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Colonialisme vert, pour en finir avec le mythe de l’éden africain

par Pierre de Restigné

Quand l’histoire éclaire un pan caché de l’actualité. Notre société actuelle est basée sur l’immédiateté, le temps de la réflexion est devenu symbolique, alors que dire du temps passé à étudier, à acquérir un corpus intellectuel nous permettant de ne pas réagir à l’actualité autrement que par une empathie irrationnelle. Surtout quand certains savent cacher la réalité en nous montrant des images ou en tenant des discours très « orientés ».

Il y a des incendies en Australie, on nous montre des koalas et on dénonce le gouvernement australien. Surtout, personne, ou si peu, explique la nécessité du feu pour la régénérescence des forêts d’eucalyptus (système d’écobuage développé par la culture indigène, banni par les colons blancs, interdit par les écologistes qui voulaient des eucalyptus pour améliorer le bilan carbone du pays. Résultat, la nature pour suivre son cycle ne réagit pas contre les incendies.

Nous sommes dans un monde en crise. Notamment en crise écologique, et nous considérerons comme ridicules ces quelques individus qui confondent réchauffement climatique et dérèglement climatique comme certains présidents de pays outre-atlantique.

Les causes, les solutions sont affaires de scientifiques qui se déchirent. A cela se rajoute, bien sûr, les bavardages d’anciens animateurs de la télévision tel un journaliste amateur de la bête du Gévaudan et des extra-terrestres et autre photographe, grand amateur d’hélicoptère et tous ceux (ce peut-être les mêmes) qui font de la politique. Et eux aussi, se déchirent quant aux mesures à prendre ce qui aboutit à quelques aberrations comme vouloir la fin du nucléaire (contre l’avis des scientifiques du GIEC) et donc le développement des centrales électriques au charbon.

Mais là n’est pas le sujet. Les philosophes et les historiens, quant à eux, vont nous éclairer sur les origines occidentales du rapport de l’homme avec la nature. Tout commence dans la Genèse et passe par Descartes. En Asie, chez les Amérindiens ou en Afrique, ces rapports sont autres, différents comme nous le démontrent les anthropologues. 

Et puis il y a l’histoire et les historiens du temps immédiats.

Dans ce domaine, Guillaume Blanc, historien de l’environnement, spécialiste de l’Afrique, nous montre un des aspects totalement méconnus de la gestion de l’environnement dans son continent de prédilection. Il étudie la problématique des grandes réserves et des parc nationaux qui s’y trouvent.

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Eu égard à sa carrière, la plupart de ses exemples concernent l’Éthiopie mais ils sont transposables ailleurs. L’auteur part d’un constat : ces parcs ont été créés au temps des colonies, avec les mentalités coloniales et les savoirs scientifiques de l’époque. Or, au moment de la décolonisation, les nouveaux pays ont engagé les anciens gestionnaires pour leur gestion. Ils n’avaient pas changé au niveau des mentalités et des savoirs. Aussi, leur vision étant la même, les solutions étaient les mêmes. 

Cela se résume facilement : les autochtones détruisent leur environnement, pour le préserver, il faut les chasser. Et quand, en plus, les autochtones ne sont pas de la même ethnie ou du même courant politique que le pouvoir en place, c’est une bonne excuse pour les éliminer. Et cela, bien sûr, avec la bénédiction des organismes internationaux comme l’UNESCO ou des ONG comme WWF, qui partagent (il faut dire qu’ils ont été créé par eux) la même idéologie que les premiers gestionnaires.

Ainsi, l’Unesco a inscrit les Cévennes au patrimoine mondial car représentant un magnifique paysage façonné par des générations d’agriculteurs ; le même paysage en Éthiopie ne peut l’être que si les paysans en sont expulsés car ils détruisent cet environnement que leurs ancêtres ont créé. Deux poids, deux mesures. Il faut dire que ces organismes sont obsédés par la préservation de la forêt primaire (l’Éden africain si cher aux explorateurs du XIXè siècle) alors que cette dernière est quasiment absente en Afrique (et totalement en Éthiopie). 

Et je ne parle pas des relents de racisme de ces « bien-pensants » : on interdit aux indigènes de chasser, mais les blancs ont eu le droit à condition, bien sûr, de payer des droits élevés.

Tout le livre est une longue suite de massacres, de déportations, d’anéantissement de culture pluri-centenaires, de décisions absurdes, de reproductions de rapports bâclés, pour ne pas dire en contradiction avec la réalité sur le terrain.

Au nom de la préservation d’un environnement fantasmé dans l’idéologie occidentale, on assiste à de vrais génocides.  L’eugénisme n’est jamais loin chez ces écologistes. J’ai bien écrit « eugénisme », car ceux qui détruisent sont tout sauf blancs. Ceux-ci savent préserver l’environnement, le sauvegarder, sûrement pas les indigènes qui y vivent depuis des millénaires.

Guillaume Blanc signe ici un brillant essai historique montrant les dérives d’une trop grand sacralisation de la nature.  

L’invention du colonialisme vert
Pour en finir avec le mythe de l’éden africain
Guillaume Blanc
éditions Flammarion 21€90

caroline.psyroukis@flammarion.fr
21,90 euros

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