Florence Aubenas is a French journalist. She was in 2005 taken hostage in Irak. She just wrote a book where she scrutinizes French people and society with acute talent. A very penetrating essay


On ne présente plus Florence Aubenas, une vraie journaliste qui, elle, mérite de détenir la carte de journaliste. Nous en connaissons plus d’un qui la détiennent ce qui nous laisse interrogatif sur ses critères d’attribution. Mais là n’est pas le sujet. Florence Aubenas conçoit indéniablement son travail comme celui d’un témoin qui n’hésite pas à sortir de la douce tiédeur de son bureau pour aller à la rencontre des gens, dans le sens le plus noble de cette dénomination. On se souvient des risques qu’elle a pris à l’étranger ce qui lui a valu d’être prise en otage, on se souvient de son dernier livre, « Le Quai de Ouistreham  », relatant son immersion dans une société de nettoyage des ferries.

En France est la compilation de ses meilleures chroniques qu’elle a écrit pour le journal « Le Monde ». Une série de « tranches de vie », des portraits de personnes qu’elle a rencontrées, de nos voisins peut-être… Contrairement à d’aucuns, elle n’est pas restée à Paris pour nous servir une sorte de caricatures de Français plus ou moins fantasmés à partir de sondages plus ou moins douteux. Aussi, et ce n’est indéniablement pas son but, ce livre n’est pas une étude, un essai de sociologie. Dans l’avant-propos, Florence Aubenas le précise bien, elle ne tire aucune théorie, aucune analyse de ses rencontres. Elle ne fait que décrire. Soit, même dans une description, et encore plus dans plusieurs dizaines de descriptions, il n’est pas difficile pour le lecteur de comprendre, non un potentiel message qu’elle voudrait faire passer, mais la philosophie de l’auteur. On n’a pas travaillé pour Libération, Le Nouvel Observateur et maintenant Le Monde sans avoir une certaine fibre sociale politiquement classable à gauche. À titre personnel je trouve cela plaisant tant je redoute de trouver (ce qui arrive hélas de plus en plus) dans ce genre de « descriptions de la vie des vrais gens », des messages subliminaux de haine, d’exclusion et autres concepts autour de la trilogie « Travail, Famille, Patrie » de triste mémoire mais reprise depuis peu par un certain journaliste qui, hélas, est beaucoup plus lu que Florence Aubenas, et qui, à partir de chiffres et autres statistiques fausses, essaie de nous faire croire que « les vrais gens » ne désirent qu’une chose revenir au moins quarante ans en arrière, mais surtout en gardant les « acquis » technologiques modernes. Il ne se rend même pas compte qu’il vend du rêve aussi irréaliste que ces extrémistes qui pensent que le paradis sur terre est la vie au VII siècle en Arabie, mais qui se servent de téléphones portables et autres armes à feu.

Florence Aubenas, elle décrit une situation, un mal être mais vécu avec un certain fatalisme et une vraie croyance en un avenir meilleur (avenir, pas passé) ou dans la préservation d’un quotidien dans lequel ils se disent heureux.

Olécio partenaire de Wukali

Florence Aubenas nous décrit avant tout une société en évolution, en mal de repères, qui évolue, mais dont les acteurs, c’est-à-dire tout un chacun, ne savent dans quelle direction elle va et comment ils doivent se situer en son sein. Un certain désarroi est perceptible comme celui de cet ouvrier de Montbéliard en CDI qui déclare : « En 1975, le terme d’ouvrier à la chaîne était synonyme d »esclave moderne ». Aujourd’hui on nous appelle des « privilégiés ». Ce qui était une fatalité pour nous est devenu un rêve pour nos enfants.»  Aucune révolte, un constat d’impuissance, rien de plus.

Bien sûr de par la forme de ce livre, il y a des redites, surtout dans la partie « Au camping  » décrivant de façon truculente la vie au camping (très) sauvage de Piemanson. Mais cela n’enlève en rien à la qualité de ces rencontres que nous offre Florence Aubenas.

Pierre de Restigné



En France

Florence Aubenas

Éditions de l’olivier. 18€


WUKALI 03/11/2014


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