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L’entretien rapporté avec Michaël Lonsdale

par Pétra Wauters

L’étoffe d’un sage

Notre humanité, ce qui nous fait tenir debout, nos valeurs, sont aussi dans nos mémoires et l’on se souvient…

Nous avions rencontré Michaël Lonsdale, ce grand Monsieur à Triel-sur-Seine dans les Yvelines le 27 mars 2011.   L’acteur était alors invité par le comité du « manteau rouge » pour livrer les 14 stations du Chemin de Croix, avec des amis musiciens, chanteurs et récitants. Une belle mise en valeur des textes spirituels. On retenait son souffle. Dès les premiers instants, la voix de Mickaël Lonsdale venait nous chercher, nous envelopper, chaleureuse et bienveillante.

Ce fut un bonheur de rencontrer Michael Lonsdale. Frère Luc dans « Des hommes et des dieux », de Xavier Beauvois, Grand Prix du Jury du Festival de Cannes 2010. Quelle carrière cinématographique et théâtrale ! Orson Welles, Luis Bunuel, Louis Malle, François Truffaut, Joseph Losey, Jean-Pierre Mocky, Jean-Jacques Annaud, avec son « Nom de la rose » et le fabuleux Sean Connery, qui portait, lui aussi, admirablement, ses 80 ans. 

Mickaël Lonsdale a joué au cinéma avec des formidables metteurs en scène, sans bouder les films grand public, comme le fameux Moonraker, du James Bond 1979, où il incarnait « le Méchant » !  Un méchant notre acteur ! Vous pouvez l’imaginer ? 

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On est désarmé par une telle douceur. Il nous parlait en toute simplicité, de sa voix chaude, quasi hypnotique, aux inflexions joliment dosées, et ne semblait pas avoir conscience de l’impression qu’il nous faisait. Oui, nous étions impressionnés et le terme n’est pas trop fort. Déjà par sa culture, immense, par son parcours, qui le situe parmi les grands « passeurs de textes », comme il se nomme …- et il ne nous a pas fallu attendre son César du meilleur second rôle dans le film « Des Hommes et des Dieux » pour en être convaincu. C’est un immense acteur. 

On se sentait proche de lui, en phase avec ses propos. On est à la fois, tout petit, face à tant d’humanité et grandi car il est là, et sa seule présence nous fait vivre un moment de grâce.

in Veritas aeterna

Rencontre :

Nous avions évoqué avec lui le film « Des Hommes et des Dieux ». Une histoire qui retrace le cheminement spirituel des moines de Tibéhirine pendant les mois précédant leur disparition. En 1996. Une page particulièrement noire de l’islamisme en Algérie.  Nous vous rapportons notre entretien

P.W. : Vous avez obtenu un César du meilleur second rôle masculin pour votre interprétation de Frère luc, médecin de la communauté dans le film de Xavier Beauvois : on y parle de tolérance, de curiosité de la religion des autres, d’entente entre les peuples, de Dieu, le message est universel et on a l’impression que dans ces concerts lecture, on vous retrouve dans cet habit de sage, à la recherche d’une fraternité humaine ?

Michaël Lonsdale : Je suis toujours partant pour tout ce qui est spirituel. Et ce chemin de croix de Claudel que nous allons faire est une très très belle chose. Et comme j’aime la musique, je suis toujours heureux de proposer des concerts lectures.  

Ce que vous disiez au sujet du film, de la curiosité pour les Arabes, de la curiosité de la religion, ce n’est pas vraiment ça.  C’était un vrai partage. Ce n’était pas simplement une curiosité, ils ont vraiment vécu ensemble, dans une Algérie en proie à la guerre civile, ils ont travaillé ensemble, ils ont tissé des liens avec la population, ils ont partagé énormément, et c’est pour ça que les moines n’ont pas pu s’en aller. Ils avaient l’impression de déserter, de les abandonner, alors que ce village s’était construit à partir du monastère. Ils étaient venus là pour être un peu protégé. Parce qu’ils pensaient pouvoir être protégé, mais finalement, cela n’a pas empêché les assassins de venir les tuer.

P.W. : Votre métier, votre vie, votre spiritualité, on a l’impression que tout est lié, c’est le même engagement, que vous avez trouvé une forme d’équilibre et de sérénité… C’est l’image que l’on a de vous. Vous n’êtes pas un angoissé !

Michaël Lonsdale (il rit) :  Oh non ! Pas du tout. Je l’ai été beaucoup dans ma vie, mais là, maintenant, ça va ! Je suis calme et serein. 

P.W. : Vous disiez un jour qu’on vous entendait à peine, lorsque vous étiez jeune, tellement vous étiez timide, inhibé, et aujourd’hui, cette même voix se fait bien entendre et de différentes manières. 

Michaël Lonsdale : Oui, c’est vrai, elle s’est développée. À force de jouer dans des lieux très grands, sans micro, il fallait bien se faire entendre et la voix s’est développée à partir de rôles que j’ai joués aussi, où il fallait beaucoup crier… Ça aide. Dans le cours de théâtre où j’allais, chez Tania Balachova,  elle nous faisait faire tous les jours un exercice, justement pour les gens qui ne parlaient pas assez fort  : on devait dire la tirade de Victor Hugo, dans Ruy Blas,  Ô ministres intègres !  Conseillers vertueux … de plus en plus fort, jusqu’à la hurler !

La voix s’est bien développée !

P.W. : La voix, et l’âme qui va avec ! 

Michaël Lonsdale : Oui, bien sûr, les deux vont de pair. 

P.W. : Vous avez lu de grands textes de littérature et de philosophie, qui ont été édités en livres audio, au théâtre, en 2010 « À la recherche du temps perdu de Marcel Proust », là encore il s’agissait de lectures… 

Michaël Lonsdale : Oui, il s’agissait encore de lectures.  Mais avec plusieurs personnes. Je n’étais pas tout seul à prêter ma voix.  Il s’agissait de lectures d’instants choisis, d’après l’œuvre de Proust, avec, en alternance, plusieurs comédiens. Ça changeait souvent de partenaires. Il y avait notamment Bernadette Lafont, Romane Bohringer… On le refait d’ailleurs assez périodiquement.

P.W. : Vous étiez aussi en 2009, au théâtre Toursky, chez Richard Martin à Marseille « Job ou L’Errance du juste » d’après Le Livre de Job. 

Michaël Lonsdale :  Oui, et nous avons d’ailleurs prévu de rejouer ce spectacle.

P.W. : Vous étiez Dieu, et Richard Martin Job…

Mickael Lonsdale : Oh non ! Je n’étais pas Dieu ! J’étais la voix de Dieu ! Dieu, Ce serait difficile de l’incarner ! Il n’a pas de corps…

P.W. : Là encore, il s’agit de lectures où l’on parle d’humanité de tous les temps. C’est maintenant ce que vous recherchez au théâtre ou au cinéma ? 

Mickael Lonsdale : Non, j’ai un métier de comédien, et je fais des choses très différentes qui ne sont pas forcément spirituelles, mais c’est vrai que, dès que je peux, je donne la priorité à tout ce qui touche à la spiritualité, à la parole de Dieu, à la musique de Dieu.

P.W. : Depuis combien de temps êtes-vous sur les routes avec ces chemins de croix ou les eaux vives ?

Michaël Lonsdale : Cela fait trois années déjà. C’est à chaque fois différent.

C’est transmettre la parole de Dieu, la spiritualité, faire connaître la vie des Saints. C’est surtout ça le programme : Être un passeur de textes… Pour ce qui est des lectures. La passion va se faire tout le temps du carême, ensuite cela se calmera un peu. Je serai bientôt en concert avec le quatuor Manfred pour un Hommage à Bach. Je serai le récitant dans « La passion selon Saint-Jean ».  J’accompagnerai aussi le quatuor Ysaÿe, dans les Sept dernières paroles du Christ en Croix, sur une musique de Haydn. Là, c’est encore autre chose. C’est magnifique. Voilà. Je suis très heureux avec ça !

P.W. : Est-ce que l’on vous a proposé d’enregistrer ces concerts lectures ? 

Michaël Lonsdale : Non, c’est une toute autre installation. Mais il est prévu d’en faire un CD, il me semble. Mais il faut l’autorisation de la famille Claudel. On ne fait pas ça comme ça ! Il faut tenir compte des droits … J’aime beaucoup Claudel, qui était un grand écrivain et poète, et je suis très heureux de le lire. Cela fait partie des belles choses de mon métier. 

Adieu Michaël Lonsdale !

Propos recueillis par Pétra Wauters
Illustration de l’entête : ©Pétra Wauters

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