Chaque période dans l’histoire des connaissances a connu son paradigme. Ainsi, et pour ce qui a trait à l’observation du ciel, les hommes ont privilégié plusieurs conceptions de l’univers, en relation à leur culture. Nos ancêtres ont cherché à comprendre le monde qui les entourait en projetant leurs propres expériences et émotions sur la nature. L’univers des esprits, suivi par celui des dieux, montre une quête constante de signification et de contrôle sur les forces naturelles.
Astrologie et astronomie sont nées il y a 5000 ans, de la même quête de comprendre la terre par l’observation du ciel. Les Mésopotamiens inventèrent l’astrologie pour dialoguer avec leurs dieux par les corps célestes, reliant l’homme à un ordre supérieur. Constatant les correspondances entre rythmes terrestres et célestes, les étoiles furent regroupées en constellations aux noms symboliques, dictant les événements terrestres. Maîtriser le langage des astres signifiait maîtriser le monde.
Les astres devinrent des dieux influençant le destin humain, et l’astrologie naquit de la volonté de communiquer avec ces divinités. Son prestige perdura durant la période grecque, où l’univers fut vu comme harmonieux et géométrique, régulé par des lois mathématiques. Pythagore proposa un modèle héliocentrique et donna aux planètes les noms des dieux grecs.
L’astronome Ptolémée, au IIème siècle, codifia les connaissances en deux ouvrages : L’Almageste, qui contenait son enseignement astronomique fondé sur la structure cosmologique d’un univers géocentrique, et le Tetrabiblos, qui donnait une interprétation structurée du savoir astrologique, accumulé durant les siècles précédents. Ces œuvres restèrent des références jusqu’à la révolution copernicienne du 17e siècle pour l’Almageste et jusqu’à nos jours pour le Tetrabiblos.
L’âge d’or de l’astrologie, de 1450 à 1650, vit des astronomes comme Kepler établir des lois planétaires tout en dressant des thèmes astraux. Jusqu’au milieu de ce même siècle, l’astrologie était enseignée à la Sorbonne.
La position scientifique de Galilée en 1633 a scellé la séparation entre le profane et le sacré, entre l’intellect et l’âme, entre ce que l’homme sait et ce qu’il croit, autrement dit entre la science et la religion. Cette consécration de la division entre l’approche scientifique et l’approche symbolique de l’univers a constitué un fondement de la modernité puis affecté la culture occidentale, astrologique comprise.
En 1666, un édit de Colbert proscrivit l’astrologie des universités, la reléguant dans l’ombre pendant deux siècles. Depuis, l’astrologie cherche une légitimité et revient périodiquement à la mode. L’astrologie et l’astronomie se séparèrent définitivement au XVIIème siècle avec l’émergence des sciences modernes.
Deux courants dominent l’astrologie occidentale : l’astrologie profane, axée sur les prédictions matérielles, et l’astrologie sacrée, visant à donner un sens au vécu. Ces courants, influencés par Alexandrie, se croisent depuis 2000 ans.
Quels sont les vrais fondements de l’astrologie ?
Poser la question des fondements de l’astrologie revient à poser la question de nos origines. La vie et la conscience ne sont pas apparues d’un seul coup. Nous sommes les héritiers de la formation des systèmes planétaires, de la gestation de la vie et des conditions propices à la conscience. Ce passé nous est transmis dans nos cellules et par nos instincts. À cela, l’astrologie ajoute un autre héritage : le monde des archétypes. La psychologie s’intéresse aussi aux images qui envahissent notre vie psychique, mais l’astrologie va plus loin en postulant une structure universelle encore à découvrir.
Une même architecture opère partout en astrologie, informant chaque endroit de l’univers, objets, corps vivants et archétypes. Cette idée d’un agencement universel, proche de la physique quantique, repose sur une identité de structure entre le monde psychique et l’organisation du ciel. Cela évoque un parallélisme entre notre vie intérieure (subjective) et le système solaire (objectivable).
L’astrologie rejoint les anciens mythes qui lient ce qui est vu et vécu dans le monde à ce qui est imaginé ou fantasmé par la conscience, puis projeté sur le ciel. L’astre n’illustre pas ce qu’est l’individu, il l’exprime symboliquement. L’astrologie peut-elle valider ce propos symbolique et poétique du mythe ? Oui, si les fonctions symboliques internes correspondent aux réalités extérieures.
Plusieurs millions d’années d’évolution auraient-elles contribué à façonner deux univers, notre psyché et le monde, qui ne seraient que les deux faces d’une même réalité ?
En résumé, l’astrologie moderne se base sur une compréhension symbolique et psychologique de notre relation à l’univers, utilisant les archétypes et les symboles célestes pour éclairer notre compréhension de nous-mêmes et des influences qui nous entourent
Comment l’astrologie analyse-t-elle notre personnalité ?
Le destin exclusivement astrologique n’existe pas. Il ne saurait remplacer notre hérédité et les conditions sociales. À notre naissance, l’histoire physique de l’humanité nous est transmise par nos parents. Ensuite, nous héritons également de notre milieu et de notre culture, qui conditionnent nos premiers pas.
Nous sommes donc le produit de l’histoire de la vie et de l’histoire des hommes, avec une banque de données en nous permettant de décoder les signaux extérieurs. La thèse principale de l’astrologie ajoute un troisième héritage, psychique cette fois, qui nous aide à élaborer la conscience.
L’astrologie transpose cet univers intérieur en un théâtre qui rejoint les anciens mythes, remettant en question l’idée d’une tablette vierge à la naissance. Elle ajoute donc quelque chose à nos déterminants héréditaires et culturels, car notre personnalité est également modulée par des éléments psychiques inscrits dans notre imaginaire.
L’astrologie va plus loin en considérant un projet intime, nous incitant à manifester notre véritable nature. En répondant personnellement à ce qui nous sollicite, nous préfigurons ce qui fera sens pour nous. Ainsi, notre profil se dessine, nos potentialités se manifestent et notre caractère se construit.
Pour décrire cela, l’astrologie utilise un outil conceptuel et symbolique, reconnaissant dans notre histoire les étapes de notre prise de conscience.
En résumé, l’astrologie propose une grille de lecture symbolique et conceptuelle de notre personnalité, mettant en lumière comment nous réagissons aux stimuli externes et révélant notre univers intérieur.
Quelle est la nature exacte de notre relation au ciel ?
Depuis quelques décennies, des engins fabriqués par l’homme explorent le système solaire et des télescopes géants scrutent l’univers, constatant deux choses : 1) Aucun dieu n’habite le ciel. 2) La banlieue du système solaire est insignifiante comparée à l’infini du cosmos.
Dès lors, comment accorder de l’intérêt au ciel astrologique ? Astronomie et astrophysique ont démystifié la croyance en un ciel gouvernant la vie humaine.
Les théories astrologiques sont-elles révolues ? Aujourd’hui, on les aborde sous un angle différent : une structure entre le système solaire et le psychisme humain, à un niveau plus subtil qu’un lien physique entre les planètes et nous.
Nous pouvons comparer cette connexion à ce que décrivent les théories quantiques : des champs d’énergie et des échanges d’informations.
Quel est le propos actuel de l’astrologie ? Utiliser une grille de lecture pour illustrer ce qui nous raccorde, non aux astres eux-mêmes, mais à leurs symboles. Le symbole relie deux réalités autour d’un même sens.
Au cœur de notre subjectivité, le symbole met en images une concordance entre ce qui nous anime et les informations extérieures. Les symboles astrologiques (basés sur le système solaire et le zodiaque) parlent d’une minuscule bulle périphérique, centrée sur l’humain et sa relation au ciel.
Il faut voir la matérialisation d’un ciel à notre portée projeté sur le cosmos infini. Tel est l’horizon astrologique : un bestiaire symbolique se projetant sur la voûte étoilée, imaginant que le monde se limite à cette sphère visible et fantasmée. Du côté de l’imaginaire se devine un autre infini, encombré par les images intérieures.
Retrouver la source mythique ayant conféré une valeur symbolique aux astres, c’est percevoir la frontière mystérieuse où dialoguent deux infinis, celui du ciel et celui de notre imaginaire. Si Dieu a créé l’homme à Son image, l’homme a façonné son horizon céleste à partir de sa subjectivité.
Est-ce dépassé ? La psychanalyse considère le mystère de la jonction dynamique entre le sujet et l’objet du monde. Quant à la physique quantique, elle met en évidence le rapport de force entre la matière et la lumière, sorties de la structure unifiée de l’espace-temps.
En résumé, notre relation au ciel, selon l’astrologie moderne, est une interaction symbolique et psychologique où les astres deviennent des médiateurs de significations et de correspondances entre notre monde intérieur et l’univers extérieur. Cette relation n’est plus vue comme un gouvernail divin mais comme un reflet et une projection de notre propre imaginaire et symbolisme.
Concrètement, comment l’astrologie fonctionne-t-elle ?
Selon l’adage : « le ciel est au-dedans de nous ». Ce qui compte, ce sont les symboles astrologiques plus que les planètes. Ces symboles sont comme les couleurs ou les sons, nous en faisons nos gammes pour forger notre identité.
La carte du ciel représente la position des planètes au moment de notre naissance. De cette représentation se dégage une structure globale : le mandala du zodiaque, des planètes et des maisons, apportant un sens à la vie.
Nous ne rencontrons pas notre échiquier astrologique uniquement à travers notre signe de naissance. Plusieurs mythes ou symboles illustrent les facettes de notre personnalité. Nous sommes concernés par l’ensemble des signes et leurs notes de comportements.
Les douze étapes de la genèse, de la naissance à l’âge adulte, sont comme des marches d’un parcours. Chaque étape est nécessaire, vécue à notre manière au cours de notre histoire.
Les planètes, réparties autour de notre lieu de naissance, représentent des personnages symboliques dans notre monde intérieur. Chaque acteur illustre une tendance, une aptitude, une aspiration. Elles symbolisent les échanges entre les facettes de notre personnalité, alternant entre enthousiasme et doute.
Notre thème de naissance est une assemblée intérieure de plusieurs parties cohabitant en nous. Nos comportements varient selon les circonstances : au travail, à la maison, en société. Nous adoptons et quittons ces identités sans toujours nous en apercevoir. Notre thème illustre cette multitude avec ses figures (planètes, signes, maisons…).
Ces parties sont des prototypes de sentiments, pensées, comportements et perceptions, qui, en s’unissant ou en se contredisant, suggèrent des réponses aux situations de la vie.
En résumé, l’astrologie propose une grille de lecture symbolique et conceptuelle de notre personnalité, mettant en lumière nos comportements, nos aspirations et nos réponses aux influences extérieures, à travers une interprétation des symboles astrologiques.
En conclusion
Étoile, fortune, destin : on a d’autant plus de mal à séparer ces termes que leur rencontre est riche en résonances profondes. C’est ce complexe, chargé d’esprit magique, qui a fait dégénérer l’astrologie de connaissance psychologique initiale en art divinatoire aux prétentions éhontées
Le paradoxe de l’astrologie est de conjuguer une spéculation longtemps jugée ésotérique et la relation physique avec le système solaire. Nous sommes effectivement là dans un domaine qui allie ce qu’il y a de plus subjectif en nous et ce qu’il y a de plus objectif (ou objectivable) dans le ciel.
Il est avéré que la science n’étudie les phénomènes vivants qu’à condition qu’ils obéissent aux lois de la physique. Mais ces mêmes lois suffisent-elles pour rendre compte de la complexité psychique de l’être humain ? Ainsi, les interrogations se multiplient ; le réel se révèle différent des apparences et le mystère subsiste.
Aujourd’hui, l’exploration de l’infiniment grand (l’univers) et de l’infiniment petit (les particules), de même qu’une meilleure compréhension de nos fondements biologiques et psychologiques, nous obligent à conjuguer autrement la jonction (celle-là même que ratifie l’astrologie) entre l’universel et le singulier de notre vie.
Dans l’univers symbolique, les symboles astrologiques ont été chargés, raturés, vulgarisés, vilipendés et pire, mais ils sont néanmoins demeurés efficaces comme code pour relier l’homme aux mystères de la vie. Ils seraient tombés dans le plus complet oubli s’ils s’étaient avérés inefficaces.
L’astrologie est-elle et n’est-elle qu’un langage symbolique créé de toutes pièces par l’imagination des hommes, ou bien est-elle un lieu onirique où se profilent des images sédimentées au plus profond de l’imaginaire humain ? Mais comment valider ce lieu étrange où s’animent des dieux et des déesses, relevant bien plus d’anciens mythes que d’une description raisonnée de notre monde intérieur ?
À l’évidence, l’astrologie nous situe sur une frontière entre la vie intime et la réalité, entre-le ciel intérieur et celui qui lui sert de référentiel, entre notre héritage (inné) et notre histoire personnelle (acquis). Mais elle en appelle aussi à la recherche du sens : pourquoi sommes-nous là, d’où venons-nous, pour quelles raisons sommes-nous sollicités de l’intérieur par un projet intime, à quoi tout cela rime-t-il ?
Faire silence sur la dimension spirituelle évoquée par ces interrogations ne reviendrait- il pas à éluder le débat ou à le laisser dans d’autres mains ? Nous y attarder, en revanche, suppose-t-il que nous soyons prêts à donner du crédit à n’importe quelle spéculation sur la destinée humaine ?
Le zodiaque et, de façon générale, toute la voûte céleste, se révèle comme le plus grand test de Rorschach du monde : l’homme tient son univers visible en entier dans le rayon de son esprit.
Dans nos vies quotidiennes nous affrontons le monde que les êtres humains ont toujours affronté, un monde pleinement en phase avec celui des astrologues. Nous analysons, réfléchissons, faisons des projets et, d’une façon que nous serions bien en mal de décrire et plus encore d’expliquer, nous finissons nous aussi par imposer notre volonté à la matière. Il n’y a peut-être rien de divin là-dedans mais le mystère est le même.
Les astrologues ont mené une conversation quatre fois millénaire. Ils ont analysé comme nous, ont réfléchi et se sont projetés dans l’avenir. Certains étaient de vulgaires charlatans, d’autres des hommes d’une grande sensibilité et d’une grande intelligence.
Des millions de gens lisent chaque jour leur horoscope, pourtant des milliers de gens consultent des astrologues, pourtant des chefs d’entreprise y croient en utilisant l’astrologie dans leurs décisions d’embauche. L’astrologie se fait une place incontournable dans les médias parce qu’elle nous parle de nous. Même si ce qu’elle en dit tombe des nues et n’a aucune valeur prédictive, cela nous interpelle et nous séduit car on prend ce discours pour nous.
Un horoscope bien fait peut convenir à tout le monde, est suffisamment vague pour correspondre à tous, et suffisamment agréable à entendre pour être accepté. Un bon astrologue est avant tout fin psychologue et peut apporter réconfort à ceux qui traversent des moments difficiles. Ça, c’est le meilleur des cas. Dans le pire des cas, l’astrologie est une dépendance, qui appauvrit l’esprit et le portefeuille de ceux qui s’y adonnent. Nombreux sont les astrologues qui revendiquent pour l’astrologie le statut de science. Ceux qui prétendent seulement réconforter ne sont pas nombreux, et doivent se placer toujours sur la frontière entre la duperie et le simple conseil d’ami. L’astrologie n’a pourtant aucune valeur dans ce qu’elle prédit. À chacun de choisir… avec prudence et vigilance critique.
Illustration de l’entête: heptagramme représenté dans Theatrum Cometic de Stanisław Lubieniecki, image extraite du livre Le ciel, ordre et désordre, coll. « Découvertes Gallimard » (no 26)
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