Useful book to demystify all the disinformation data about Syrian war


La chronique de Pierre de RESTIGNÉ.


Jean-Claude Antakli est né à Alep en Syrie, il a fait ses études dans son pays natal, chez les frères maristes, car sa famille est catholique. Poursuivant ses études supérieures en France, il rencontre Catherine qu’il épouse. Médecins biologistes, tous deux travaillent dans l’Aveyron. Ayant gardé de très fortes relations dans son pays d’origine, il fonde avec son épouse un institut infirmier « à la française » à la demande de Monseigneur Jean-Clément Jeanbart, archevêque grec melkite catholique d’Alep. L’objet de cet institut est de former en trois ans des cadres infirmiers suivant une formation proche de celle qui est dispensée en France, et ce avec les cadres hospitaliers syriens. Les étudiants sont de toutes confessions, les problèmes communautaires religieux si prégnants au Proche et Moyen Orient n’existant plus depuis plus d’un millénaire en Syrie où on assiste à une cohabitation plus ou moins apaisée des tenants des différents courants du christianisme et de ceux de l’islam. Les dirigeants de ce pays sont issus de la minorité alaouite (une variante du chiisme) alors que la majorité des musulmans sont sunnites. L’entremêlement des communautés religieuses est tel que le parti Baas au pouvoir a été créé par un chrétien maronite et qu’Asma, l’épouse de Bachar El Assad est de confession sunnite et a fait ses études « chez les sœurs ». Le couple présidentiel assiste régulièrement aux fêtes chrétiennes qui émaillent la vie de ce pays. La Syrie est un état laïc. Dans cette partie du monde, c’est avec Israël et dans une moindre mesure le Liban, le seul état qui n’a pas une religion d’Etat. Pour autant le sentiment religieux y est omniprésent. Il y a une grande tolérance, les musulmans priant la Vierge Marie, les chrétiens participant aux fêtes religieuses de l’Islam, par exemple. L’islam, tant alaouite que sunnite, enseigné dans ce pays est un islam de tolérance, de respect de l’autre, refusant la charia et autres mesures coercitives individuelles. Ceux qui ont eu la chance de visiter ce magnifique pays, berceau de l’écriture, berceau du christianisme, se sont vite aperçus que du moins dans les principales villes comme Damas, Hom ou Alep, l’uniforme des jeunes femmes est le jean et non la boukha. Bien sûr, le pouvoir en place est une dictature. Une dictature sanglante, il suffit de se rappeler la répression contre les frères musulmans dans les années 90 quand ceux-ci tentèrent un coup d’état. Une dictature militaire et policière dirigée par les alaouites qui se souviennent de la façon dont ils étaient traités quand les sunnites étaient au pouvoir. La société civile syrienne demandait des réformes et une libéralisation du régime. Depuis son accession au pouvoir, Bachar El Assad a commencé à prendre des réformes pour démocratiser le pays, mais des réformes timorées et très lentes.

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Le livre de Jean-Claude et Catherine Antakli est un témoignage de la situation actuelle de la Syrie depuis le début de la guerre. La première partie concerne leur dernier voyage à Alep en mai 2012. Dans de courts chapitres ils nous peignent la vie dans ce pays autour de l’institut infirmier, leurs rencontres avec leurs collègues, les étudiants, leurs amis et se dessinent une microsociété où monte l’angoisse et surtout l’incompréhension vis-à-vis des positions des occidentaux (et plus particulièrement de la France) et de la crainte de voir leur culture, leur système social remis en cause par les fondamentalistes religieux. Les deux autres parties, « la vérité sur les auteurs des massacres » et « les vraies raisons des massacres », sont bâties de la même façon : un court texte de Jean-Claude Antakli et les témoignages écrits, des articles, des lettres essentiellement de syriens. Cette façon de procéder montre les angoisses de tous les syriens (quelque soit leur confession) mais surmultiplie les répétitions rendant parfois la lecture quelque peu fastidieuse. Mais se dégage le sentiment que les syriens constituent une vraie nation qui transcende les frontières religieuses, que le pouvoir en place est critiqué par la lenteur des réformes qu’il met en place, par la répression aveugle qu’il a employé au début des événements, mais que le pouvoir est soutenu, du moins par la communauté catholique, car il est le seul rempart contre le fanatisme religieux qui essaie de le renverser. Les catholiques savent que si la rébellion arrive au pouvoir, ils n’auront le choix qu’entre la mort et l’exil, choix qu’ils ne veulent pas faire étant attachés à leur pays. Et ils sont très critiques contre la France (peu importe le président en place) qui soutient la rébellion, voire même qui les incite en exil, comme Nicolas Sarkozy le proposa lors de sa visite en France à Bachara Raï, Patriarche des chrétiens maronites.

Ce livre est aussi (et surtout) un pamphlet, avec comme il est coutume pour ce genre d’écrits, une certaine caricature, voire parfois un grand manichéisme et une lecture des événements simpliste. Tout serait du à la création de l’Etat d’Israël, au «sionisme» et à la sécurité de cet état…! Soit, que la présence d’Israël dans cette partie du monde fut un facteur de déstabilisation géopolitique est certain, mais tous les maux de ses voisins ne sont pas dus, loin de là, à sa présence. Qu’Israël veuille sa sécurité pour vivre parait plus que normal. La politique de la Syrie contre Israël a été aussi une façon d’unifier le pays en interne contre un ennemi commun, bien défini. Et il ne faut pas oublier que dans ce pays laïc, ou les différentes communautés religieuses vivaient en harmonie, les juifs en ont été expulsés…

Les attaques virulentes contre les Etats-Unis, contre la France, l’Occident, sont beaucoup plus recevables. Les guerres d’Afghanistan, d’Irak, l’intervention en Lybie, au nom des valeurs démocratiques autour des droits de l’homme ont surtout aboutit à la mise en place de groupes islamistes radicaux qui combattent la démocratie. Groupes financés, armés par l’Arabie Saoudite et le Qatar qui sont les alliés des démocraties dans un combat dont ils combattent la finalité. Ce n’est pas le moindre des paradoxes.

Mais surtout, c’est un vrai pamphlet, une critique particulièrement bien argumentées contre les médias occidentaux qui font plus de désinformation que d’information (il y a quelques rares exceptions). Il est certain qu’en France, la couverture au moins au début des événements en Syrie a été plus que lamentable, et même les personnes qui ne connaissaient pas bien la géopolitique locale s’interrogeaient sur l’objectivité des journalistes voire sur leur déontologie. Il faut dire qu’après la Lybie, il y avait de quoi s’interroger, surtout quand ils ne faisaient que suivre les dire de B.H.L. Et surtout, il était évident qu’ils ne se positionnaient qu’avec les rebelles sans surtout essayer d’avoir les arguments des « légitimistes ». Leur nullité, la fonction qu’ils s’étaient arrogés d’être les porte-paroles des rebelles sont apparues quand le massacre de Houla (emploi des gaz toxiques sur les civils), d’abord mis au compte de l’armée syrienne, s’est avéré être le fait des rebelles et que les victimes sont avant tout des chiites et des alaouites. La presse française ne reconnut ses erreurs que bien des mois après avec un minuscule entrefilet, il aurait suffit qu’elle lise, moins de 15 jours après le massacre la presse allemande pour reconnaitre son erreur. Il faut dire que nos voisins germains avaient fait une vraie enquête sur place, sans passer par les fourches caudines des rebelles, et en plus, ou surtout, elle se montrait déjà très sceptique quand à l’origine des informations qui arrivaient de Syrie.

En France, par principe, Bachar El Assad, étant un dictateur, ne pouvait que mentir quand il dénonçait un « complot » contre son pays venant de l’extérieur et employant des « rebelles » qui n’étaient pas syriens Les médias français préférèrent prendre leurs « renseignements » qu’à une seule et unique source, sans surtout en vérifier sa légitimité, sans surtout s’interroger de savoir comment elle pouvait recueillir images et sons, auprès de qui, etc., enfin sans se poser les questions qui permettent de différencier entre information et manipulation. Leur source fut une ONG (sic) : l’observatoire syrien des droits de l’homme installé à Londres depuis les années 80. De fait c’est un organisme dirigé, affilié aux frères musulmans ! Il en est de même du Conseil National Syrien, dont la première mesure fut symboliquement de supprimer la bande rouge du drapeau syrien (symbole de l’aspiration au socialisme) par une bande verte symbole de l’islam. Ce Conseil s’est transformé en Coalition Nationale en 2012 à Doha, au Qatar avec la volonté de s’ouvrir aux autres courants de contestation du régime syrien. Mais les méthodes employées, l’idéologie proclamée, la présence majoritaire en son sein des éléments les plus durs des frères musulmans firent que la majorité des opposants non islamistes ont refusé de la rejoindre ne lui reconnaissant aucune légitimité de représentation du peuple syrien. Il faut dire que son bras armé est le groupe Jabhat al-Nosra, financé par le Qatar, membre d’El-Quaïda Irak que les Etats-Unis d’Amérique ont inscrit sur la liste des groupes terroristes. Le paradoxe est que ces mêmes Etats-Unis d‘Amérique, mais aussi la France, reconnaissent comme légitime, aide pour diffuser la démocratie une organisation qu’elle sait être terroriste car voulant imposer l’islam le plus rétrograde et anti démocratique que l’on puisse imaginer. Après Ben Laden en Afghanistan, on n’est pas à une contradiction près !

Par certains côtés, les témoignages que rapportent François-Xavier et Catherine Antakli sont datés, car depuis quelques mois, les médias ont évolué et sont sortis de manichéisme où ils ronronnaient. Il est évident que des journaux comme Le Monde ont évolué, eux qui exigeaient une intervention rapide et massive avec les insurgés, se montrent beaucoup plus circonspects sur la finalité de leur combat. De plus la prise de conscience que cette guerre est faite avant tout par des combattants non syriens, dont des jeunes des banlieues, a fait prendre conscience du décalage entre les «aspirations du peuple syrien » véhiculées par ces groupuscules et celles des vrais habitants de Syrie. De plus, savoir que des dizaines de français vont se « former » au djihad en Syrie, fait craindre la prolifération sur notre territoire dans quelques années d’autant de potentiels Mohamed Méra.

Ce livre nous fait aborder un aspect peu connu de ce conflit, les problèmes liés au pétrole et au gaz que l’on trouve en Syrie, mais surtout ceux posés par les projets d’oléoducs devant passés par Hom. Bachar El Assad a refusé le projet pour le gaz Qatari, mais c’est prononcé pour celui venant d’Iran…

Syrie, une guerre sans nom ! est un vrai cri d’alarme poussé par des chrétiens qui ne souhaitent qu’une chose : rester dans leur pays et y vivre en paix. Ils sont rejoints dans leur supplique par des musulmans aussi bien chiites que sunnites qui ont les mêmes aspirations. C’est loin d’être un livre à la gloire de Bachar El Assad dont l’action est souvent critiquée. Ce livre montre l’incompréhension des syriens face à l‘attitude de la France (ne se faisant guère d’illusions sur les Etats-Unis d’Amérique), ils ont la réaction, en quelque sorte, d’amoureux trahis dans leur confiance.

Syrie, une guerre sans nom ! est un livre salutaire, utile à lire pour ceux qui veulent comprendre ce qui se passe dans cette partie du monde. Bien sûr il y a des insuffisances, des aprioris, un anti sionisme pénible, des caricatures, mais ce livre est une vraie déclaration d’amour pour un pays, un peuple et une façon de vivre au quotidien qui dénote beaucoup avec celle des autres pays musulmans de cette région du globe.

Pierre de Restigné


Syrie, une guerre sans nom !
Jean-Claude et Catherine Antakli

Éditions François-Xavier de Guibert/OEIL


Lire sur ces mêmes sujets la chronique de WUKALI, intitulée Information et désinformation. La guerre en Syrie et le gaz sarin et parue le 13 décembre 2013 et autres articles (aller dans Recherche: Syrie)


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