Accueil Actualités Émilie Lalande crée Le Carnaval des Animaux au Pavillon Noir d’Aix-en-Provence.

Émilie Lalande crée Le Carnaval des Animaux au Pavillon Noir d’Aix-en-Provence.

par Pétra Wauters

Un spectacle magique sur un sujet grave

Deux représentations archi combles. 60 minutes qui passent comme dans un rêve. Ce n’est pas la première fois que l’écologie entre dans la danse avec La compagnie « 1Promptu ». La chorégraphe Émilie Lalande est comme ça, très « nature » et toujours en mouvement. Normal, direz-vous, pour une danseuse.

Dans son « Carnaval des Animaux », radiographie poétique et parfois sombre du monde animal, Émilie invite les parents, qui ne se font du reste jamais prier. Certains sont même venus seuls ! Mais le plus souvent la prise de conscience se fait en famille. Le thème est porteur et superbe pour qui sait nous emporter. Partout, sur notre planète, des hommes et des femmes, dont ce n’est pas forcément le métier, se battent pour défendre l’environnement et la biodiversité.

Les spectacles aident souvent à cette prise de conscience ; le rideau se lève sur une pièce de théâtre, une chorégraphie, un spectacle, qui offrent des récits nouveaux et posent des questions essentielles. Lorsque le rideau tombe, si on y pense longtemps après, c’est gagné ! 

Émilie Lalande. Création 2022.
Émilie Lalande. Création 2022. Le carnaval des animaux
© JC Carbonne
Émilie Lalande

Émilie ne nous quitte pas d’un spectacle à l’autre. On se souvient qu’avec « Wood », elle avait bouleversé la salle par la poésie de son spectacle militant. Car ses spectacles, à n’en point douter, conjuguent beaucoup de sujets avec bonheur :  l’écologie, c’est le combat de notre époque, et arriver à nous faire trouver du plaisir dans cette noirceur, c’est fort, très fort !  C’est que son langage, tout en restant ancré dans le réel, est poétique. Quantité de tableaux marquent les esprits et émeuvent tout à la fois.  Le spectacle nous fait rêver avec une réalité pour le moins inquiétante.

Les six danseurs de cette pièce connaissent parfaitement leur chorégraphe… et sans doute l’un d’entre eux, plus que tous les autres. Il s’agit de son amoureux, comme elle l’appelle, son Roméo sur scène lorsqu’elle était la sublime Juliette du célèbre ballet d’Angelin Preljocaj. C’est aussi le papa de ses deux enfants. Avec Jean-Charles Jousny, c’est le bonheur d’un couple qui regarde dans la même direction et partage la même passion. Complicité dans la préparation des spectacles, complicité dans la danse.

Dans « Le Carnaval des animaux », chaque danseur apporte sa sensibilité, son texte « graphique » qui colle avec l’animal interprété, ou plutôt, incarné. Le public reste suspendu à l’histoire qui se joue. On ne fait pas la morale, la pensée respire à travers les corps, s’exprime à travers les mouvements. Les animaux ont besoin de nous autant que nous avons besoin d’eux, c’est aussi simple que cela. 

En tête à tête avec Émilie

Wood, la création 2021 et le Carnaval des Animaux, la création 2022. Tout va-t-il bien pour vous, Emilie Lalande ?

Oui, tout va bien, même si le Covid a chamboulé les programmations. J’avais trois créations à faire sur trois années mais à cause du Covid, tout a été repoussé. Mon statut d’ « artiste associé » se terminait en décembre 2021, mais j’ai demandé si je pouvais présenter ma troisième création en janvier ce qui m’a été accordé. Mais voilà que le Covid a touché plusieurs de mes danseurs, ce qui a encore reporté la présentation. J’espère qu’il n’y aura plus de problèmes avec les dates suivantes !  

Vous êtes à présent en résidence à l’Espace NoVa de Velaux. Auriez-vous pu présenter le spectacle là-bas ?

Oui, mais j’avais très envie de boucler avec cette pièce-là au Pavillon Noir, Centre chorégraphique, car elle regroupe tous les univers que j’ai pu aborder en tant qu’artiste associée depuis le début. C’est la continuité et l’aboutissement, puisque j’ai commencé à faire découvrir les instruments de musique avec Pierre et le Loup, et je souhaitais que cela continue dans cette voie en mettant en scène des animaux. J’ai encore eu de la chance que l’on m’ait fait confiance.

Olécio partenaire de Wukali

L’élément déclencheur est militant, comme souvent dans vos spectacles

Oui, l’écologie est aussi à la base de mes spectacles. C’est se dire aussi que l’on va un peu droit dans le mur, et qu’il faut écologiquement faire quelque chose. Envers les animaux déjà.

Je ne voulais rien faire de pesant ou moralisateur, surtout en ce moment !  Tout au long du spectacle, il y a un fil conducteur qui est le coucou, on l’entend dans la musique de Saint Saëns.  C’est un très joli passage.  Jean-Charles l’interprète, « entre autres rôles ». Il revient comme un fil rouge pour nous rappeler que le temps passe, qu’il est entre nos mains, et qu’il n’y a que nous qui pouvons faire changer les choses.  

Émilie Lalande. Création 2022.
Émilie Lalande. Création 2022. Le carnaval des animaux
© JC Carbonne

L’extinction de l’espèce animale, l’équilibre à préserver… le spectacle est en quelque sorte un état des lieux de tout ce qui nous entoure. Il ne s’agit pas seulement de dire « attention », il faut faire quelque chose !  

Comment est née cette pièce ?

Souvent, le point de départ ce sont les enfants ! Ma fille Lubiana écoutait Le carnaval des animaux en boucle. Il s’agit d’un livre musical qui présente cette histoire et on peut écouter les morceaux en appuyant sur des petits récepteurs. Elle adore et la magie opère à chaque fois. Elle danse en même temps !  Cette musique est magique.

Par ailleurs, je m’inspire beaucoup d’Alexis Michalik, notamment dans « Le porteur d’histoire » ou encore « Edmond ». Le metteur en scène emploie plusieurs fois ses comédiens dans la pièce. On les voit passer et repasser et on se demande si ce sont bien les mêmes… En une seconde il saute d’un personnage à l’autre. Ça m’impressionne dans le théâtre, et je me suis dit mais pourquoi ne verrait-t-on pas cela dans la danse ? C’est un travail de fou ! Je dois avouer que cela n’a pas été facile. Dans Le Carnaval des Animaux, il y a une dizaine d’animaux.  Je ne pouvais pas avoir le double de danseurs, on a donc adopté cette formule magique de « détournement ». 

Émilie Lalande. Création 2022.
Émilie Lalande. Création 2022. Le carnaval des animaux
© JC Carbonne

Vous détournez souvent « l’utilisation des objets. C’est un peu la même formule ?

Oui, c’est cela l’idée.  Je détourne les animaux !

On passe du lion à l’éléphant, de la chouette à la poule. C’est un jeu que j’aime bien faire avec les danseurs. C’est très compliqué, et j’avoue ne pas avoir été toujours très zen ! Tout est chronométré au millimètre près.

Pour les objets, j’ai utilisé un vrai coucou. Celui de nos grands-mères, qui sort sa tête de la maisonnette pour donner l’heure. Il devient un personnage à part entière dans la pièce, mystérieux et mystique. C’est lui qui nous emmène sur différents continents.

Autre détournement, une planche d’équilibre wobble…  Incurvée, elle permet de poser un pied de chaque côté et on peut se balancer et garder l’équilibre, son rôle premier. Mais elle peut aussi servir de cachette en la retournant.  Les planches mesurent généralement un mètre. Pour les besoins du spectacle, j’ai eu l’idée de faire une grande planche de 4 m 50. Ainsi elle pourrait accueillir tous les danseurs.  Il fallait juste trouver l’équilibre homme-animaux !

Cette planche nous accompagne. Je ne dévoile pas tout, gardons un peu de mystère, mais elle se fait arène lorsque le taureau entre en scène. C’est la danse macabre de Saint-Saëns qui illustre cette séquence.  

Justement, parlons musique. Il n’y a pas que Saint-Saëns dans votre Carnaval des Animaux 

Effectivement, Saint-Saëns est très présent. J’utilise plusieurs univers de ce compositeur et pas uniquement la musique du carnaval. On peut aussi écouter des artistes qui ont interprété Saint-Saëns, comme Maria Callas.  Il y a également des séquences musicales davantage rock, avec Muse notamment. Par ailleurs, il y a aussi des musiques que j’ai créées, revisitées. De la musique classique, en passant par l’opéra ou encore le rock, j’ai eu très peur que tout cela fasse bizarre, incongru. On m’a vite rassurée. Tous ceux qui ont vu le spectacle ont trouvé que l’univers du carnaval était bien présent, et que, d’un univers à l’autre, le spectacle restait cohérent. J’étais à la recherche d’une harmonie pour ce spectacle foisonnant, qu’il n’y ait pas de dissonance. Tous ces tableaux cheminent sur scène pendant une heure de spectacle. Il ne s’agissait pas de perdre le public en cours de route. 

Émilie Lalande. Création 2022.
Émilie Lalande. Création 2022. Le carnaval des animaux
© JC Carbonne

Il y aussi tout un travail annexe. Des actions pédagogiques et culturelles.

Nous proposons en effet des ateliers qui s’appuient sur une pédagogie active, autour de la danse, de la musique. Nous parlions de détournement d’objets qui sont très présents dans les processus de création de la compagnie. Cette démarche est abordée par les intervenants de la troupe. On est surpris de voir à quel point elle stimule l’imaginaire des enfants. Ces ateliers valorisent les savoir-faire et les savoir-être des enfants. On part des propositions des uns et des autres et chacun trouve sa propre danse. On a tous un potentiel en nous qui ne demande qu’à faire surface. 

Émilie Création 2022 Pièce pour 6 danseurs 
Chorégraphie et mise en scène Émilie Lalande Interprètes Perle Cayron, Anaïs Pensé, Clara Serafini, Marius Delcourt, Jean-Charles Jousni et Amaury Reot – Musique Camille Saint-Saëns  Lumières Jean-Bastien Nehr Décors Atelier Vierano Costumes Marie Vernhes, Émilie Lalande Coproduction et résidences CCN d’Aix-en-Provence Ballet Preljocaj, Scène 55 / Mougins, Théâtre des Franciscains / Béziers, Espace NoVa / Velaux Soutien Ministère de la Culture / DRAC PACA, Caisse des Dépôts 

Pour en savoir plus: https://www.1promptu.fr

Pour en savoir plus : 

Ces articles peuvent aussi vous intéresser