« The Summerfolk »by Gorki played and performed in Paris at the Comédie Française
La pièce de théâtre de Gorki, « Les Estivants », mise en scène par Gérard Desarthe à La Comédie Française.
Le rideau se lève sur un tableau, figés, immobiles, paralysés, les personnages sont tous en scène, comme des statues de cire disposées face au public. Inquiétantes premières secondes où les visages des acteurs semblent aussi morts que ceux dont on distingue les traits sur les troncs des boulots par paréidolie forcée. Puis cette pièce paysage prend vie, à travers les fragments de conversations de cette quinzaine de personnages qui en pleine nature n’ont d’autres soucis que de philosopher, d’écrire des poèmes et de faire du théâtre pour exprimer les tracas du monde qui les animent. Les Estivants nous parle de l’inutilité de tout ce blabla philosophique, de cette intelligentsia qui, repliée sur elle même, parle du monde sans le connaître (quel étonnant miroir nous offre cette pièce face au public de la salle Richelieu), de ces êtres qui ne supportent plus leur propre parole qu’ils en viennent à penser qu’il faudrait se taire, de tous ces personnages en pleine crise existentielle. Peter Stein et Botho Strauss ont transformé le texte de Gorki, plus fragmenté, il confronte sur une même scène toutes les pensées qui s’échappent de dialogues souvent brefs donnant au spectateur une vision d’ensemble des forces en présence. C’est dans cette tension d’idées contraires que le conflit va pouvoir éclater dans la datcha paisible du bord de mer, isolée du monde, dans une nature infinie, enfermant ses personnages en huis clos. Les femmes, soulevées par l’intellectuelle et déjà très féministe Maria Lwovna, s’émancipent dans ce texte, jusqu’à prendre la parole devant les hommes pour affirmer leurs convictions comme le fait Warwara Mikhaïlovna chez qui s’éveille cette conscience d’être plus qu’une serveuse de bière pour son mari. En somme un texte profondément moderne autant sur le fond composé par Gorki que sur la forme renouvelée de Stein et Strauss pour la Schaubühne dans les années 70. Malheureusement Gérard Desarthe n’a pas su complètement exploiter ce texte si riche. Bien sûr c’est un plaisir de l’écouter si justement énoncé par des acteurs dont on ne remettra pas en cause le jeu. Les moments humoristiques sont ici très bien rendus, bien que le comique de certaines situations ne soit pas complétement exploité, en revanche pour la passion des convictions… Ces personnages arrivent à un point limite, à un moment de bascule où tout explose en eux, où toutes leur conception du monde est questionnée et pourtant c’est froidement et assez mollement qu’ils déversent des mots pourtant forts et cruels. Seul Tchernhov, par sa jeunesse sans doute, ne retient pas ses cris. On voudrait que ce texte nous provoque, on voudrait qu’il nous soit craché au visage, et malheureusement tout ça reste très sage. La scénographie, jolie toile peinte sans intérêt, de Lucio Fanti est sauvée par les très belles lumières de Michel Beuchat qui créé des atmosphères de caractère, parfois rayonnantes, souvent inquiétantes au clair de lune. Les sublimes Estivants n’ont pas rencontré metteur en scène à la hauteur de leurs exigences intellectuelles à la Comédie Française. Ronan Ynard Comédie Française Les Estivants mise en scène Gérard Desarthe Salle Richelieu du 7 février au 25 mai 2015 avec Martine Chevallier Olga Alexéevna, femme de Doudakov I Michel Favory Doudakov, Cyrille Akimovitch, médecin I Thierry Hancisse Souslov, Piotr Ivanovitch, ingénieur I Anne Kessler Calérie, sœur de Bassov I Sylvia Bergé Warwara Mikhaïlovna, femme de Bassov I Bruno Raffaelli Doublepoint, Semione Semionovitch, l’oncle de Souslov I Christian Blanc Poustobaïka, gardien I Alexandre Pavloff Rioumine, Pavel Sergueïevitch I Céline Samie Youlia Filippovna, femme de Souslov I Clotilde de Bayser Maria Lwovna, doctoresse I Loïc Corbery Tchernov, Vlas, frère de Warwara I Hervé Pierre Bassov, Serguei Vassilievitch, avocat I Samuel Labarthe Chalimov, Yakov Petrovitch, écrivain I Pierre Hancisse Zamyslov, Nicolas Petrovitch, adjoint de Bassov et Jacques Connort Kropilkine, gardien Dramaturgie Jean Badin I Scénographie Lucio Fanti I Costumes Delphine Brouard I Lumières Michel Beuchat I Réalisation sonore Jean-Luc Ristord I Maquillages Susanne Pisteur I Assistant à la mise en scène Jacques Connord I Assistante à la scénographie Clémence Kazémi I Assistante aux maquillages Laurence Aue Illustration de l’entête: photo Mirco Cosimo Maglioca . WUKALI 10/02/2015
d’après Maxime Gorki
version scénique de Peter Stein et Botho Strauss version française de Michel Dubois et Claude Yersin