Accueil Livres, Arts, ScènesHistoire La traque des nazis, sujet du roman de Zoé Brisby: La double vie de Dina Miller

La traque des nazis, sujet du roman de Zoé Brisby: La double vie de Dina Miller

par Émile Cougut

La double vie de Dina Miller est un livre captivant de Zoé Brisby qui nous conduit dans la traque des nazis au lendemain de la guerre par le Mossad. Ce roman basé sur des faits historiques relate entre autres sujets, comment furent accueillis et intégrés en Amérique des scientifiques nazis et par delà pose au lecteur de nombreuses questions.

Le grand Max Weber, dans Le savant et la politique, a écrit : «Aucune éthique au monde ne peut nous dire à quel moment et dans quelle mesure une fin moralement bonne justifie les conséquences moralement dangereuses». Comment ne pas penser à cette phrase que le tradition a résumé, en lui défaisant bien de sa complexité par « la fin justifie-t-elle les moyens? » En plus qui définit ce qui est moralement bon ou moralement mauvais? Si c’est un individu, le risque est grand de tomber dans la vengeance privée, ce qui est contraire à toute vie sereine en société. S’il s’agit d’un groupe voire d’une autorité politique, d’où tirent-ils ce droit de définir le bon ou le mauvais au niveau moral, surtout quand le sentiment de vengeance prédomine? Et la justice dans tout cela? Tout être humain a, en théorie, le droit d’avoir une défense. Sinon c’est la terreur ou un des marqueurs de la tyrannie. Mais quand cela s’avère impossible, comment faire, et surtout doit-on, par principe condamner ceux qui n’ont pas respecter les usages démocratiques?

Vaste problème que les exécutions d’état. Les exemples abondent aussi bien au niveau des Américains, des Français que des Israéliens. Ce n’est pas à moi de répondre à toutes ces questions, mais indéniablement La double vie de Dina Miller ce roman de Zoé Brisby nous pousse à y réfléchir.

A 5 ans, la petite Sarah, voit ses parents assassinés par les nazis, ces grands parents déportés, elle est sauvée par des voisins. Des années plus tard, sa nouvelle famille a immigré dans le nouvel état d’Israël. La personnalité de la jeune femme lui fait intégrer le Mossad et elle acquiert le droit de tuer. Sa nouvelle identité est Dina Miller.

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En 1961 elle se retrouve à Huntsville, dans l’Alabama, centre névralgique de la recherche spatiale. Elle est serveuse dans un « diner ». Sa mission : kidnapper Oscar Stanford, le médecin du centre, anciennement  Otto Van Maiden, surnommé le «bourreau de Buchenwald», qui s’est illustré par ses expériences sur les jumeaux, la résistance au froid, et j’en passe, de fait, le Mengele de Buchenwald. Dina va se rapprocher de Cherry l’épouse d’Oscar et suivre l’activité du groupe des Bomb Winven qui réuni les épouses des principaux chercheurs. Mais l’opération ne se déroulera pas exactement comme prévu : Peter, l’instructeur, le supérieur de Dina n’est pas « neutre », il est trop personnellement impliqué et en plus un lien amoureux se tisse entre les deux agents, Cherry est tiraillée par l’amour qu’elle porte à son mari, la routine protectrice dans laquelle elle est plongée,  l’angoisse de l’avenir pour les jumeaux qu’elle porte et la répulsion qu’elle éprouve pour le monstre avec qui elle vit et qu’elle n’arrive pas à percevoir comme tel.

Tout se déroule dans ce monde artificiel qu’est Huntsville et plus exactement le quartier huppé de Rocket District : une caricature de la réussite américaine, l’American way of live, avec ses belles maisons colorées, ses gazons immaculés, ses enfants parfaits, ses femmes dignes de gravures de mode, un monde dominé par la figure de Wernher von Braun. Cette belle façade cache, outre une compétition féroce entre les habitants, un grand nombre d’anciens tortionnaires nazis.

Ce roman est basé sur des faits réels, parfaitement documentés, dont « l’opération Paperclip» qui a permis à bien des criminels nazis d’immigrer aux États-Unis où ils ont mis leurs savoirs au service de leur nouveau pays. Zoé Brisby nous interpelle : bien sûr que c’est moralement condamnable car ils ne seront jamais jugés et punis pour leurs crimes, mais si cela n’eut pas été fait, ces savants auraient été « récupérés » par les soviétiques et que serait devenu l’Occident face à la suprématie technologique des communistes? Pour autant aurait du-t-on accepter la continuation des expériences médicales sans protocole scientifique sur des soldats et surtout sur la population noire ? Oui, vraiment, la fin justifie-t-elle les moyens? Hélas, même dans nos démocraties, les pseudo-scientifiques jouissent d’une vraie indulgence : l’eugénisme contre les personnes handicapées s’est poursuivi jusqu’au début des années 80 … en Suède, et n’oublions pas les errements du druide gourou marseillais lors de la pandémie de la covid 19, il a suivi exactement le même protocole des médecins nazis!

Zoé Brisby aborde aussi le statut et le rôle des femmes en cette époque que certains nostalgiques trouvent merveilleuse, ce qu’elle n’était sûrement pas pour la moitié de l’humanité, la ségrégation raciale aux États-Unis et le début de la lutte pour les droits civiques. Mais aussi, elle se penche au plus profond de l’âme humaine au niveau des survivants de l’horreur nazi avec le sentiment de culpabilité mâtiné de souvenirs et de leur devoir, le tout avec la haine qui peut détruire en eux leur humanité. Il faut lire, relire et encore relire Si c’est un homme de Primo Levi.

Vous avez compris Zoé Brisby traite sous forme romanesque bien des sujets que nos sociétés bien pensantes préfèrent éviter pour ne pas culpabiliser. La double vie de Dina Miller est un roman d’intérêt public!

La double vie de Dina Miller
Zoé Brisby

éditions Albin Michel. 19€90

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