive aux attaques des instrumentistes dont il faut sans la moindre retenue célébrer les talents dans tous les pupitres. Sa connaissance parfaite de la partition du Requiem de [**Verdi*] entraîne l’adhésion de tous les musiciens. Cela se voit, cela s’entend ! Violoniste de formation, c‘est d’ailleurs avec cet instrument qu’il empruntera au Second violon que, tel un Hamelin, il sortira de scène suivi par tous les interprètes qu’il entraînera à sa suite, jouant et maniant l’archet. La salle exulte de joie, le public ivre de bonheur, fera de longues ovations.

Au demeurant quelle chance pour les interprètes de chanter et de jouer à[** L’Arsenal*] de Metz, l’auditorium est propice à ces interprétations monumentales et l’acoustique y est tout simplement fantastique. Mais aussi et a contrario, le moindre son le plus furtif est aussi parfaitement répercuté et on l’a pu notamment le remarquer dans le duo du Sanctus du Requiem. Une salle hors pair toute lambrissée de bois de hêtre et de sycomore. Une vaste nef de 50 m de long sur 25 m de large avec une élévation de 15m au dessus de la scène. Une qualité de son unique due à l’incroyable travail d’ingénierie de l’acousticien américain [**Daniel E Commins*] qui a su la mettre au point pour servir la structure architecturale dessinée par [**Ricardo Bofill*]. Un écrin parfait.

Mais qui donc né à Metz a su célébrer l’essence même de la musique? Le cabas de la ménagère au premier qui trouvera !

[**Pierre-Alain Lévy*]


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Contact : redaction@wukali.com

WUKALI Article mis en ligne le 08/10/2019

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