The great Armel Job signs his new literary appointment in WUKALI

– ‘[**La Chronique d’Armel Job*].

On connaît par le témoignage de son amie [**Dora Diamant*] l’histoire suivante à propos de[** Kafka*]. Kafka et Dora passaient chaque jour dans un parc. Une fois, ils tombent sur une petite fille qui pleurait toutes les larmes de son corps. Sa poupée avait disparu. Kafka se penche et lui dit qu’il connaît sa poupée. Elle vient de lui écrire une lettre pour lui annoncer qu’elle allait partir.

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« Montrez-moi la lettre, dit la petite fille.
Je l’ai laissée chez moi, dit Kafka, mais je te l’apporterai demain. »

De retour chez lui, à la grande surprise de Dora, Kafka se met à écrire la missive de la poupée en y apportant toute l’application qu’il consacre autrement à son œuvre. Le lendemain, avec Dora, ils retrouvent la petite fille dans le parc, et Kafka lui lit la lettre, dans laquelle la poupée explique qu’elle avait envie de voir le monde, qu’elle s’en est allée, mais qu’elle n’oublie pas son amie. D’ailleurs elle s’engage à la tenir au courant de son voyage. Et, durant trois semaines, chaque jour, Kafka écrivit avec un soin extrême une lettre de plus à l’enfant, jusqu’au moment où il constata qu’elle s’était consolée, qu’elle pouvait recevoir un dernier message où sa poupée lui expliqua qu’elle venait de se marier et lui fit ses adieux.

Ce qui fait la puissance des vraies belles histoires comme celle-ci, c’est qu’elles nous émeuvent immédiatement, mais que nous pressentons aussitôt qu’au-delà de la première impression, il y aura quelque chose de plus profond à en retirer.

Tout de suite, nous sommes remués par le geste de Kafka. Il aurait pu passer à côté de la petite fille. Il a eu pitié d’une enfant inconnue, il a laissé parler son cœur. Sa générosité nous touche.

Il est bien possible que nous nous serions arrêtés comme lui, mais probablement aurions-nous alors tenté de raisonner la petite fille. Cette poupée n’était qu’un chiffon, elle en retrouverait bien une autre, il n’y avait pas de quoi en faire un plat. Kafka, lui, a adopté sur-le-champ le point de vue de la malheureuse et non le sien, il n’a pas cherché à lui imposer son bon sens d’adulte.

Mais le plus étonnant n’est pas là. Il faut savoir que ceci se passait dans la dernière année de la vie de Kafka, quand sa santé faiblissait inexorablement. Alors qu’il avait toutes les raisons de se consacrer à son travail, il préféra perdre son temps à sécher les larmes d’une petite fille. Encore aurait-il pu lui torcher quelques mots, mais il s’appliqua autant que s’il s’était agi du Procès ou de la Métamorphose.

N’avait-il rien de mieux à faire ? Ne gaspillait-il pas son génie dans des enfantillages ?

Par son geste déconcertant, il a lui-même donné la réponse. Peut-être seul un grand écrivain pouvait-il faire passer les larmes d’un enfant avant son œuvre. Un écrivain véritable n’oublie jamais qu’une larme d’eau et de sel vaut mieux que toutes les larmes d’encre et de papier. Le contraire serait la perversion de la littérature. La littérature ne pleure pas pour elle-même, mais seulement parce que les humains pleurent parfois.

Ce qui est vrai de la littérature ne l’est pas moins de toute autre activité. Chacune de nos entreprises risque tôt ou tard de tourner sur elle-même. Aucune pourtant n’a de sens que dans sa relation aux êtres dont nous partageons la vie.

[**Armel Job*]


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Contact : redaction@wukali.com

WUKALI Article mis en ligne le 01/05/2019

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