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Bravo, bravo, bravo Alexandre Kantorow, bravo Aziz Shokhakimov, bravo !

par Pétra Wauters

L’osmose entre l’orchestre, le chef et le pianiste est palpable !

Au programme de cette soirée à La Roque d’Anthéron, dans un auditorium à ciel ouvert archi complet, deux chefs-d’œuvre du répertoire pianistique deux œuvres de grande virtuosité.  Et quand on pense qu’Alexandre Kantorow n’a que 25 ans ! Le Français possède déjà un jeu profond et riche, virtuose et sensuel. Là encore, sans esbrouffe. Le premier Français à avoir remporté le prestigieux Concours Tchaïkovski, (cliquer) à 22 ans seulement, est d’une simplicité désarmante et d’une maturité incroyable. D’aucuns diront « il est cool ! »

Tchaïkovski : Concerto pour piano et orchestre n°2 en sol majeur opus 44

Ce vendredi 5 août, il fait son entrée sur scène, avec cet air qu’on lui connait, à la fois tranquille et étonné. Il nous sourit, mais il est déjà « « ailleurs ». Le noir le mincit (l’après-midi, il répétait en bermuda et baskets, et il ressemblait à un adolescent – qu’il nous pardonne !) Là, ses cheveux mi-longs légèrement bouclés, ses traits si doux, soulignent son allure juvénile. Un jeune homme sage et presque un peu fragile. 

Ne pas se fier aux apparences, on va vite découvrir de quoi il est capable  surtout dans cette partition au climat héroïque. 

Aziz Shokhakimov est lui aussi très jeune… 35 ans seulement et déjà une belle confiance et surtout un beau palmarès. Le chef d’orchestre d’origine ouzbek est depuis peu à la direction de L’Orchestre Philharmonique de Strasbourg. Ce vendredi, il était aux commandes du Sinfonia Varsovia, et on a presque envie de dire, peu importe l’orchestre pourvu qu’on ait l’ivresse. Il est des chefs qui s’élèvent et tirent tout le monde vers le haut.  Ce fut le cas cette soirée-là avec le Sinfonia Orchestra. (retransmis en direct sur France musique – un must que nous vous recommandons !)

Olécio partenaire de Wukali

Aziz Shokhakimov donne le ton et son énergie est des plus communicatives.  Avec sa baguette, il affirme avec force et panache toute la place de l’orchestre dans ces premières pages de ce concerto pour piano et orchestre n°2. Il est un peu moins connu et peut-être moins aimé que son illustre ainé, le n°1, mais cela n’a pas d’importance. On a adoré. Il faut admettre que le niveau de l’orchestre est excellent et le Sinfonia Varsovia affiche une belle présence. N’importe quel pianiste aurait du mal à se faire entendre. Mais voilà, il s’agit d’Alexandre Kantorov. Une force émane soudain de toute sa personne.  On ne peut s’empêcher de regarder ses mains blanches et ses doigts fins et longs, d’une rapidité et d’une précision inouïes. Quelle puissance de frappe, sans cogner, nul besoin ! 

Il a toujours fait preuve d’une technique incroyable et d’une prodigieuse musicalité. Mais ce soir-là, il semble s’être élevé encore plus haut. Cela fait un moment du reste qu’il n’est plus seulement le fils du violoniste et chef Jean-Jacques Kantorow, Il n’est plus « un espoir », il est Alexandre Kantorow, déjà au firmament et cela sans arrogance, ce qui est rassurant pour les années à venir. 

Il aura apporté à l’œuvre, dont les thèmes sont remarquables, tout le lyrisme fervent et passionné dont il est capable, imprimant à ces pages une cadence folle. 

On aime notamment lorsque ses gammes virtuoses accompagnent le discours des vents et des cuivres et on reprend notre souffle une fois le calme revenu et la douceur retrouvée.  Alexandre Kantorov est le musicien idéal pour cette œuvre. Mais pour l’avoir entendu dans des registres très différents, il nous semble qu’il est capable de tout jouer car, passionné, engagé, curieux, il ne craint pas de s’approprier les œuvres qu’il aborde.

On connait l’étendue de sa palette de jeu et dans cette œuvre de Tchaïkovski, on apprécie l’équilibre que le chef souhaite donner à son orchestre. Ne rien retirer de cette force orchestrale tout en laissant le virtuose s’exprimer pleinement.  Tous nous parlent de l’âme russe, son côté brillant, son romantisme nostalgique, son lyrisme éperdu, son exubérance. Pour Alexandre Kantorow, il n’est jamais question d’impressionner le public par une grande démonstration de virtuosité, qui serait, finalement, « ennuyeuse ».  Pour l’avoir moins écouté que le concerto n° 1 du même compositeur, on a ce soir-là le sentiment d’avoir fait une grande découverte grâce à Alexandre Kantorow, Aziz Shokhakimov et l’orchestre.

festival international de piano La Roque d'Anthéron 2022 Alexandre Kantorow
Alexandre Kantorów, Aziz Shokhakimov, Sinfonia Varsovia. Ła Roque d’Anthéron ,Août 2022
©photos Valentine Chauvin

Liszt : Concerto pour piano et orchestre n°2 en la majeur : une interprétation d’une grande humanité ! 

Après une courte pause, piano et orchestre ont « accordé leurs violons ».  Ensemble ils sont sur la même longueur d’onde, généreux, impériaux, d’une technique irréprochable. L’osmose entre l’orchestre, le chef et le pianiste est palpable.  L’adagio ample et serein contraste avec l’allegro qui suit, palpitant et bondissant comme le chef qui se balance littéralement sur scène, insufflant aux musiciens l’énergie nécessaire. L’allégro modérato reprend le thème initial dans un climat sombre, le jeu s’étire avec indolence, avant la marche martiale et le finale, majestueux !  Et puis, il y a ce petit grain de folie insufflé par Alexandre Kantorov qui plait à notre oreille. Il y a du panache dans son jeu.  A la clarté du piano répond le jeu des différentes solistes de l’orchestre, un jeu qui reste léger. 

Certes, il s’agit d’un concerto, toutefois on peut l’apparenter à une musique de chambre. On se laisse porter par ce grand mouvement qui réunit dans un thème tous les autres. C’est tellement moderne, et pourtant, on est en plein romantisme. Ovationné, le jeune homme n’allait pas nous abandonner comme cela. Il aurait pu, il a tant donné. Les bis offerts étaient des petits miracles.  

Une œuvre bouleversante, pleine de grâce : Gluck / Sgambati : Orphée et Euridice Wq.30,.
D’un grande profondeur poétique : Liszt : 2ème année de Pèlerinage  – Italie S 161 « Sonetto 104 Del Petrarca »  ,
Pour finir un festival de timbres, une musique de songes qui n’en finit pas de nous faire rêver, longtemps, longtemps après la fin du concert :  Stravinsky / Agosti : L’oiseau de feu : III Finale, 

A la fin de chaque bis, le public a remercié le pianiste en lui réservant un véritable triomphe scandant des « bravo » retentissants. C’est tellement mérité !

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