When Russia and Ukraine are conflicting about art and history


(Ce dernier sujet sur la controverse entre la Russie de Vladimir Poutine et l’Ukraine sur la Crimée constitue le [**3000ème grand article*] paru dans [**Wukali*] depuis son lancement voilà 5 ans maintenant. Au total avec les brèves, ce sont plus de 5000 sujets traités ! Que de chemin parcouru, que de belles surprises, que de rencontres et de fusions intellectuelles et savoir Wukali lu si loin par tant et tant est une ineffable joie ! Un grand merci à tous mes chroniqueurs passionnés qui rédigent, comme à tous nos lecteurs et amis. Un pari réussi mais aussi une remise en question constante, un axe éthique et éditorial, un vrai travail et une joie, conjuguer le goût des arts et la culture en la démystifiant avec le temps présent, en la partageant dans une exigence académique de la connaissance, et en utilisant une langue française respectée. S’ouvrir aussi, et bien entendu, sur le monde et les grands sujets scientifiques, de la conquête de[ Mars au Big Data ou aux algorithmes ! Pour cette rentrée par exemple et dans quelques jours paraitra un exceptionnel article ayant pour thème le transhumanisme, son titre au demeurant vous amusera mais «chut» c’est une surprise ! Aussi ne manquez pas de vous connecter et de partager aussi votre curiosité et vos enthousiasmes sur les réseaux sociaux, vous aiderez ainsi par ce geste à faire connaître [**WUKALI*]. A ceux d’entre vous qui aimeraient proposer un sujet d ‘article, contactez-nous. [**Merci, oui merci à tous !*]

[**P-A L*])]

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Rappelez-vous, [**André Malraux*] avait écrit : « le XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas…». À observer attentivement les événements et les bouleversements du monde, sa prédiction intellectuelle semble en voie de réalisation! En effet, quand les repères vacillent (ou plus précisément troublent l’opinion), quand l’horizon politique est confus, quand les nationalismes s’opposent et se confrontent, (ce qui est au demeurant particulièrement dangereux et pour la paix des régions, et pour la paix du monde), quand les stratégies politiques s’engagent dans des impérialismes du verbe et pour finir, quand dans un dernier recours les démagogues et populistes de tous poils émaillent leurs discours d’accents identitaires, alors à un moment donné la tentation est grande d’immobiliser sa pensée dans une histoire religieuse et mystique reconstituée et bien commode. Du côté de l’est ( et excusez je vous prie cette limitation géographique), cela semble plus que jamais d’évidence tout pays confondu ! Cependant, ne confondons point et ne nous laissons point circonvenir; la spiritualité n’a au demeurant strictement rien à voir avec le hold-up qu’en font certains, mais c ‘est un tout autre sujet et nous aurons l’occasion d’y revenir ultérieurement !

Dans la guerre larvée frontale qui oppose aujourd’hui la[** Russie*] à l'[**Ukraine*] et dans l’enchevêtrement pluriséculaire de ces deux pays orthodoxes dans l’histoire, chaque partie tente ( ou feint) de retrouver les marques de son identité et notamment dans le champ de l’art et de la culture.

C’est ainsi que tout récemment le18 août dernier, le [**Président Poutine,*] accompagné du [**Premier Ministre Dimitri Medvedev,*] a visité à Sébastopol en Crimée le musée de la cité antique de [**Tauric Chersonese,*] une occasion propice à une déclaration qui lui permit de tenter une comparaison et d’assimiler cette cité antique, inscrite au demeurant en 2013 au Patrimoine mondial de l’Humanité de l’UNESCO, «à la Mecque de la Russie» et de vivifier par ailleurs l’idée d’une Russie centralisatrice. Rappelons que Sébastopol fait partie des territoires reconquis manu militari en[** Crimée*] par l’armée russe lors de la crise de Crimée qui opposa la [**Russie*] à l'[**Ukraine*] de février à mars 2014, une annexion vivement contestée par les instances diplomatiques internationales et l’ONU.

De l’histoire de la cité de Tauric Chersonese, voici ce qu’en dit l’UNESCO: «Il s’agit des vestiges d’une cité fondée au 5e siècle avant J-C par les Doriens sur les côtes nord de la Mer noire. Le site comprend six parties correspondant aux vestiges de la cité et à l’arrière-pays agricole divisé en plusieurs centaines de chôra, des parcelles rectangulaires de taille égale. Dans ces parcelles se pratiquaient une viticulture dont la production était exportée par la ville. Ce commerce a perduré jusqu’au 15e siècle. Le site comprend plusieurs bâtiments publics, des quartiers résidentiels, ainsi que des monuments chrétiens du début du christianisme, des restes d’établissements de l’âge de pierre et de l’âge du bronze, des fortifications romaines et médiévales, des systèmes d’alimentation en eau et des exemples très bien préservés de culture de la vigne et de murs de séparation. Au 3e siècle avant J-C, l’endroit était considéré comme le plus productif centre viticole de la Mer noire et il est longtemps resté un nœud commercial entre les empires grec, romain, byzantin et les populations du nord de la Mer noire. Il s’agit d’un exemple remarquable d’organisation démocratique des terres associé à une polis antique, reflétant l’organisation sociale au sein de la cité.»

Le plus intéressant au demeurant n’est pas là, mais est à découvrir dans l’histoire religieuse de la [**Sainte Russie*]. En effet c’est à Chersonese que [**Vladimir Ier*] dit «le Beau Soleil» (en vieux russe : Володимѣръ Свѧтославичь, en ukrainien Володимир Святославич (980 à 1015) qui deviendra après sa mort Saint Vladimir, se convertit ainsi que son peuple au christianisme de rite byzantin.

Les chroniques russes, et c ‘est très intéressant, racontent d’ailleurs avec esprit les questionnements de Vladimir qui avait convoqué les représentants des quatre religions : juifs ( les Khazars juifs), musulmans, catholiques et enfin byzantins orthodoxes pour savoir vers quelle religion il devait se diriger et convertir son peuple. Ce fut vers Byzance qu’il se tourna.

Autant dire l’importance pour les Russes de revendiquer cette terre de Crimée, une occasion rêvée pour Vladimir Poutine de s’ériger comme il le fait systématiquement tant en Russie que par le moyen de sa politique étrangère, en défenseur opiniâtre de l’église orthodoxe russe et des intérêts du Patriarcat de Moscou.

Lors de sa visite au musée de Tauric Chersonese, Viadimir Poutine, s’est fait présenter les joyaux archéologiques constitués de bijoux tout récemment exhumés et que, selon les spécialistes, on peut largement comparer aux trésors scythes de même nature prêtés avant l’annexion pour une exposition au musée Allard Pierson d’ Amsterdam, et que se disputent aujourd’hui Russie et Ukraine. Un tribunal hollandais saisi par les deux requérants a jugé que ce trésor scythe devait être restitué à Kiev (Ukraine) et non à la Crimée, arbitrage évidemment refusé par la partie adverse qui a fait appel du jugement !

Quant aux 52 peintures qui constituent la collection du musée de Kiev ( oeuvres de grands peintres russes, tels: [**Vasily Polenov*], I[**van Aivazovsky, Isaak Levitan*] ou [**Ivan Shishkin*]), elles sont été enregistrées par Interpol, et à la demande expresse de la Crimée ( c’est à dire de Moscou) au titre d’oeuvres volées. Elles sont estimées globalement pour une valeur de $1.3m.

Si la moujik, comme chacun sait, adoucit les morses, dans cette affaire de petits et grands Russes, le patrimoine culturel est au coeur d’une bataille de chiffonniers. Qui n’a jamais dit que le Crimée ne paie pas !

[**Pierre-Alain Lévy*]


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WUKALI 29/09/2017
Illustration de l’entête: Vladimir Poutine en visite à Sébastopol le 18 août 2017

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