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Fièvres Rouges au temps des discours du PC de Thorez et autres dirigeants communistes

par Émile Cougut

Selon quoi, les problèmes qui font la une de l’actualité existent depuis longtemps, ce qui était accepté hier est devenu punissable par la loi. La société évolue et ses codes aussi, mais aussi ce que la majorité de la société est prête à accepter. Si pour certains faits, cela démontre une vraie maturité de celle-ci, pour d’autres, tout un chacun est à même de se poser des questions. Il est indéniable que la liberté d’expression n’est plus ce qu’elle fut, des Desproges et autres Coluche auraient été condamnés depuis longtemps pour leur humour. Difficile de parler au second degré face à des personnes qui prennent tout au pied de la lettre et ne voient pas la satire, le côté pamphlétaire des mots. C’est le (très mauvais) côté de cette évolution normale qui nous pousse dans les bras tyrannique du « politiquement correct ». Mais, heureusement, cette évolution comporte bien de très très bons aspects. Je ne reviendrai pas sur l’abolition de la peine de mort ou le droit à l’avortement, mais sur les violences faites aux femmes, aussi bien physiques que psychiques. Celles-ci sont le fil conducteur de  Fièvres rouges un roman de Judith Rocheman.

Nous sommes à Paris, en 1951. La jeune Julia Guzmán, fille d’un républicain espagnol tué au combat pendant la guerre civile, étudiante en journalisme, fidèle aux engagements idéologiques de son père, entre dans une cellule du Parti communiste, place d’Italie à Paris. Nous sommes en pleine guerre froide, le Parti communiste sous la direction de Maurice Thorez (qui est en convalescence sur la mer noire en URSS), est une des principales forces politiques et organise des actions pour lutter contre le fascisme, symbolisé par  les États-Unis d’Amérique. Mais aussi il agit pour faire évoluer la société dans une direction plus égalitaire, dont l’égalité homme femme qui, il y a 70 ans, était très loin de ce qu’elle est aujourd’hui, même si elle est loin d’être parfaite.

La cellule est dirigée par Sergueï Dimitrov, fils d’un Russe blanc, ingénieur des télécommunications, proche d’Auguste Lecoeur, alors considéré comme le successeur le plus certain de Thorez. Dimitrov accueille à son domicile la jeune femme. De fait, il espère surtout la séduire. Mais cette dernière tombe amoureuse d’Émilie la (très belle) femme de Sergueï et une relation se noue entre elles.

Sergueï fait miroiter à Julia un avenir au sein du Parti et l’amène en URSS où il doit rencontrer Thorez. Il demande à la jeune fille de chercher des documents que doit lui donner un lointain cousin pendant que lui rencontre le chef du PCF. Mais il lui vole un document et s’enfuit alors que Julia se retrouve arrêtée par le KGB sans savoir pourquoi.

Au bout de quelques semaines elle retourne en France et reprend sa relation avec Émilie tout en travaillant pour un quotidien communiste. Le retour de Sergueï se déroule mal, il viole la jeune fille qui se retrouve enceinte. S’ensuit un avortement clandestin et son départ. Mais Émilie veut quitter son mari et la suivre.

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Très vite apparaît que Sergueï est un agent de la DST infiltré dans le Parti communiste, il est obligé de fuir. Sa femme est exclue du Parti non à cause de son engagement mais à cause des actes de son mari auxquels elle était totalement étrangère. Mais celui-ci rode toujours, et le jour de la mort de Staline, il kidnappe son fils.

Après bien des péripéties, Julia arrive à retrouver la trace de Sergueï et réussit à récupérer le jeune garçon.

Au-delà de Julia, l’ombre du terrible Sergueî plane sur tout ce roman. C’est un manipulateur, n’hésitant pas à recourir à la violence physique pour ses intérêts (et ses plaisirs). Monstre d’égoïsme, il n’est que le reflet de son époque : la femme est au service de l’homme d’autant plus si c’est son mari. Et que dire des belles paroles du PC distillées par Jeannette Vermeesch, l’épouse de Thorez ! Même elle ne reconnaît pas une égalité entre Émilie et son mari, elle pense qu’il est naturelle quelle soit condamnée fait des agissements de son époux.

Bon, j’ai trouvé quelles que faiblesses dans cette histoire, le rôle de Sergueï est assez improbable : fils d’un Russe blanc (encore en vie), jamais il n’aurait eu de telles responsabilités et, surtout, après son retour d’URSS, il n’aurait pas pu reprendre une vie « normale » au sein du parti après avoir volé des documents à Thorez. Mais cela était nécessaire à l’intrigue.

C’est aussi l’occasion, par le biais de la fiction, de se rappeler l’époque où le PC était le premier parti de France, de percevoir la vie interne d’une cellule communiste, les tensions qui existaient dans le Parti à cette époque (avec l’exclusion de Marty et de Tillon), la vraie peine que fut la mort de Staline, le saccage de l’Humanité en 1956 avec les événements de Hongrie, et j’en passe.

Une époque, un destin, et des hommes toujours et encore prédateurs, et ce quelques soient leurs « excuses » pour les femmes.

Fièvres rouges
Judith Rocheman

éditions Plon. 20€

Illustration de l’entête: Maurice Thorez ,Congrès du PC 1950

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