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L’histoire de l’Iran, de l’Antiquité perse à la République islamique

par Félix Delmas

Voilà une vraie gageur : résumer en seulement 360 pages l’histoire de l’Iran (ايران) ! C’est à ce vrai défi que se sont attelés deux historiens, spécialistes non seulement de l’Iran mais aussi en sciences politiques. Et le résultat est plus que plaisant. On a tous quelques idées, souvent préconçues, quelques souvenirs de nos leçons d’histoire au collège sur ce pays. Oui, mais voilà, on parle de l’Iran, c’est à dire d’un État nation tel qu’il fut défini au XIX et XX siècle. Or, comme tous pays, l’Iran n’est que le résultat des vicissitudes de l’histoire. La France d’aujourd’hui n’a rien à voir avec l’empire de Charlemagne ou le royaume de Robert Ier, et pourtant, elle en est que le résultat, l’ultime forme, avant la prochaine.

Il en est de même pour l’Iran du XXI siècle. En 4 000 ans, les frontières ont évolué, les régimes politiques ont changé, la culture aussi. Quand on voit la répression sanglante qui a lieu actuellement dans ce pays, on a du mal à imaginer, que c’est sur son territoire que l’on a retrouvé ce qui peut être considéré comme la première déclaration des droits de l’homme : le rouleau de Darius dont une copie se trouve au siège des Nations-Unies. Autres temps, autres mœurs, soit, mais l’histoire de l’Iran met à mal l’idéologie dominante en occident selon laquelle l’évolution des sociétés tend vers un bien-être de plus en plus important des populations. (j’ai bien précisé dans nos sociétés occidentales, pour certains le régime des mollahs est nettement préférable à l’humanité que nos libertés publiques. Mais c’est un autre débat).

L’Iran, un endroit bien particulier qui a vu sur son plateau se développer les premiers « essais » de sédentarisation, de régimes politiques. C’est aussi un lieu où l’idée d’empire universel voit le jour de Cyrus à Alexandre le Grand, où naissent des concepts religieux comme le zoroastrisme ou le manichéisme qui vont faire plus qu’influencer les grandes religions monothéistes. Et que dire du culte de Mithra qui fut le « principal concurrent » au christianisme naissant dans l’empire romain. Mais c’est aussi sur ce territoire que la tolérance religieuse a trouvé son épanouissement : c’est Cyrus qui permet à Zorobabel de partir reconstruite le Temple de Jérusalem, et la diaspora juive, qui date de cet exil, est toujours existante dans l’Iran actuel.

Et que dire de l’apport de ce pays à la philosophie, à la culture mondiale. Le perse Roumi, fondateur des derviches tourneurs, est aujourd’hui, le poète le plus lu… aux États Unis d’Amérique. Sans Avicenne, est-ce que Saint Thomas d’Aquin aurait révolutionné la théologie au Moyen-Âge ? Sûrement pas, tant l’apport dans la connaissance de la philosophie grecque est redevable aux savants perses.
Alors, bien sûr, il y a le revers de la médaille. Même l’empereur le plus « éclairé » peut faire montre d’une grande cruauté. Ce n’est pas pour rien que dans l’imaginaire occidental, on parle du raffinement des mises à morts en Orient et en Asie. La quantité d’yeux brûlés, arrachés, enfin de personnes aveuglées est plutôt impressionnante. Et n’oublions pas que les pires des mises à mort comme l’empalement ou la crucifixion, tant utilisée par les Romains, ont été inventées en Iran. Mani, proche de l’empereur est lui aussi mis à mort. Machiavel n’est souvent pas très loin.

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Malgré ces vicissitudes, les Perses ont réussi à toujours résister aux assauts de leurs puissants voisins comme les Parthes, les Romains, l’Empire ottoman. Le territoire a bien diminué, mais, à quelques courtes exceptions, le pays est toujours resté indépendant.

Pour autant, il est rongé très vite par les luttes intestines autour de l’accession au pouvoir. Certains empereurs, Shah, arrivent à redonner de l’éclat au pays, mais on assiste à une longue « décadence », tout au long du XIXè siècle. Le pays s’endette auprès des banquiers occidentaux, essentiellement anglais qui ont compris qu’ils ne pourront pas avoir la main-mise sur le pays par les armes (les déconvenues en Afghanistan, qui fut une région de l’empire perse, n’y sont pas pour rien). Le pétrole fut une chance, mais aussi une calamité pour le pays qui fut plus ou moins livré aux appétits des multinationales occidentales.

Le 21 février 1921, a lieu un coup d’état pacifique qui après quelques vicissitudes amène le général Reza Khan au pouvoir. Il s’efforce à essayer de moderniser le pays tout en luttant contre l’influence des mollahs. Son fils Reza Shah Pahlavi essaie de faire de même, mais ses maladresses, ses erreurs politiques, aboutissent à la révolution islamique de 1979.

Que dire de ces 4 000 ans : le présent n’est que le résultat du passé et que l’avenir sera encore différent. On ne peut comprendre ce qui se passe en Iran de nos jours que si on a conscience des deux « idéologies » qui l’ont traversé tout au long de son histoire : le rêve impérial et la force de la religion.

Dans leur livre, Yves Bomati et Houchang Nahavandi, à travers des vraies épopées, nous présentent des personnages qui ont façonné ce pays. Des connus comme Cyrus, Darius, Avicenne ou Alexandre le Grand, mais aussi des moins célèbres comme Hassan Sabbah, le « vieux de la montagne », fondateur de la « secte des assassins », ou comme Amir Kabir, le réformateur et Tâhéreh Qorrat, la féministe.

Un livre utile, un bon livre, pour essayer de commencer à comprendre l’Iran d’aujourd’hui, .


Iran 4000 ans histoire - Wukali

IRAN une histoire de 4 000 ans
Yves Bomati et Houchang Nahavandi
éditions Perrin. 24€

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