Accueil Livres, Arts, ScènesHistoire Première guerre mondiale, archives et photos exceptionnelles de Joseph et Loys Roux

Première guerre mondiale, archives et photos exceptionnelles de Joseph et Loys Roux

par Félix Delmas

Deux frères : l’aîné Joseph, le cadet d’un an Louis qui se faisait appeler Loys, deux amateurs de photographies, deux frères élevés dans la religion catholique et qui choisissent de devenir prêtres. Et la guerre est déclarée. Joseph est sergent, Loys est caporal, Joseph infirmier, Loys est brancardier. Ils demandent à servir dans une unité combattante, se sera le 25è R.I.

La guerre où ils partent la fleur au fusil, certains que la victoire est proche. Au début, Joseph photographie et écrit régulièrement (lettres cartes postales, etc à la famille). Loys photographie moins et tient un journal au jour le jour. Et ce jusqu’au 21 décembre 1915, date à laquelle Joseph est tué au Hartmannswillerkopf (Le vieil Armand en français) dans les Vosges. Il ne reste plus que le cadet qui va photographier encore et encore, et écrire jusqu’à sa démobilisation en 1919.

Loys va, à partir de ses clichés, de la correspondance avec ses proches et ses notes élaborer des carnets de sa guerre. Après bien des vicissitudes après son décès en 1970, une grande partie de son travail est maintenant détenue par des institutions publiques ce qui permet une étude critique et scientifique de ce témoignage original  (près de 2 000 pages de carnets et de 1 500 clichés photographiques) autour de la Première Guerre mondiale. Ce travail, qui est loin d’être achevé, vient de faire l’objet d’une publication de l’Établissement de la Communication et de la Production Audiovisuelle de la Défense et des Archives du département du Rhône et de l’agglomération de Lyon.

Carnet de guerre de Loys
ECPAD / Archives du département du Rhône et de la métropole de Lyon

En premier lieu, l’évolution intellectuelle de Loys est particulièrement intéressante à percevoir tant elle est représentative de son époque et de son milieu. Il est l’archétype du prêtre de ce début du XXè siècle : patriote, militariste, anti-parlementaire, anti-républicain, contre le suffrage universel, contre la presse, pensant sincèrement que la France doit retrouver la voie du catholicisme pour devenir le phare du monde. Pour autant, son passage au Sillon de Marc Sangnier montre son attachement au message social de sa religion.

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Au fil des mois, face à l’horreur des combats et à la souffrance des combattants, il évolue. Il reste très critique contre les dirigeants politiques mais surtout montre un grand mépris pour les officiers, muS par leurs volontés de progresser dans la hiérarchie militaire au prix du sacrifice des hommes de troupe. Il devient antimilitariste, participe en tant que spectateur aux mutineries de 1917 (il a même failli être arrêté). En même temps, il est très sensible à la misère des combattants, que ce soient ses « frères d’arme », mais aussi, dans une certaine mesure des Allemands. A la fin du conflit, il veut combattre le militarisme mais pas que celui des Allemands comme l’assènent les officiers, mais aussi des Français. Il se montre même admiratif de l’organisation allemande, leurs tranchées sont nettement mieux organisées, voire plus confortables que les françaises.

Par l’image, il veut fixer l’horreur de la guerre, de la mort de masse, des destructions du bâti mais aussi de la nature, d’où des photographies parfois insoutenables de corps démembrés, des obsèques, des croix éparpillées dans la nature. Mais aussi des rares moments de détente, de repos, comme cette distribution des casques à son régiment. Un de ses travaux au front est l’identification des corps, leur redonner une identité et parfois une vie au travers des lettres ou des photographies trouvées sur les cadavres. Un total respect pour les morts quels qu’ils soient, amis ou ennemis. La mort les a réunis et le devoir des vivants est de les respecter.

L’humanité doit toujours triompher de l’horreur de la guerre, un message, hélas, toujours d’actualité au jour où j’écris ces quelques lignes.

Il y a eu déjà des livres de témoignages d’anciens poilus avec les photographies de leurs auteurs, on pense à Ce que j’ai vu de la Grande Guerre de Frantz Adam (sous les ordres de qui ont servi les frères Roux), mais rares sont ceux qui montrent aussi bien le quotidien des poilus, la violence des combats et surtout qui comportent le message humaniste du père Loys Roux.

La grande guerre de Joseph et Loys Roux
Textes et photographies présentés par Yves Le Maneret Yann Prouillet
éditions ECPAD / Archives du département du Rhône et de la métropole de Lyon. 29€

Cet article existe aussi en anglais

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