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Le tissu de crin, un roman à ne pas louper chez votre libraire

par Émile Cougut

En ce début des années cinquante, Ida est première d’atelier chez un grand couturier, chargée de la collection pour homme. Ida, l’employée modèle, seule, ne vivant que pour son métier, pour sa passion, dure avec les autres employées placées sous ses ordres mais sachant faire montre, parfois, de compassion. Par ailleurs solitaire, renfermée, elle seule connaît son passé : son mariage, sa fille, son départ sans rien dire pour pouvoir vivre à Paris et assouvir sa passion pour la couture, pour la création, pour le rapport sensuel qu’elle entretient avec les tissus les plus chatoyants, les plus soyeux les uns que les autres.

Arrive Jean qui est employé comme mannequin cabine : il ne défile pas avec les autres mannequins, non, il ne sert qu’à l’essayage de chaque patron, de chaque création. Il est grand, de beaux yeux gris, des cheveux longs, taiseux, renfermé, nonchalant, lent. De fait lui aussi se protège, s’il semble parfois se mouvoir dans un autre univers que le réel, c’est qu’il s’est bâti une carapace, une armure pour ne plus avoir de sentiments, sentiments qu’il a eu tant de mal à comprendre et à gérer. Sa vie a été une longue suite de drames, d’incompréhensions, de mauvaises analyses de sa part. Au moins dans ce métier de mannequin cabine, il n’a qu’une chose à faire : rester immobile, un ballet de femmes s’occupe de lui sans qu’il n’ait strictement rien à faire. Sinon, il lit des livres de poche et inscrit dans un carnet ses pensées.

Très vite, Ida tombe amoureuse de lui. C’est bien la première fois que cela lui arrive : elle n’a jamais aimé son mari, encore moins sa fille, ni tous les amants de passage qu’elle a eus. Ainsi finit-elle par l’inviter un soir à dîner dans l’atelier. Les conséquences finissent par une terrible explosion qui les renvoie chacun à leurs solitudes.

Voilà un premier roman de Jennifer Kerner qui s’inscrit dans les pas des grands romantiques du XIXè siècle comme Théophile Gautier et plus encore Gérard de Narval : une certaine noirceur, des cris dans un univers noir, des personnages seuls dévorés de l’intérieur par leur passé, par leur ego, par leurs envies voire leurs passions. Un futur barré, impossible ; mais quand même une très grande sensualité qui transpire dans le style parfait de Jennifer Kerner. 

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Bien sûr, on peut percevoir quelques longueurs, quelques disgressions que d’aucuns jugeront inutiles. Mais n’en trouve-t-on pas dans Sylvie ou Les filles de feu ? Bien sûr que oui. Mais l’originalité de cette histoire n’est-elle pas cet inversement des histoires dominantes de bien des auteurs : Jennifer Kerner écrit sur l’emprise qu’une femme de pouvoir peut avoir sur un homme et pas l’inverse. N’en déplaise à certain(e)s, ce phénomène existe aussi.

Le tissu de crin
Jennifer Kerner

éditions Mercure de France. 18€50

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