Madness in History among Kings and Queens and Tsars too


Les éditions Jourdan viennent de rééditer le livre du journaliste et médecin [**Augustin Cabanès*], Fous couronnés datant de 1932. Un classique du genre tout comme le furent les Histoires d’amour de l’Histoire de France de Breton.

Il est certain que ce genre a quasiment disparu de l’actualité historique : une succession d’anecdotes, souvent à charge, souvent coupées de leur contexte, sans véritable analyse du contexte historique, économique, social de l’époque, sans vraiment s’intéresser à la culture, aux inconscients de l’époque. On parle de faits mais on les juge par rapport à l’univers culturel de celui qui les rapporte. On connaît les limites d’un tel exercice : dans le passé il n’y avait que des « barbares » qui ne comprenaient pas la valeur intrinsèque des êtres humains. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il en résulte une vision totalement biaisée de l’histoire qui amène à créer des mythes plus que des vérités. A une époque où les mythes nationaux sont utilisés après moult déformations à des fins politiques (la récupération de Jeanne d’Arc icône de gauche à la fin du XIX siècle par l’extrême droite catholique puis non catholique à de quoi étonner), on se dit qu’il faut être assez modéré en lisant de tels ouvrages.

Mais ils doivent être lus car même s’ils insistent trop sur l’importance d’un individu dans le cours de l’Histoire, ils nous montrent que nos monarques furent des hommes et des femmes somme toute « normaux » avec leurs défauts et leurs qualités. Et puis, l’Histoire est bien plus amusante quand elle parle de faits divers que d’analyses d’actes notariaux ou des variations du prix du quintal de blé.|center>

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Augustin Cabanès essaie à travers les témoignages portant sur certains monarques ([**Jeanne la Folle, Pierre III, Catherine la Grande ou Louis II de Bavière*]) d’en tirer une sorte de portrait psychologique pour montrer qu’ils étaient fous. Mais l’épilepsie ([**Paul I*]) est-elle synonyme de folie ? Aujourd’hui sûrement pas, mais à la fin du XVIIIème (voire dans les années 1930) certainement que oui. De fait il arrive que l’on trouve le raisonnement de l’auteur un peu « poussé » et qu’à partir de faits réels il en tire des conclusions quelque peu erronées. Il ne prend que les témoignages qui vont dans le sens de sa thèse passant sous silence ou très rapidement sur ceux qui vont à son encontre, ainsi [**Catherine II*] est une «nymphomane». Au delà du fait que la nymphomanie n’a plus la même définition que celle qu’elle avait à l’époque de l’auteur, c’est avant tout une lecture très moraliste de l’Histoire qu’il nous livre : une femme qui a beaucoup d’amants ne peut être dans son inconscient (et dans celui de beaucoup d’hommes) qu’une nymphomane donc une sorte de folle. Bizarre, Catherine a eu bien moins d’amants qu’[**Henri IV*] ou [**Louis XIV*] n’ont eu de maîtresses, mais eux ne sont pas considérés comme des malades. On est très loin de l’idée de l’égalité des sexes au niveau sexuel.

Et puis Augustin Cabanès véhicule toutes les fausses idées de son époque eu égard aux maladies psychiatriques : la folie est héréditaire, la masturbation rend fou, etc.

Je ne critique pas, loin de là, le travail d’Augustin Cabanès, car il a eu quelque chose de novateur, il ouvre une porte : les monarques sont des êtres humains qui ont aussi un psychisme expliquant plus ou moins certaines de leurs attitudes, de leurs décisions. Sans les traumatismes vécus par le petit [**Louis XIV*] sous La Fronde, sa méfiance de Paris n’aurait sûrement pas été et par voie de conséquence le château de Versailles n’eût jamais été bâti, l’avilissement de la noblesse dans le carcan de la Cour n’aurait pas eu lieu.

Il est certain que ce genre d’approche à énormément progressé même si elle fait l’objet de critiques de certains historiens qui refusent d’aller vers de nouvelles voies explicatives. Il suffit de se souvenir de la polémique instillée par [**Hélène Carrère d’Encausse*] contre la très belle et pertinente biographie d’[**Ivan IV*] de [**Pierre Gonnaud*] qui insiste sur les traumatismes qu’a subi le Tsarévitch dans son enfance expliquant en grande partie et ses excès et sa cruauté. D’ailleurs dans la liste des « fous couronnés », Ivan IV n’est pas mentionné alors que [**Pierre le Grand*] qui était un enfant de cœur par rapport à lui, l’est ; tout comme on ne retrouve pas [**Charles VI*] et quelques monarques carolingiens voire des empereurs romains comme [**Caligula*] ou [**Néron*].

Soit le livre d’Augustin Cabanès est daté, mais on prend toutefois un vrai plaisir à lire ses petites histoires individuelles de la grande Histoire.

[** Félix Delmas*]|right>


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WUKALI 19/05/2017


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