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Salle Poirel à Nancy, bon Anniversaire Anne Queffélec !

par Gabrielle Hirchwald

Schumann a réuni le quatuor Varèse et Anne Queffélec à Nancy

Le 16 janvier 2023, dans le cadre de l’Association Lorraine de Musique de Chambre, la pianiste Anne Queffélec et le Quatuor Varèse nous ont offert une soirée exceptionnelle placée sous le signe de Mozart et surtout de Schumann.

Anne Queffélec a répondu de manière positive à l’invitation de Philippe Fosseux, président de l’ALMC. Plébiscitée partout, c’est pourtant la première fois qu’elle vient jouer salle Poirel. Pour son concert inaugural de l’année, la célèbre pianiste admire la beauté des lieux et nous dit sa joie d’être là. Rares sont les artistes qui nous préparent à partager un tel moment. Anne Queffélec est de ces interprètes pédagogues qui donne au public et qui le guide vers le chemin qu’elle veut nous faire emprunter. Avant de se tourner face au clavier, la pianiste se tourne vers nous ; avant de prendre la parole avec ses doigts, elle ouvre la bouche afin de nous présenter la première pièce du programme. Le Quatuor Varèse l’imitera ensuite. Et enfin, nous aurons le plaisir de les voir jouer ensemble.

Initier la soirée par Mozart n’est pas un hasard. La sonate n°13 était la préférée de Clara Wieck, l’épouse de Robert Schumann. Le piano est ouvert, le pupitre ôté, Anne Queffélec nous plonge dans le mystère de la transparence mozartienne, à la fois tellement évidente et si complexe. Cette longue sonate contient en elle tout le lyrisme du compositeur. Et l’immense pianiste de nous entraîner dans un tourbillon d’émotions, du poétique et lumineux andante au sautillant mouvement final.

Le Quatuor Varèse succède à Anne Queffélec. Composé des violonistes François Galichet et Julie Gehan Rodriguez, de Sylvain Séailles, altiste, et de Thomas Ravez au violoncelle, ce jeune ensemble a été fondé en 2006 au Conservatoire National Supérieur de Musique et Danse de Lyon. Se produisant sur de nombreuses scènes en France comme à l’étranger, le Quatuor Varèse a acquis une véritable reconnaissance par-delà les frontières en se distinguant dans les plus grands concours internationaux de quatuor à cordes. Sylvain Séailles présente ce troisième quatuor de Schumann qui s’inscrit dans une période intense de création de musique de chambre pour le compositeur. Cet opus interprété avec fougue et émotion traduit au plus haut point le romantisme de Schumann, mêlé d’élans vers l’extérieur et de retours à soi dans un cycle haletant.

Olécio partenaire de Wukali

Pendant qu’ils jouaient avec tant d’intensité, je ne pus m’empêcher de penser à l’un des personnages de L’Œuvre de Zola. Gagnière, peintre perdu dans la musique, voue un culte immodéré à Schumann : « la rêverie de Schumann, rien que les instruments à cordes, une petite pluie tiède sur les feuilles des acacias, un rayon qui les essuie, à peine une larme dans l’espace ». Et d’ajouter : « Des machines de Schumann, tu n’as pas idée ! Ça vous prend là, derrière la tête, c’est comme si une femme vous soufflait dans le cou. Oui, oui, quelque chose de plus immatériel qu’un baiser, l’effleurement d’une haleine… Parole d’honneur, on se sent mourir… »

Anne Queffelec quatuor Varese

De retour après l’entracte, le Quatuor Varèse retrouve Anne Queffélec pour interpréter le fameux quintette de Schumann. Méticuleuse avec grâce, la pianiste replace le pupitre avec l’aide du tourneur de pages, décale légèrement sur la gauche la partition pour faciliter sa manœuvre, ajuste la hauteur de son siège. Voilà, ça y est ! C’est prêt. Même si l’on sait que c’est un des monuments de la musique de chambre, l’œuvre continue de nous surprendre par sa fulgurance et son unité.

Inventeur de cette formation où le piano est roi, Schumann atteint en 1842 le talent de fédérer en cinq instruments la quintessence de la musique. Que le piano dialogue d’abord avec le violoncelle dans le premier mouvement, puis avec les violons et l’alto ensuite, il ne saurait écraser ses confrères comme d’aucuns ont pu le lui reprocher en son temps. Dans cette œuvre d’une puissance magnifique, les artistes nous offrent un moment de virtuosité extraordinaire. Chacun à sa manière : les quatre plus jeunes de l’ensemble manifestent davantage leurs émotions ; l’interprétation d’Anne Queffélec impressionne d’autant plus que, même dans les passages les plus ardus, elle ne se dépare jamais de son intense délicatesse. En figure maternelle veillant sur ses enfants, elle incarne cette humilité rassurante que possèdent les artistes d’exception. En faux bis, les cinq interprètent reprennent la fugue finale du dernier mouvement. Comme une boucle sans fin. Et encore le personnage de Zola qui me susurre à l’oreille : « dans Schumann, il y a tout, c’est l’infini… »

Au moment de saluer le public, Anne Queffélec tapote l’extrémité du piano pour l’applaudir lui aussi, comme un jockey le ferait avec son cheval après avoir gagné une course. Plénitude musicale hic et nunc qui nous donne l’envie et le courage de continuer à vivre.

Il y a presque cent ans, jour pour jour, Jean Bartholoni notait dans Le Monde illustré du 6 janvier 1923 la puissance émotionnelle de cette œuvre magistrale : « Le quintette pour piano, deux violons, alto et violoncelle est le plus parfait de forme, le plus solide de facture, le mieux ‘sonnant’ et le plus triomphal de tous les quintettes : seul celui de Franck peut lui être comparé ».

Or, nous ne pouvons que remercier Philippe Fosseux et l’ALMC de nous avoir offert ces deux quintettes à quelques mois d’intervalle lors de la saison 2022-2023. En effet, le 23 mai dernier, le groupe Syntonia avait terminé son concert par la musique de Franck. Le Quatuor Varèse et Anne Queffélec ont clos le leur par celle de Schumann. L’harmonie du programme dépasse la saison en cours car elle se diffuse d’une année sur l’autre. Mille mercis de jouer ce rôle de passeur musical. Et un très bon anniversaire à Anne Queffélec ! 

Programme :
Mozart
Sonate n° 13 en si bémol majeur K. 333

Allegro
Andante cantabile
Allegretto grazioso

Schumann
Quatuor n°3 en la majeur op. 41

Andante espressivo – Allegro molto moderato
Assai agitato
Adagio molto
Finale – Allegro molto vivace

Entracte

Schumann
Quintette pour quatuor à cordes et piano en mi bémol majeur op. 44

Allegro brillante

Lire aussi dans WUKALI : Anne Queffelec à la Roque d’Anthéron (cliquer) par Pétra Wauters

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Illustration de l’entête: salle Poirel à Nancy. ©photo École Nationale de Lutherie de Mirecourt

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