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Hazel Prior, écrivaine anglaise

par Pierre-Alain Lévy

Un hasard, un accident, un détour imprévu, un petit rien, parfois insignifiant dans le déroulement linéaire d’une journée, et tout notre futur s’en trouve modifié. Cause et conséquences. Le maître absolu est bien sûr Georges Simenon, sa « comédie humaine du XXè siècle » comme l’avait si bien perçu André Gide est basée sur cette idée. Et c’est devenu une constante dans bien des romans.

Le début de ce roman de l’écrivaine anglaise Hazel Prior, Ellie et Dan commence par un détour imprévu d’Ellie, une alerte trentenaire, femme au foyer, marié avec Clive, grand amateur de bière (mais sans excès) et de football. Un chemin inconnu dans cette belle région d’Exmoor qu’elle croyait si bien connaître et elle se trouve devant une grange au milieu de nulle part.

Dans cette grange se trouve Dan, un facteur de harpes, de toutes formes, de toutes tailles, qu’il signe en incrustant un galet dans une partie de chaque instrument. Dan est un solitaire, et même si cela n’est pas dit, un autiste asperger. Il a ses « tocs », ses manies : il compte tout lors de ses grandes randonnées autour de sa grange. C’est un grand amateur de sandwichs, découpés en triangle ou en carré, peu bavard, ne sachant pas dissimuler, ne supportant pas la foule et les changements.

Par pulsion, il offre une harpe à Ellie quand elle lui déclare que c’était son rêve de jouer de la harpe, mais qu’elle n’avait jamais essayé.

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Mais Clive trouve cette idée totalement farfelue et l’oblige à rapporter cet instrument à son créateur. L’envie de jouer est plus forte et Ellie se rend régulièrement à la grange aux harpes pour essayer de jouer de son bel instrument sans arriver à en parler à son mari. Ô, elle l’aime, mais en même temps, elle le craint et par-dessus tout a peur qu’il ne la quitte, alors qu’il représente pour elle un roc sur lequel elle peut s’appuyer. Elle prend même des cours avec la (très) belle Roe Daim, harpiste de génie, petite amie de Dan, ce qui ne va pas sans entraîner une certaine morsure au cœur d’Ellie.

Bien sûr, cette situation ne peut pas perdurer. Surtout qu’Ellie comprend que Roe cache quelque chose d’important à Dan. Pas le fait que pour elle que leur relation est bel et bien achevée depuis quelques années, ce dont le jeune homme n’a pas conscience, mais que celle-ci a porté ses fruits en la personne d’Edward dont le géniteur n’avait pas eu connaissance de sa naissance.

Et puis Clive finit par comprendre que son épouse apprend la harpe, alors le démon de la jalousie le ronge, le détruit rendant la vie d’Ellie intenable, l’abus de whisky n’arrangeant rien. Et cela finit mal, très mal. Mais de la noirceur rejaillit toujours la lumière et la beauté.

Contrairement aux apparences, Ellie et Dan n’est pas un « roman à l’eau de rose ». Les personnages imaginés par Hazel Prior sont réalistes, même les secondaires tel Thomas le facteur au grand cœur, Joe la terrible sœur de Dan ou Christina, l’amie d’Ellie, la femme quelque peu originale mais souffrant profondément de la solitude depuis que son fils est parti à l’université. Mais le plus intéressant est sûrement Clive : Ellie, connaissant son passé douloureux, lui donne toutes les excuses, c’est son roc, son môle, et elle finit par comprendre qu’en fait elle est devenue prisonnière d’un manipulateur qui lui interdit, de fait, toute idée de libre arbitre. Et quand il souffre, il est obsédé par l’idée de faire souffrir sa femme. Le roc s’avère être qu’une « chiffe molle ». Sous ses airs et ses attitudes d’homme fort, se cache un faible, peu sûr de lui et qui ne veut pas se remettre en cause pour partager.

Et puis et surtout même, il y a la passion d’Hazel Prior pour sa région d‘Exmoor dans le sud-ouest de l’Angleterre qu’elle décrit si bien (le lecteur n’a qu’une envie, mettre des chaussures de marche et partir pour de longues balades) et puis aussi son goût pour la musique en général et celle de la harpe en particulier.

Alors oui, plutôt que de s’abandonner dans son canapé devant une des séries mièvres et sans intérêt autour de la « magie de Noël »ou du Premier de l’An sous lesquelles les programmateurs nous noient, lisez plutôt  Ellie et Dan, vous aurez alors le coeur en fête !

Ellie et Dan
Hazel Prior

éditions L’Archipel. 21€

Illustration de l’entête: Hazel Prior

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