Sale of Miró Collection Canceled by Christie’s in London


ENCHÈRES – Coup de théâtre de dernière minute, Christie’s vient d’annoncer que la vente aux enchères controversée de 85 œuvres du peintre catalan, n’aurait pas lieu à la suite de démêlés judiciaires au Portugal.



Lu dans la presse: Le Figaro

Bien ou mal pour le marché de l’art? Toujours est-il que c’est une vente à multiples rebondissements. Mardi, vers 13 h, alors que les collectionneurs, marchands et courtiers étaient déjà venus voir les 85 œuvres de Joan Miró exposées dans les salles de King Street avant leur vente ce mardi soir sous le marteau de Christie’s, le tribunal administratif de Lisbonne confirmait l’autorisation d’une mise aux enchères de cette «collection» pourtant propriété de l’État portugais, pour renflouer les caisses de l’État. Les juges rejetaient ainsi la demande du parquet général qui avait recommandé au tribunal de suspendre la vente, des députés du Parti socialiste portugais, principale force d’opposition au gouvernement de centre droit, ayant alors agité le drapeau rouge.
Mais à 17 h 38, coup de théâtre, avec l’annonce par l’AFP «d’enchères annulées pour 85 œuvres de Miró suite à une action judiciaire au Portugal». Joint quelques minutes plus tard par le marché en alerte, Olivier Camus, directeur du département impressionniste et moderne de Christie’s Londres, confirmait la dispersion. Mais vers 18h, la rumeur de cette annulation «dans laquelle Christie’s n’est pas partie prenante» devenait réalité. «Les incertitudes judiciaires créées par le différend (entre l’État et des députés d’opposition au Portugal au sujet de cette vente) signifient que nous ne pouvons pas proposer ces œuvres à la vente» mardi soir et mercredi à Londres, précisait un peu plus tard Christie’s. Et d’ajouter: «Nous avons la responsabilité à l’égard de nos clients de leur transmettre, sans problème aucun, les droits de propriété».

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Même si, pour Christie’s, les résultats de la saison impressionniste et moderne risque d’être sérieusement amputés – l’ensemble était annoncé à une estimation autour de 30 millions de livres (36,4 millions d’euros) -, c’est plutôt une nouvelle salvatrice. Cet ensemble qu’il est impropre de qualifier de «collection» sentait le roussi. Celui-ci appartenait à la Banco Português de Negócios, BPN, nationalisée en 2008 à la suite d’une affaire de fraude et de blanchiment d’argent. Depuis, la BPN avait été revendue à une banque angolaise, la BIC qui s’était bien gardée de racheter les œuvres en question.

Un énorme stock et pas une collection.

Tout le marché était au courant que cet ensemble arriverait un jours aux enchères. «Il s’agit d’un fonds de stock dont on peut remonter l’origine et qui a suivi un circuit international complexe en passant par divers intermédiaires, explique un courtier international bien connu des ventes d’art moderne à Londres et à New York. Première étape: Pierre Matisse un célèbre marchand de l’après guerre. Le fils d’Henri Matisse installé à New York était connu pour avoir défendu Jean Dubuffet, Alberto Giacometti, Marc Chagall et Joan Miró. En 1981, il cessait ses activités et la galerie Acquavella en collaboration avec Sotheby’s rachetait son énorme stock. Certaines œuvres seraient ensuite passées entre les mains d’un marchand parisien, Claude Kechichian, avant de partir au Japon. On retrouve leur trace en 1992 au musée d’art de Yokohama lorsque l’institution organisa une exposition consacrée au peintre catalan. La BPN aurait fait l’acquisition du stock entre 2000 et 2006 dans le but de créer un musée consacré à Miró. Quel fut le montant de l’acquisition? Difficile à savoir…

La lutte acharnée que se livre le duopole Sotheby’s et Christie’s pour séduire les vendeurs et décrocher toujours plus n’a pas que du bon. L’État portugais avait sans doute été alléché par les conditions de la maison de François Pinault incitant à une dispersion à Londres, en ce début de saison plutôt prometteuse avec de très belles pièces. Dans le cas d’une telle vente sur décision de justice, impossible de faire des transactions en privées, pas assez transparentes aux vues de tous. Impossible aussi, pour les mêmes raisons, d’obtenir une garantie de la maison ou d’un tiers. Impossible également de ne pas mettre de prix de réserve ou de les faire baisser à la dernière minute, en fonction du climat économique du moment.

Dans cette chronique d’un désastre annoncé, Christie’s s’en sort la tête haute, Vendre autant d’œuvres de Miró, de plus pas toujours de la meilleure période, était une pure folie, selon les spécialistes du marché. Après des records en 2012 (20,2 millions d’euros pour «Le corps de ma brune», de 1925, une des meilleures périodes), la cote avait connu un fléchissement. Dans cet ensemble qui aurait du se vendre, mardi soir, à Londres, il y avait beaucoup de pièces plus tardives. Hormis quelques lots comme un dessin au crayon rehaussé de couleurs de 1924, dans une veine surréaliste, le reste n’était pas du goût des amateurs pointus de Miró. Un tel afflux d’œuvres de bien moins belle facture aurait certainement eu un impact négatif sur son marché. Et personne ne croyait au miracle…

Béatrice De Rochebouet


Illustration de l’entête: Les Miró exposés chez Christie’s à Londres, photo Suzan Plunkett/ Reutters

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