L’héroïne de Marie Danielle Koechlin, en cette fin des années 50, est assoiffée de liberté, enfin de liberté pour elle ! Issue de la haute bourgeoisie suisse, elle est amoureuse et donc se marie et tombe enceinte. Mais elle ne ressent strictement rien pour sa fille. Même plus, elle la rejette car elle symbolise des chaînes qui l’empêchent de vivre comme elle le veut et la vitalité (et tout ce qu’elle considère être de l’insolence) de son enfant l’irrite perpétuellement.
Il y a presque un quart de siècle, Elisabeth Badinter a initié une polémique (qui connait encore des soubresauts) avec la publication de son essai : L’amour en plus. L’autrice balayait avec force et objectivité, un lieu commun dans lequel baignait depuis des générations nos sociétés occidentales : l’amour maternel n’est pas inné, c’est avant tout une construction sociale dans un environnement dominé par les hommes. Que n’a-t-on pas entendu de la part des conservateurs de tout horizon, sans compter qu’oser démontrer ce fait était une atteinte à la maternité et donc à la souveraineté nationale. Les vieux arguments du XIXè siècle avaient (et ont encore) de beaux jours devant eux !
Ainsi l’héroïne de Marie Danielle Koechlin au nom de sa liberté divorce et elle laisse sa fille à son père et crée une communauté « New-Age » à Lausanne après avoir fréquenté son modèle aux Etats-Unis d’Amérique. Là, elle s’épanouit, bien plus qu’à l’époque antérieure où sa psychanalyse l’avait amenée à une impasse.
Pour autant, elle veut garder un lien avec sa fille, s’inquiète de l’anorexie de cette dernière, se pose beaucoup de questions sur leur lien. De fait, elle finit par comprendre qu’elle ne fait que reproduire la relation qu’avait sa propre mère avec elle et que pour pouvoir avoir une relation normale, il lui fallait accepter que sa fille soit ce qu’elle était et non comme elle aurait voulu qu’elle fût : on ne fait pas le bonheur des autres contre leur volonté. Elle finit par comprendre que sa fille se plait dans les cadres de son milieu social, elle qui a tout fait pour le quitter.
Ce court récit est une sorte de confession qu’une mère fait à sa fille. L’aime-t-elle? Oui, répond elle, mais de sa façon, pas suivant les critères dominants. De fait, elle explique que son attitude vis-à-vis d’elle est avant tout due aux traumatismes de son enfance, avec une mère qui ne lui a donnée aucune affection. Nous sommes les héritiers de nos aïeux, qu’est-ce que le libre arbitre ? Ce que l’héroïne appelle sa liberté n’est-elle pas qu’une révolte de la « culture » dont elle est l’héritière. Révolte qui n’est pas sans conséquence sur sa progéniture ? De fait l’héroïne n’évolue que quand elle prend conscience qu’elle est totalement autocentrée et que ce n’est qu’en acceptant ce qui est, le réel, qu’elle abandonnera ses chimères et pourra monter sa réelle affection qu’elle a, depuis le début, avec sa fille.
Un court récit plein de pudeur qui aborde un thème brillamment développé par Elisabeth Badinter, et trop rarement abordé en littérature.
Indocile
Marie Danielle Koechlin
éditions Ateliers Henry Dougier. 17€
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