François Villon a famous and great French poet, a rascal and a ruffian living in the XVth century


Le sous-titre de ce livre résume parfaitement son contenu : [**Vie et mort de François Villon*]. Plus d’un vont se réjouir d’avoir enfin une biographie de cet immense poète, et ils ont raison !

Avec De moi, pauvre, je veux parler, [**Sophie Cassagnes-Brouquet*] replace parfaitement Villon dans son univers, à son époque, oh combien différente de la nôtre ! A travers les ballades, lais et autres testaments, elle nous montre que François Villon parle surtout et avant tout de lui, que souvent « il règle ses comptes », fait référence à des personnages qui ont vraiment existé mais qui auraient disparus dans les oubliettes de l’histoire si leur chemin n’avait pas croisé celui de Villon : [**Catherine de Vaucelles*] (son grand et impossible amour), [**Jean de Calais*] (vérificateur testamentaire du grand Châtelet), [**François Ferrebouc*] (chanoine de Paris : c’est pour son agression que Villon est condamné à mort ce qui nous à valu la Ballade des pendus [*1*]), [**Christophe de Turgis*] (bouilli en place publique pour faux monnayage),[** Thibaud d’Auxigny,*] (l’évêque d’Orléans qui fait enfermer Villon dans le donjon de Meung et lui fait perdre son statut de clerc) et tant d’autres qui apparaissent dans son œuvre.

Sophie Cassagnes-Brouquet nos replonge dans cette France du milieu du XV siècle, dans Paris, bien sûr, mais aussi dans la « province » car Villon a voyagé, souvent obligé, car il fallait qu’il se fasse oublier dans cette capitale qui l’attire tant, qu’il connaît si bien. C’est grâce à ses voyages qu’il rencontre les coquillards, sorte de confrérie de bandits des grands chemins qui vont lui apprendre leur parlé, leur argot, et Villon, dans des poèmes souvent hermétiques pour nous, va arriver à jouer sur leur sonorité, en quelque sorte va leur donner une musicalité inattendue.

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Sophie Cassagnes-Brouquet nous livre aussi un personnage quelque peu éloigné de l’image qu’ont façonnée de lui les romantiques : soit c’est un génie de la poésie, soit c’est une sorte de poète maudit à la recherche d’un puissant protecteur comme [**Charles d’Orléans*], mais c’est surtout un aigri, un dilettante, un voleur, un assassin, parfois violent, un vrai mauvais garçon dans tous les sens du terme. Un vrai nostalgique dont le plus digne héritier est plus [**Gérard de Nerval*] que [**Rimbaud*].

Le génie de Villon n’a-t-il pas été de transcender dans la poésie sa lucidité d’avoir gâché sa vie tout en voulant à la « malchance » d’être né à l’endroit où il est né, dans cette société très hiérarchisée qui ne laissait qu’une infime chance de « promotion sociale » aux plus défavorisés, et même si cette chance lui avait été offerte, sûrement que Villon ne l’aurait pas saisie, préfèrant l’insouciance de la jeunesse et le « carpe diem  » des cabochards dont il était un membre imminent.

Un aspect fort méconnu de la personnalité de Villon est sa foi profonde. Certes son oncle qui l’a élevé, [**Guillaume de Villon*] était un chanoine, certes Villon est un clerc tonsuré du moins jusqu’en 1461, date à laquelle il perd ce statut si protecteur, mais il croit en Dieu, aux canons de l’église romaine et apostolique, souvent ses poésies portent la trace de ses angoisses métaphysiques, de sa peur de la damnation, de son espérance que Dieu dans sa bonté lui pardonnera ses turpitudes.

En 1463, à 32 ans, Villon est banni de Paris, trop heureux de ne pas être pendu, il part : pour où ? Nul ne le sait. Quand et comment est-il mort, ou fut-il inhumé ? Nul ne le sait. Sûrement pas en Angleterre comme le place un de ses premier admirateur [**Rabelais*]. Car s’il disparaît complètement, Villon connaît très vite une vrai postérité. La première édition de ses œuvres date en 1489 et plusieurs rééditions ont lieu à cette époque. Ses premiers admirateurs ont été, excusez du peu, [**Clément Marot*] et [**Rabelais*]. Bien sûr les poètes de la [**Pléïade*] le trouveront bien vulgaire et incompréhensible, et cette réputation traversera les siècles jusqu’à sa redécouverte par les romantiques qui façonnèrent une image de jeune homme plutôt sympathique, bon vivant, plaisantin, vivant d’expédients et quelque peu aux frontières de la légalité. Peu importe de fait que Villon n’était pas que ça, c’était surtout un grand magicien des mots, un homme de son temps qui dans son œuvre nous apporte un témoignage de la vie des « sans grades », il nous parle du réel et non de grands sentiments dans un monde fantasmé. Un vrai terrien qui dans son œuvre se montre sans concession non seulement sur son univers, sur la nature humaine, mais aussi surtout sur lui.

Sophie Cassagnes-Brouquet, malgré certaines répétitions, nous livre une biographie de François Villon qui nous permet de relire l’œuvre du poète en la replaçant à son époque, et par voie de conséquence, de mieux comprendre ce qu’il y a d’universel en elle.

[** Émile Cougut*]

[*1*]Lire La Ballades des pendus dans la rubrique Poésie


[**De moi, pauvre, je veux parler*]
Vie et mort de François Villon
[**Sophie Cassagnes-Brouquet*]
éditions Albin Michel. 20€90


WUKALI 29/10/2016
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