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Après le nu en peinture, les nudistes au musée

par Pierre-Alain Lévy

A poil, à poil, à poil ! Qui n’a jamais entendu cette expression pour le moins égrillarde scandée par des lycéens ou des étudiants émoustillés, voire des bidasses en goguette ! Eh oui, voila que la nudité se vit désormais en collectif, se partage en clans, ou se dévoile aussi en démonstrations médiatiques ! Alors après tout pourquoi pas, mais c’est qu’elle est provocatrice la gaillarde car elle renvoie à l’image de soi-même, !

Musée archéologique de Catalogne
©photo Club naturiste catalan

Rien de nouveau sous le soleil, et la tenue d’Ève et d’Adam a ainsi pu de tous temps constituer notre nue propriété (pour parler comme un notaire !). Depuis belle lurette effectivement et sans remonter à la période hygiéniste des années 20, le nudisme et la nudité s’installent ainsi dans l’espace public. Tout le monde s’y met, et même les musées comme nous allons le voir !

Et puis il faut bien le dire la représentation de la nudité du corps humain, celui de l’homme comme celui de la femme, se moque comme de l’an 40 des interdits religieux, des Tartuffes enrubannés ou des clergés cénobites*.

Notre époque qui se veut libertarienne n’en est plus à un paradoxe près, et la dite liberté de l’individu est plutôt devenue ( permettez-moi l’expression) une espèce de cache-sexe face à un esprit grégaire devenu aujourd’hui mondialisé au travers des réseaux sociaux! En d’autres termes et le plus souvent : moins on a de choses à le dire et plus on le crie fort !

Olécio partenaire de Wukali

À moins peut-être aussi qu’il ne faille voir là dans le nudisme une forme déclamatoire de revendication politique et sociale authentique, et de la liberté et de l’égalité. Cependant en termes d’esthétique, observons sans vouloir être trop méchant, que toutes les fesses et toutes les seins libres du monde ne se ressemblent pas, et oui !

Or dans le domaine de l’art qui comme chacun sait est la quintessence de notre humanité, la sublime représentation de Bethsabée au bain tenant la lettre du roi David de Rembrandt du musée du Louvre par exemple (pour moi l’une des plus bouleversantes peintures du maître hollandais et aussi, mais ce n’est que mon simple avis, la plus grand peinture de toute l’histoire de l’art), nous touche par l’infinie émotion contenue.

Bethsabée au bain tenant à la main la lettre du roi David (1654)
Rembrandt van Rijn (1606-1669). Musée du Louvre
©2015 RMN-Grand Palais(musée du Louvre/ Mathieu Rabeau

Ainsi Rembrandt surpasse Rubens dont on connait l’appétence pour les corps de femmes bien en chair. A la différence de l’anversois, la chair et le corps ici chez Rembrandt ne sont point hédonistes et toniques mais empreints d’un abattement et d’un serrement de coeur intériorisé, douloureux et en harmonie triste avec le sujet même du tableau, par exemple ici la lette écrite. Dans cet esprit, rappelons aussi le Voltaire nu par J-B Pigalle, ou au XXème siècle ces nus d’Egon Schiele.La chair y est émouvante, troublante même et crée comme un malaise. Véritable palimpseste de la vie, la représentation de la nudité devient anatomique.

C’est ainsi que d’Amsterdam à Paris, de New York à Barcelone à la belle saison ( il vaut mieux !), l’on peut voir de temps à autre, et de préférence le week-end à pied ou à bicyclette, des regroupements hétéroclites d’hommes et de femmes et de tous les âges s’exhiber en parades adamiques à la grande surprise amusée ou scandalisée des badauds et autres promeneurs.

Embrassons-nous Folleville** !

On peut certes s’agacer quand ces démonstrations s’expriment de façons provocatrices et exhibitionnistes et somme toute ridicules dans la rue, mais quand il s’agit d’une action de la sphère privée et sous contrôle comme ces opérations de communication organisées par des institutions, après tout, et je me répète, pourquoi pas ! Je ne pense en effet pas que telle chose puisse exister à Moscou, Pékin, Istanbul ou à Téhéran ! Ainsi et c’est nouveau, la nudité est elle devenue le thermomètre de la démocratie. Dis-moi où tu peux te déhancher au-dehors, présenter tes fesses à l’air ou exhiber tes seins en public, et je te dirai dans quel type de pays et de société tu habites (le combat des Pussy Riots en Russie en fournit la démonstration, voir notre article dans WUKALI )! Bref la dialectique tendue entre société démocratique et régime totalitaire. Alors oui, et l’on mesure le chemin à parcourir pour les islamistes de tout poil (pardon!) qui soumettent avec la cruauté la plus insupportable leurs femmes et exigent d’elles sous la menace et la violence qu’elles recouvrent chaque centimètre carré de leur corps de burkas ou autres camisoles textiles ! N’oublions pas davantage que ce sont les mêmes qui ont naguère dynamité les colossales statues des Bouddhas de Bâmiyân.

Face à face dans un musée

Musée archéologique de Catalogne
©Photo Club naturiste catalan

Dans un article sur la nudité, comment bien entendu ne pas évoquer d’évidence la statuaire grecque antique: Phidias, Praxitèle cela va de soi, Lysippe ainsi que toutes ces académies magnifiques, ces nus de la peinture occidentale, de la Renaissance à Renoir et qui nourrissent notre culture et nos imaginaires et sont accrochés dans nos musées.

Et toutes, oui bien toutes, les civilisations d’Orient comme d’Occident ont représenté le corps humain nu et même l’Islam, et ce qui est cocasse à noter dans une région d’Asie correspondant aujourd’hui à l’Iran et l’Afghanistan pendant la période séfévide (1501 à 1736) ! Nul autre commentaire n’est utile!

Nu allongé. Riza Abbasi (1565-1635), période séfévide autour de 1590, Iran.
9,16cm/ 16cm. Smithonian Institute. Washington. USA

Tous les musées du monde font aujourd’hui preuve d’imagination pour séduire et conquérir de nouveaux publics. La société est ainsi divisée en une myriades de microcosmes, de niches différenciées qu’il faut séduire. Les non-voyants, comme l’on dit y ont la part belle et des horaires d’ouvertures spéciales leurs sont consacrés. Ils peuvent par exemple et sans nul autre public, effleurer et caresser des doigts la ronde-bosse, la statue, ce qui est normalement interdit, et ainsi ressentir le relief d’une oeuvre. Il existe maints autres exemples.

Barcelone, capitale de la Catalogne en particulier, est dans son histoire un microcosme de la liberté et c’est comme une évidence qu’un de ses musées, le musée archéologique, ait ouvert ses salles à un groupe de nudistes. L’exposition de photographies des statues des guerriers grecs de Riace par l’artiste italien Luigi Spina qui y est actuellement présentée a servi d’écrin (voir nos photos d’illustration).

Alors qui regarde qui ? Le visiteur l’oeuvre ou la statue le spectateur ? Car oui bien entendu puisque l’art c’est la vie, l’oeuvre, en l’occurrence ici les photographies des bronzes grecs, sont dans un dialogue muet avec chacun de ceux qui leur font face, et ainsi depuis toujours va le monde dans sa diversité et son mystère !

*cénobite: religieux qui vit en communauté
**Embrassons-nous Folleville, titre d’une pièce de théâtre d’Eugène Labiche

Illustration de l’entête: visite d’un groupe de naturistes du club naturiste catalan au musée archéologique de Catalogne Photos©Club naturiste catalan

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