EXPOSITION À PARIS .
En Occident, l’art japonais traditionnel est souvent associé à la spiritualité Zen ou à l’audace graphique de l’école Rimpa et des estampes, beaucoup plus rarement à l’humour.
Pourtant il existe bel et bien une culture du rire propre au Japon comme en témoigne la centaine d’oeuvres de cette exposition: figurines préhistorique, rouleaux peints , estampes, images populaires, peintures zen, sculptures bouddhiques… Elles nous invitent à explorer les diverses métamorphoses de la notion de warai – traduite par «rire» le plus souvent mais également par «sourire» dans les arts de l’Archipel.
De la préhistorie au seuil de l’époque moderne, avec un accent particulier mis sur l’époque d’Edo (1603-1868), les pièces présentées nous permettent, grâce à leur diversité de styles et de techniques, de porter un regard nouveau sur l’art japonais.
L’exposition WARAI reprend la structure de l’exposition The Smile in Japanese Art présentée en 2007 au Mori Art Museum de Tôkyô. Elle est présentée à l’occasion du 15ème anniversaire de la Maison de la Culture du Japon à Paris et du 40ème anniversaire de la Fondation du Japon.
MAISON DE LA CULTURE DU JAPON À PARIS
– WARAI. L’humour dans l’art japonais. De la préhistoire au XIXème siècle
Jusqu’au 15 décembre 2012
Pendant la durée ce cette exposition, de nombreuses conférences et spectacles
101bis, quai Branly. 75015 Paris
M° Bir-Hakeim/ RER Champ de Mars
Ouverture du mardi au samedi de 12h à 19h/ Nocturne le jeudi jusqu’à 20h
Vu dans l’exposition
– Le rouleau illustré de la bataille des pets
Claude Lévi-Strauss nourissait une grande admiration , comme il devait l’exprimer dans son dernier livre Regarder,écouter, lire, pour Kawanabe Kyôsai (1831-1889), l’un des artistes majeurs de la fin de l’époque Edo et des débuts de l’ère Meiji dont l’oeuvre a fait, depuis l’objet de nombreuses redécouvertes au cours das années 2000 après une période de long purgatoire. Le grand anthropologue français admirait son inventivité et sa capacité à saisir le vif presque instantanément. Qu’aurait-il pensé du Rouleau illustré de la bataille des pets ? Ce type iconographique existait depuis le XIIème siècle ; d’ailleurs le plus célèbre exemple fut conçu par un moine-peintre, imagier bouddhiste de la fin de l’époque Heian (794-1192) connu sous le nom de Jôchi et lié aux hautes autorités ecclésiastiques du courant ésotérique Shingon. On constate par cet exemple que le clergé et la cour ne passaient pas seulement leur temps à la composition de poèmes raffinés au fil de leurs amours vaporeuses. Ils annonçaient déjà le rire associé au sexe et au monde flottant. (…)
Chez Kyôsai, l’anus bouché d’un personnage lui fait émettre un pet par la bouche ; ailleurs on rassemble les gaz dans une grande bâche qui sera projetée sur les adversaires. L’artiste conjugue l’étude des physionomies, affirmant son génie de la caricature, à une critique politique de l’autorité restaurée de l’empereur, composant cette oeuvre l’année de la mise en place du nouveau régime. Le carnavalesque, le monde à l’envers dominent dans ces physionomies habitées par un sentiment de vitesse plus proche de l’animation moderne que de certains rouleaux peints anciens.
L’humour de Kyôsai entend libérer, à l’image si l’on ose, des gaz émis par la frise de personnages. Pour les esthètes fragiles, ce Japon-là est de nature à inquiéter leur puritanisme artistique.
– Utagawa KUNIYOSHI
Son estampe représentant des femmes-chats prenant le frais un soir d’été rappellent la place grandissante occupée par la représentation d’animaux dans l’élaboration de la notion de WARAI. Cette anthropomorphisme permet ainsi le renversement des hiérarchies, la remise en cause radicale des conventions, l’expression du ridicule des comportements humains. La société , sous ses traits bestiaux, se trouve tournée entièrement en dérision. Ce monde inversé est connu au Japon sous l’expression «le Bas conquiert le Haut»