The enchanting story of Mowgli. Robert Wilson the American stage director adulated in France


Par Pétra Wauters /. [**Bob Wilson*], le plus « français » des grands metteurs en scène américains présente sa dernière création du 17 au 22 décembre 2019 au [**Grand Théâtre d’Aix-en-Provence*] : un livre de la jungle revisité, une commande d’[**Emmanuel Demarcy-Motta*], le directeur et metteur en scène du Théâtre de la Ville de Paris. Joué aux « Nuits de Fourvière » à Lyon en juin dernier, puis dans le cadre du Festival d’automne à Paris en novembre dernier, le livre s’est ouvert au Grand Théâtre de Provence. Un joli cadeau de Noël tout en images. Quelques réserves cependant.

C’est vrai qu’il s’agit là du [**Jungle Book*] de Bob Wilson s’il vous plait, et ce spectacle porte la patte du grand metteur en scène, inimitable, identifiable entre tous. Des gestes chorégraphiés au millimètre près, des éclairages toujours subtils, une partition remarquable de trouvailles et d’inventivité, un orchestre qui joue en direct. Des tableaux superbes, des chansons en anglais, sous-titrées, les récits en français, des costumes azimutés, pour de drôles d’animaux pas si faciles à identifier toutefois, malgré des grognements et des coups de griffes, malgré des maquillages sophistiqués, sans doute visibles des plus lointains fauteuils de la salle. Robert Wilson privilégie la musique et le chant, marie la danse, la lumière, la sculpture dans des tableaux qui sont autant d’apparitions poétiques. La forme l’emporte sur le fond, la manière l’emporte sur le sujet, comme souvent dans l’univers scénique de cet artiste. Son album visuel nous en met « plein les yeux » avec ce souci du détail qui nous laisse admiratifs. Bob Wilson est souverain dans les arts visuels, jonglant brillamment avec un grand nombre de techniques artistiques…. Alors pourquoi sommes-nous un peu déçus ?
Peut-être que ce savant métissage des arts nous désoriente ? On s’égare dans la jungle. A trop vouloir nous dire on finit par nous perdre. On a du mal à se projeter plus avant, au delà de ces tableaux sublimes. L’émotion manque, on ne vibre que sur l’image ce qui est déjà formidable, direz-vous. Manque encore une petite étincelle pour embraser le tout, un peu de fièvre et de frisson.
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Une question était posée il y a 50 ans : s’agit-il de théâtre ? Bob Wilson était un « ovni » de la scène. Le public n’avait rien vu de pareil. Le réalisateur qui avait alors 27 ans présentait son « Regard du sourd » au Festival mondial du théâtre de Nancy qui le révélait. Nous reviendrons sur ce spectacle incroyable à la fin de l’article.
Dans cette dernière création, le metteur en scène, qui signe également les décors et les lumières, a retrouvé là encore l’esprit et le parfum de l’enfance. Son « Peter Pan » de 2013 était déjà un spectacle musical dans ce même esprit, et entre les deux, notre cœur balance vers … Peter ! Déjà, la presse et le public plébiscitaient « CocoRosie », le groupe américain composé par les géniales [**sœurs Coco et Rosie Casady*] à l’origine de la musique et des songs. On les retrouve dans le Jungle Book, mélangeant hip-hop, folk, musique électronique, disco, opéra, avec orchestre et percussions…. Et des cris et des bruitages, pour certains improbables !

Olécio partenaire de Wukali


Comme prévu dans le récit de [**Kipling*], on suit les aventures de Mowgli, enfant, le petit d’homme qui sera éduqué par des loups, parmi les animaux sauvages de la jungle. Les artistes d’origines diverses suivent à la lettre la partition, incarnant des animaux façonnés par le maître, modelant chaque mouvement, chaque arrêt sur image à la manière des estampes, images figées dans des postures japonisantes, formes noires sur écran blanc dans un espace temps revisité. Il est évident que cette façon de découper l’espace en unités est ingénieuse et porte la griffe Wilson. Transition facile pour parler des griffes acérées de Shere Khan, le tigre interprété par [**Roberto Jean*], magnifique dans sa gestuelle toute féline. On aime encore le singe ([**John Moss*]) qui incarne aussi le chasseur, la panthère Bagheera, ([**Olga Mouak)*]… Mais avouons que quelques danses collectives de ces animaux humanisés nous déçoivent, de même que certains décors. On reste dubitatif devant un capharnaüm de postes télés et objets en tous genres qui se dressent soudain sur scène, déchetterie en ombres chinoises. On s’interroge. Est-ce vraiment nécessaire ? Certes, il s’agit d’un conte moral. Quelques thèmes nous le rappellent : la pollution, la déforestation, la sécheresse. Certes il est question de vie sociale, à laquelle il faut se soumettre, des lois à respecter par tous, y compris les hommes, pas toujours très humains. Tout n’est pas gai dans cette histoire, mais Le Jungle Book de Bob Wilson semblait avoir pris un tout autre parti, celui de ne pas mettre l’accent sur la noirceur et le côté moral du conte. Est-ce grave du reste si on perd le conte, et si on ne « s’attache » pas à Mowgli, l’enfant abandonné, qui navigue entre deux mondes et qui, de toute façon, s’en sortira !

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On préfère regarder vers le côté ludique et excentrique de cette pièce, tournée résolument sur la vie, l’espoir, l’énergie. Ce Jungle Book, malgré les quelques réserves que nous émettons ici, témoigne à merveille de l’inaltérable aptitude à s’émerveiller de [**Bob Wilson*], son écriture si singulière, son imaginaire, et c’est déjà formidable !

Flash back sur une bien jolie histoire de Théâtre. Nous sommes en **1971*]. Il y a 50 ans Bob Wilson présentait son « Le regard du sourd » au [Festival mondial du théâtre de Nancy créé par [**Jack Lang*] en 1963. (Cliquer)

Bob Wilson a créé une pièce très étrange, « Le regard du sourd » et à sa grande surprise, avouera t-il plus tard, cette œuvre présentée au Festival mondial du Théâtre de Nancy en 71 connut un succès retentissant. Ce fut l’une des révélations du festival. Imaginez un spectacle de 7 heures, rempli de silence ! « Le regard du sourd » n’avait pas été bien reçu à New York où il fut créé et présenté pour la première fois. On songe à [**Pina Bausch*], elle aussi incomprise sur ses terres à Wuppertal, et qui, invitée par l’un des directeurs du festival,[** Lew Bogdan*], au festival mondial du théâtre de Nancy en 1977, a pu poursuivre son œuvre. Ovationnée par le public nancéen, révélée à la France, elle démarrait ainsi une carrière internationale avec son théâtre-dansé ! Son art bousculait les codes de la danse et du théâtre. La question se posait aussi pour Bob Wilson à New York comme à Nancy. « Est-ce du théâtre ? »
Il n’y a pas de texte !

Alors que le public américain trouvait ce théâtre absurde, la pièce a été reçue avec beaucoup de respect par les spectateurs français et la presse. Bob Wilson en était le premier surpris. Les Français l’ont présentée comme un «opéra silencieux » ce qui correspondait à la vision du metteur en scène, qui considérait sa pièce comme « un ensemble de silences structurés ».

Structures, espaces : [**Bob Wilson*] a étudié l’architecture à New York. Cela se voit dans ses spectacles. Là bas, pour la première fois il découvrait des spectacles à Broadway – qu’il n’aimait pas, a-t-il avoué. Il est allé à l’opéra aussi, qu’il n’appréciait pas davantage. En revanche Bob Wilson était fasciné par le travail de [**Georges Balanchine, Merce Cunningham*] ou encore [**John Cage*]. L’une des raisons pour lesquelles il s’intéressait à leur travail, c’est parce qu’ils tenaient compte d’une notion intéressante à ses yeux, celle de l’espace mental ou virtuel, une notion abstraite qui le séduisait.

Le regard du sourd, une pièce de 7 heures qui prend fin au petit matin.
Raymond Andrews, un jeune enfant, afro américain sourd et muet âgé de 13 ans, a assisté à l’assassinat de deux enfants par sa nourrice. C’est en le rencontrant en 67, que Bob Wilson a conçu la pièce. Dans le monde du silence de cet enfant, le langage des images et des gestes remplace celui des mots.

Dans une lettre posthume à [**André Breton*], [**Louis Aragon*] écrit : « Je n’ai jamais rien vu de plus beau depuis que je suis né. Ce spectacle est la vie éveillée et la vie aux yeux clos, la réalité mêlée au Rêve.

[**Pétra Wauters*] |right>


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Contact : redaction@wukali.com

WUKALI Article mis en ligne le 19/12/2019

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