About Hong Kong and UK after Brexit


Les quelques réflexions qui suivent sont le résultat d’une conversation que j’eus avec [**Pierre-Alain Lévy*] il y a quelques semaines. Ce dernier me demandait alors si je serais disposé à écrire une chronique sur les conséquences économiques de la crise à [**Hong-Kong*].

Cette chronique, je ne le sentais pas, car il me semblait que la crise économique à Hong-Kong n’aurait d’autres conséquences notables qu’un appauvrissement du Territoire lui-même et quelques désagréments pour les plus hauts gradés de la nomenklatura chinoise qui y cache leurs petites économies. Et ce serait tout.

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Olécio partenaire de Wukali

Mais cette conversation me fit réfléchir : que dire sur la situation à Hong-Kong ? J’avais déjà écris, dans Wukali, un article sur Hong-Kong et sur la stratégie de l’Angleterre ( Hong Kong peut-elle déstabiliser la Chine ) 20/06/2019), et il me semblait que je n’avais plus grand-chose de plus à dire. La question de Pierre-Alain Lévy relançait donc le débat.

Hong-Kong, j’y avais résidé deux fois : une première fois en 1981/82 pour une banque américaine, une seconde fois entre 1993 et 1997 en tant que Directeur général de la banque Paribas, soit 7 ans au total. J’avais pu y observer la « colonie britannique d’Asie » tout à loisir.

– [**Hong Kong : un indéniable succès*]

Le succès de Hong-Kong ne doit rien au hasard. Après la Deuxième Guerre mondiale, une cabale d’Écossais -Hong-Kong a toujours été un repaire d’Écossais- se persuadèrent que le Royaume-Uni, qui mettait en place des politiques de plus en plus sociales, voire socialistes, s’engageait dans une mauvaise direction; ils décidèrent de faire exactement l’inverse à Hong-Kong : libéralisme intégral encadré par la règle de droit, fiscalité minimale -15%- , liberté totale d’entreprendre, égalité des chances, lutte ( tardive…) contre la corruption ( le ICAC, Independant Commission Against Corruption, crée en 1974 sur le modèle du CPIB de Singapour, fut dotée de pouvoir extraordinaire, et réussit à éradiquer la corruption de plus en plus endémique qui régnait dans la colonie ). Résultat : une croissance économique exemplaire, et une inégalité considérable de revenus et de richesse. Certaines familles nombreuses vivaient dans 35 mètres carrés, tandis que d’autres se pavanaient en Rolls-Royce avec chauffeur et yachts…

On est surpris de la violence des réactions des Hongkongais à l’encontre d’un régime chinois qui veut réduire à néant leurs libertés; la question serait plutôt : pourquoi Hong-Kong regrette t-elle le régime colonial, son système ultra-libéral, ses inégalités ? Selon toute logique, c’est contre l’Angleterre qui la colonisait, pas contre la Chine, qu’Hong-Kong aurait dû se révolter ( ce qu’elle fit, soyons honnêtes, à plusieurs reprises, quoique pas récemment ).


1997, les Britanniques et les Black Watch font sous une pluie battante leurs adieux à Hong Kong en présence du Prince Charles, de Tony Blair, et de Chris Patten dernier gouverneur.

Notons d’abord que les Hongkongais sont tous des descendants de réfugiés du régime de[** Mao*], la Chine communiste, ils connaissent, inutile de leur faire un dessin.

Ensuite, les gouverneurs de Hong-Kong ont très souvent été des hommes remarquables, jouissant d’une certaine autonomie et également d’une certaine influence à Londres. Ils furent souvent à l’écoute de leur peuple, d’ailleurs un pourcentage, minoritaire certes, était élu au Legco, le Conseil Législatif : l’opposition pouvait se faire entendre. Le peuple de Hong-Kong, à 98% chinois, n’était pas traité avec mépris.

Notons également que des émeutes à Hong-Kong, si d’aventure elles avaient été mal contrôlées par la puissance coloniale, aurait pu servir de prétexte à une intervention militaire chinoise et de cela, personne ne voulait, les Hongkongais en premier.

Enfin, les règles du jeu économique étaient connues, expliquées, respectées par tous, y compris par l’administration, et largement approuvées par la population. Tout le monde pouvait saisir sa chance, tous avaient l’espoir de réussir avec un peu de talent et beaucoup de travail. Il se trouve que l’homme le plus riche de Hong-Kong,[** KS Li 李嘉誠,*] était un vieil ami de Paribas, je l’ai bien connu, et j’ai même travaillé avec lui. « Chairman Li », qui avait commencé sa carrière en fabricant des fleurs en plastique, était dur en affaires. Qu’importe, les Hongkongais l’aimaient bien, ils le surnommaient, presque avec tendresse, Superman, applaudissaient à tous ses succès dont ils étaient fiers, n’étaient en rien jaloux : tout le monde pouvait devenir[** Li Ka-shing*], même en partant de rien. En un mot, le système fonctionnait. La Chine ne pouvait finalement pas respecter ces règles, ce n’est pas dans son ADN. Est-ce une surprise ?|right>

– [**Une famille d’exception : les Harilela*]

La [**famille Harilela*] est une famille d’exception. L’ancêtre, [**Naroomal Lilaram Mirchandani*], originaire des Indes britanniques, arriva à Canton puis à Hong-Kong dans les années 1920; il changea son nom en Harilela, nom composé de celui de son père, Haribai, et de celui de sa mère Lilaram. Il ouvrit une boutique d’antiquaire, puis se métamorphosa en tailleur, puis se lança avec son frère George dans l’hôtellerie. Sa famille devait bâtir la première fortune indienne de Hong-Kong, et construisit à [**Kowloon Tong 九龍塘*] un immense palais des Mille et une nuits, où réside toujours toute la famille; une bonne centaine de personnes y vivent ( plus les domestiques bien entendu ), et on y trouve salles de cinémas privées et boîtes de nuit pour les jeunes occupants.

La famille Harilela ne fut jamais, loin de là, proche du centre du pouvoir hongkongais ( sa qualité d’indiens l’excluait de toute façon du pouvoir dans un territoire où la presque totalité de la population était chinoise ), mais sa réussite exemplaire montrait à tous, s’il était encore besoin de le démontrer à Hong-Kong, que tout le monde, en partant de rien, pouvait réussir.|left>

Je connaissait bien [**George Harilela*], « Mister George », bien que n’ayant jamais fait d’affaires avec lui. Un beau jour de 1996, il m’invita à déjeuner dans son palais, en compagnie de son fils [**David*]. Le problème, qui agitait la famille, était de déterminer si le changement de souveraineté, qui arrivait à grands pas, allait ou non, bien se passer. On me faisait l’honneur de me demander mon avis. « Mr George » pensait que non, que ça ne se passerait pas bien, et j’étais largement de son avis, mais David, dans la fouge de sa jeunesse, pensait que tout serait mieux encore après la prise du pouvoir par la Chine.

En fin de compte, nous eûmes tous raison : les choses se passèrent bien dans le très court terme, et mal dans le moyen terme. Le yin et le yang en somme; car Hong-Kong avait jusque là surmonté toutes ses crises, Li Ka Shing ayant d’ailleurs en grande partie construit sa fortune en investissant à tout va lorsque, à chaque crise, les investisseurs fuyaient en prédisant la fin de la Colonie. Cette fois-ci serait-elle différente ? Peut-être, car cette fois, avec l’arrivée de la Chine et en dépit du « One country, two Systems », on changeait vraiment de système.

– [**Quid du Brexit*]

Tout ceci nous amène au Brexit. Une des raisons du rejet par les Anglais de l’Union européenne telle qu’elle est, consistant, selon eux, en un abandon de souveraineté en faveur d’institutions bruxelloises peu démocratiques, bureaucratiques, autoritaires, arrogantes à l’occasion, et peu représentative des intérêts du peuple, souligne s’il en est besoin des attachements de l’Angleterre à une démocratie réelle et représentative. Qu’il y ait eu des mensonges et des approximations de la part des pro-brexit ne fait pas de doute, mais l’essentiel n’est pas là : an bout du compte, les Anglais, en tous cas une partie d’entre eux, ne supportent pas de se trouver mêler aux vicissitudes du continent et de devoir obéir à une bureaucratie dont ils présentent qu’elle n’est pas soumise à un véritable contrôle démocratique. C’est ce virus que les Anglais ont passé à leur progéniture, les Etats-Unis d’Amérique, et qu’ils ont par inadvertance peut-être, inoculé aux Chinois de Hong-Kong, avec les conséquences que l’on sait. On ne peut que constater que le [**Général de Gaulle*], très à la mode en ce moment, avait raison de se méfier de l’entrée du Royaume-Uni au sein de l’Union; parce que les Anglais, il les connaissait bien.|left>

Alors, pour conclure, notons que la France à un message universel à porter au monde ( elle en est fière !), celui de la révolution contre le pouvoir par la violence de rue et par la décapitation des dirigeants; c’est à ce prix, selon les Français, qu’on obtiendra la liberté, l’égalité et, en prime, la fraternité…

Il me semble que les Anglais n’en n’ont rien à faire de porter un message au monde, peu leur importe, mais cela ne les empêche pas d’inspirer nombre de peuples, même si **Napoléon*] les traitait de « nation de boutiquiers » ( une nation de boutiquiers qui finit cependant par le mettre à terre ). On lit parfois que le destin de l’Angleterre est de se transformer en une sorte de Singapour aux portes de l’Europe; rien n’est plus faux selon moi, [**Hong-Kong*] et[** Singapour*], éternels rivaux asiatiques, sont deux Cités-états aux antipodes l’une de l’autre. Certes les deux cités ont en commun un extraordinaire succès économique, mais Singapour a été crée de toute pièce par [**Lee Kuan Yew 李光耀,*] sur la base de Valeurs asiatiques si contraires à l’idéal britannique ( voir mon article sur le Japon [Qui a tué Carlos Gohn 27/04/2019 (Cliquer) ). Des valeurs asiatiques qui rejettent la démocratie, la liberté individuelle, la liberté d’expression, bref, tout le contraire de ce que défend le [**Royaume-Uni*]. En fait, il me semble que les Anglais ont pour ambition de s’imiter eux-même et de construire, non pas un Singapour bis aux portes de l’Europe, mais plutôt un Hong-Kong bis, libéral, soumis à la règle de droit, avec un état centré uniquement sur ses fonctions régalienne, et, donc, soumis à une taxation minimale; un domaine où ils excellent. Méfions-nous…|left>

[**Jacques Trauman*] |right>


Illustration de l’entête: Li Ka-shing (KS Li 李嘉誠)


[**Annexe documentaire*]

Cérémonie d’adieu 1997 -Intégral- Écouter notamment le discours prononcé par le Prince Charles


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Contact : redaction@wukali.com

WUKALI Article mis en ligne le 22/11/2019

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