Henri Dutilleux vient de mourir, il avait 97 ans. C’est un immense compositeur et si son oeuvre s’inscrit dans une lignée de coloration tonale directement inspirée de l’expressionnisme de la musique française, il partageait avec Olivier Messiaen et Pierre Sancan le sens de la couleur, de l’équilibre tonal et une liberté d’écriture toute d’exigence de perfection. Compositeur contemporain le plus joué au monde, il ne céda pas aux modes et aux mondanités et ne fut jamais enclin à céder au tropisme de la musique électronique, bien au contraire il excella à créer dans une forme classique des compositions mettant en valeur les différentes structures orchestrales et instrumentales tout en s’ouvrant à des influences extérieures comme le jazz. Si Henri Dutilleux s’est nourri de la musique de Debussy et Ravel, il aimait aussi tout particulièrement l’oeuvre de Berlioz. « C’est un des très rares compositeurs contemporains qui est rentré dans le répertoire de son vivant. Il avait cela en commun avec Olivier Messiaen« , a indiqué à l’AFP le chef Laurent Petitgirard, président de la Sacem et directeur de l’orchestre Colonne.

Il écrivit pour les plus grandes formations et les plus grands solistes du XXème siècle; Sa première symphonie fut créée en 1951 par Roger Désormières, il écrivit pour Roland Petit en 1953 la musique du ballet Le Loup. Charles Munch créa en 1959 à Boston avec l’orchestre philharmonique dont il fut l’ineffable chef sa seconde symphonie. «Métaboles» (1964) est très probablement une de ces compositions phares, elle lui fut commandée par George Szell pour l’orchestre de Cleveland et fut jouée en 1965, dans cette oeuvre Henri Dutilleux eut à coeur d’écrire « un concerto pour orchestre lumineux et d’une très grande pureté ».

Son oeuvre est compacte, très finement travaillée tant dans l’aspect de la virtuosité instrumentale que dans sa structure, très exigeante pour le jeu des interprètes, et la beauté de la sonorité en est une des constantes créant ainsi des univers d’une grande force et intensité qu’aimaient tant les musiciens ou les chefs qui ont joué pour lui (Isaac Stern, Mstislav Rostropovitch ainsi que Igor Markevitch, Daniel Barenboim, Serge Baudo ou Seiji Ozawa par exemple)

Sa personnalité attachante et chaleureuse, sa gentillesse naturelle et sa simplicité, son humour, ont toujours été soulignés par tous ceux qui eurent la chance de le côtoyer, et ses amis vantaient sa cave riche des meilleurs vins de Bordeaux qu’il eut tout au long de sa vie le plaisir de célébrer.

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Henri Dutilleux était né à Angers le 22 janvier 1916, peu après la guerre la famille déménagea à Douai et c’est dans cette ville qu’il étudia la musique au Conservatoire local avec Victor Gallois qui lui fit travailler simultanément l’harmonie et le contrepoint. Les liens de sa famille avec le monde de l’art étaient importants, en effet son arrière grand-père du coté paternel, était ami avec Eugène Delacroix et Jean-Baptiste Corot (un paysage de Corot ornait son appartement de l’ile Saint Louis à Paris), quant au côté maternel, son grand-père Julien Koszul, d’origine polonaise, non seulement avait été l’élève de Gabriel Fauré, mais plus tard quand il devint directeur du conservatoire de Roubaix, il encouragea Albert Roussel à quitter la marine pour se consacrer à la musique

En 1932 Henri Dutilleux entra au Conservatoire de Paris, il étudiera l’orgue avec Marcel Dupré (dont il ne semblait manifestement guère apprécier ni le talent d’organiste ni celui de compositeur, il lui préférait Tournemire)

En 1938, il gagne le Prix de Rome. Le déclenchement de la guerre interrompra son séjour romain, et à Paris il deviendra accompagnateur de chant à l’opéra. puis à partir de 1945 il travaillera pour la Radiodiffusion française avant de devenir professeur de composition à l’École Normale de Musique de Paris à la demande d’Alfred Cortot

Pierre-Alain Lévy


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Sonatine

Emmanuel Pahud, Flûte, Eric Le Sage Piano


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