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Lu dans la presse

domaine paléoanthropologIe.

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Laurent Bruxelles de l’Inrap co-publie avec Ronald Clarke, Richard Maire, Richard Ortega et Dominic Stratford un article sur la datation de Little Foot (StW 573) par l’analyse stratigraphique (grotte de Silberberg, Sterkfontein, Afrique du Sud) dans Journal of Human Evolution.

Sterkfontein, au nord-ouest de Johannesburg, dans la province du Gauteng fait partie d’une zone inscrite par l’Unesco au patrimoine mondial depuis 1999 sous le nom de « Berceau de l’Humanité ». Depuis sa découverte en 1997 dans la grotte de Silberberg, un squelette, Little Foot, fait l’objet d’une fouille très minutieuse.

Repéré dans des circonstances exceptionnelles, cet australopithèque est le plus complet jamais mis au jour, et constitue un élément unique dans la connaissance des origines de l’Humanité. Si son âge, compris entre 2 et 4 millions d’années, pose toujours question, une équipe de chercheurs français, en collaboration avec l’Université du Witwatersrand (Johannesburg), apporte aujourd’hui d’importants éléments sur sa datation.

Une découverte exceptionnelle

Le 6 septembre 1994, Ronald J. Clarke découvre, dans une boite d’ossements animaux, quatre petits os d’un pied gauche d’hominidé provenant des déblais du réseau de grottes de Sterkfontein. De cette première découverte viendra le nom de Little Foot, donné par P.V. Tobias, en référence au petit pied qu’il venait d’identifier. En mai 1997, dans une nouvelle boite, il reconnaît d’autres fragments provenant du même pied et un fragment d’un tibia droit. Certain qu’il s’agit des ossements d’un même individu, Ron Clarke missionne ses assistants, Stephen Motsumi et Nkwane Molefe, afin de localiser l’ensemble du squelette. Dans cette immense cavité, remplie des déblais de dynamitages miniers successifs, les deux chercheurs, munis d’un moulage de tibia, trouvent, contre toute probabilité, une connexion osseuse dans la roche. Treize années auront été nécessaires à Ron Clarke et à son équipe au dégagement de Little Foot de sa gangue rocheuse, des millions d’années après sa mort.

Le faux pas de Little foot

De nombreux ossements isolés d’animaux ou d’australopithèques proviennent de cette cavité et de ses voisines. Certains portent les stigmates des dents de grands carnivores, parmi lesquels, des léopards et des tigres à dents de sabre. Dans un paysage d’avens, ces carnivores consommaient généralement leur proie, au calme, sur quelque branche d’arbre surplombant directement les gouffres. Les reliquats partiellement décharnés de ces repas y tombaient et se sont accumulés.

L’histoire de Little Foot est tout autre puisque, peut-être poursuivi par un prédateur, il a fait une chute fatale de plus de vingt mètres, son corps roulant sur un talus d’éboulis, avant de s’immobiliser, un bras tendu au dessus de sa tête, l’autre roulé contre lui. Au fil du temps, sa dépouille a été recouverte par une accumulation de sédiments et de cailloutis, sur plus de dix mètres d’épaisseur.

Dernières recherches avant le prélèvement du fossile

Depuis sa découverte, les avis ont divergé à propos de l’ancienneté de Little Foot. Daterait-il de 3,3 millions d’années, comme l’envisagent Ron Clarke et Tim Partridge à partir de la morphologie de l’hominidé et d’une première datation paléomagnétique ? Ou doit-on se fier à des datations ultérieures des sédiments entourant le fossile lui attribuant un âge bien plus récent, entre 1,5 et 2,2 millions d’années ? D’autres datations lui ont même donné un âge de 4 millions d’années…

En 2007, à la demande de l’université sud-africaine, Laurent Bruxelles, géomorphologue à l’Inrap, prend en charge ce délicat problème de chronologie et démêle la succession des strates qui enserrent le squelette. Avec Ron Clarke, ce spécialiste des réseaux karstiques démontre aujourd’hui que les strates datées d’1,5 et 2,2 millions d’années ne sont pas contemporaines de Little Foot. Après étude des sédiments contenant l’hominidé, il lui redonne aujourd’hui un âge ancien, plus proche de 3 millions d’années, voire au-delà. En effet, les datations ont été réalisées sur des formations sédimentaires qui se sont déposées longtemps après la mort de l’australopithèque. Entre sa fossilisation et l’arrivée des sédiments qui ont été datés, plusieurs étapes géologiques ont été distinguées, chacune d’entre elles impliquant des phénomènes lents, requérant le long terme.

Little Foot, un Australopithecus prometheus, serait donc un quasi contemporain d’un fossile bien moins complet, Lucy, le célèbre Australopithecus afarensis découvert en 1974 en Ethiopie.

Avant son extraction, une équipe française a réalisé dans la grotte, en janvier 2010, un modèle en trois dimensions du fossile. Laurent Bruxelles et José Braga (paléoanthropologue, Université Paul Sabatier, Toulouse), accompagnés d’une équipe d’informaticiens et de spécialistes du scanner 3D, Gérard Subsol (LIRMM), Jean-Pierre Jessel (IRIT) et Benjamin Moreno (IMA Solutions), ont réalisé plusieurs scans de différentes résolutions. Il s’agissait ici de sauvegarder non seulement l’ensemble des informations sur le squelette, sa position, sa morphologie, mais aussi toutes les données géologiques de son contexte. Ils s’emploient actuellement à reconstituer l’ensemble du fossile en trois dimensions.

La place de Little Foot dans l’histoire des origines de l’Homme

Little Foot n’est pas encore humain puisqu’il vit plus d’un million d’années avant l’apparition des premiers hommes en Afrique. Il s’agit d’un australopithèque, un groupe de pré-humains très bien représenté en Afrique australe.

Différents arguments anatomiques indiquent la coexistence d’au moins deux espèces d’australopithèques en Afrique australe vers 3 millions d’années, notamment sur le site de Sterkfontein. La présence d’Australopithecus africanus est bien connue mais, au fur et à mesure de ses recherches, Ron Clarke a rattaché Little Foot à la seconde espèce, moins illustre : Australopithecus prometheus. Avec Little Foot, les chercheurs disposent désormais d’un squelette presque complet de cette seconde espèce ! L’enjeu scientifique est considérable puisque l’une des deux lignées donnera naissance aux premiers hommes, la seconde restant probablement sans descendance.

À proximité, plusieurs autres cavités ou sites de plein air sont en cours d’étude par des équipes sud-africaines ou internationales. Depuis 1995, les paléoanthropologues José Braga et Francis Thackeray de l’université du Witwatersrand à Johannesburg, dirigent la fouille du site de Kromdraaï, qui pourrait éclairer sur l’apparition du genre « homo ».

Tout en participant à ces fouilles, Laurent Bruxelles réalise une étude géomorphologique de l’ensemble de ce secteur. L’objectif est de connaître les rythmes d’évolution du paysage et de comprendre la succession d’événements qui ont permis le développement des grottes, leur remplissage par des dépôts fossilifères et leur évolution postérieure. Sur cette base, un programme concernant l’étude des paléo-climats, lorsque ces sites étaient fréquentés par les hominidés, vient d’être lancé.

Parallèlement, en 2012, une prospection par un drone équipé d’une caméra infrarouge à haute résolution a permis de repérer plusieurs entrées de grottes qu’il reste à étudier. Sur le site de Sterkfontein, l’équipe composée de Florent Hautefeuille, Nicolas Poirrier et Carine Calastrenc (UMR 5608 TRACES et plateforme Terrae) ont même réussi à localiser le passage par lequel Little Foot est tombé dans la grotte.

Ces recherches bénéficient du soutien de l’Ambassade de France en Afrique du Sud, du ministère des Affaires étrangères, de la ville de Toulouse, de l’Université du Witwatersrand (Johannesburg), du Palaeontological Scientific Trust (PAST), de la National Research Foundation, de l’Inrap et du CNRS.

Références de l’article

Bruxelles L., Clarke R. J., Maire R., Ortega R., et StratfordD. – 2014. – Stratigraphic analysis of the Sterkfontein StW 573 Australopithecus skeleton and implications for its age. Journal of Human Evolution.

Sources: Inrap


Illustration de l’entête : © Ronald Clarke


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