The attempt to assassinate Hitler inside his Wolf’s Lair


La chronique littéraire de Félix DELMAS.


Le 20 juillet 1944, le sort de millions d’hommes et de femmes a failli basculer. Ce jour là Hitler réchappait par miracle d’un nouvel attentat. Depuis le 8 novembre 1939, avec la bombe que Georg Elser avait déposé à la Bürgerbräukeller, une brasserie de Munich où Hitler devait prononcer un discours, les projets d’attentat contre le chancelier se sont multipliés. Essentiellement dans les milieux militaires, pas chez les officiers généraux, mais plutôt parmi les colonels, qui étaient sceptiques quant aux chances de l’Allemagne de gagner la guerre. Bien sûr, les succès inespérés de la campagne de France et du début de l’opération Barbarossa firent taire bien des sceptiques d’autant qu’ils avaient conscience du soutien inconditionnel de la population allemande au Führer.

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L’attentat qui a failli aboutir à la mort d’Hitler le 20 juillet 1944 fut commis par le colonel Claus Schenk Graf von Stauffenberg. Ce dernier, comme beaucoup d’officiers allemands fut d’abord séduit par le nazisme du moins par son insistance sur les valeurs véhiculées par l’armée et par sa politique extérieure contre le traité de Versailles. Mais il a toujours rejeté l’antisémitisme du régime et son côté belliciste. En 1943, il fut très grièvement blessé en Afrique du Nord (il perd l’œil droit, la main droite et deux doigts de la gauche), et fut nommé chef d’état major au bureau général de la guerre. Là, il rejoint un groupe d’opposants au régime pour qui la seule solution pour essayer de sauver l’Allemagne de l’anéantissement est d’éliminer Hitler. De par sa position dans la hiérarchie militaire, il assiste en temps que de besoin aux réunions d’Etat Major que le chancelier tient dans son Q.G. de la « tanière du loup ». Par deux fois, il a essayé de déposer une bombe mais a du renoncer au dernier moment. Les faits qui se passèrent le 20 juillet 1944 sont connus. : Stauffenberg amorce une bombe (au lieu des deux prévues, il ne put amorcer la seconde par manque de temps) dans sa serviette qu’il dépose sous la table, il quitte la réunion au bout de quelques minutes et part immédiatement rejoindre ses complices à Berlin par avion. La bombe explose, tue trois participants, seul Keitel n’est pas blessé, Hitler est légèrement commotionné, mais ses tympans sont déchirés et il en gardera les séquelles jusqu’à son suicide.

Les conjurés avaient prévu de détourner le plan opérationnel du nom de code « Walkyrie » (qui consistait à mobiliser l’armée de réserve dans l’éventualité de graves troubles intérieurs), pour prendre le pouvoir au motif de réprimer une tentative de coup d’état par les SS. Mais ils se comportent en parfaits amateurs, perdent du temps, laissent Goebbels réagir et sauver le régime. Le soir même Stauffenberg et quatre autres sont fusillés. La répression est implacable, en tout plus de 5 000 personnes vont être arrêtées, dont tous les membres des familles des principaux conjurés. Des parodies de procès devant le tribunal populaire présidé par Roland Keisler, caricature du nazi, va prononcer 200 condamnations à mort, immédiatement exécutées. Les condamnés sont pendus à des crocs de boucher, les exécutions filmées pour qu’Hitler puissent les visionner. Hitler s’était toujours méfié des officiers supérieurs de l’armée de terre, il était persuadé de leur trahison au vu des revers de la Wehrmacht sur le front de l’est. Pour lui, son plan était parfait, mais les militaires n’ont pas exécutés les ordres du Führer. Hitler et les caciques du parti national socialiste donnaient raison aux purges staliniennes qui avaient eu lieu à la fin des années trente en U.R.S.S. Il profite de l’attentat pour « purger » l’armée.

Ian Kershaw, professeur d’histoire moderne à l’université de Sheffield en Grande Bretagne, retrace dans un cours livre précis, la genèse, le déroulement, les conséquences de cet attentat. Y sont adjoints une série de documents tous aussi intéressants les uns que les autres dont le célèbre discours d’Hitler dans la nuit du 20 au 21 juillet (dans lequel il parle d’ « une minuscule clique d’officiers stupides », ce n’est que plus tard qu’il prendra conscience de l‘ampleur du complot) ainsi que deux lettres à leurs proches de deux condamnés particulièrement émouvantes. L’auteur montre le soutien de l’opinion publique allemande à Hitler malgré les revers militaires, ce n’est que bien après l’attentat du 20 juillet que la population commencera à prendre du recul par rapport au pouvoir en place. Il est difficile de s’imaginer l’omniprésence du parti nazi, la violence de la gestapo et la peur qu’elle engendrait, le sentiment d’humiliation, très présent, que le peuple allemand ressentait depuis le traité de Versailles. Et cette adhésion au régime a toujours été un frein pour ceux qui avaient conscience de l’impasse dans laquelle Hitler dirigeait l’Allemagne. De plus ces derniers savaient qu’ils risquaient d’être jugés par leurs concitoyens et par la postérité comme ayant porté un coup de poignard dans le dos du pays qui souffrait des défaites militaires. Et puis tous avaient prêté serment de loyauté au régime, et même si ce dernier leur inspirait une véritable aversion, ils se trouvaient au croisement de problèmes de conscience générés par leur culture, leurs valeurs prussiennes : un sens profond de l’obéissance à l’autorité et du service de l’état qui se heurtaient à leur sens tout aussi profond de leurs devoirs vis-à-vis de Dieu et de leur pays. Toute attaque contre le Führer relevait de la haute trahison. En période de conflits, de défaites militaires, seul le poids relatif lié aux valeurs morales permettait de distinguer un tel acte de la trahison au profit de l’ennemi.
Comme le souligne Ian Kershaw, « ce qui triomphait chez chacun d’eux était affaire de conscience et de jugement : allaient ils accepter de servir, le cœur gros, un chef d’Etat légitime, quoique détesté ? ou, au contraire, rejeter cette allégeance au nom d’un bien supérieur, dès lors que ledit chef de l’Etat entraînait le pays à la ruine ? La conscience pouvait pencher -et pencha- dans un sens ou dans l’autre. »
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Claus Schenk Graf von Stauffenberg et les conjurés du 20 juillet 1944 n’étaient pas des démocrates, mais furent des hommes qui pris, comme l’immense majorité des officiers supérieurs allemands, dans un vrai problème de conscience, ont accepté de mourir pour que leur pays ne soit plus perçu comme celui qui a mis le diable au pouvoir.
Ils ont montré à l’humanité qu’il ne faut jamais accepter l’inacceptable, même si notre intérêt particulier, notre ego doivent s’effacer.

Félix Delmas


L’Opération Walkyrie


Ian Kershaw

Éditions Champs Histoire. Flammarion. 7€


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