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La désobéissance d’Andreas Kuppler, à noter pour acheter et lire au plus tôt après le confinement

par Émile Cougut

Deux jours, très exactement deux jours : les lundi 17 février et 18 février 1936 ; deux jours lentement mais profondément disséqués, analysés à travers les faits et gestes, les questionnements, le cheminement intérieur d’Andreas Kuppler, cela suffit pour faire un magnifique livre.

Les Jeux olympiques d’hiver viennent de s’achever à Garmisch-Patenkirchen, ceux d’été à Berlin se dessinent dans un avenir très proche. Ils ont été une opération de communication particulièrement réussie pour le pouvoir nazi, une répétition pour ceux d’été. Le III Reich montre sa puissance, se pare d’une sorte de façade à la Potemkine à la face du monde. Ils ont été suivis par Andreas Kuppler, un des journalistes sportifs les plus talentueux de son époque.

Andreas Kuppler, un passionné de son métier, qui vit une véritable crise existentielle dans les Alpes. Il s’est marié avec Magdalena, issue d’une vieille famille prussienne. Son père, colonel à la retraite est un membre imminent du parti nazi, et sa fille voue un véritable culte (dans le sens premier du terme) à Hitler. Lui aussi, par opportunisme, pour pouvoir travailler à pris sa carte au NSDAP, mais on lui reproche de ne pas être assez actif, de tout sacrifier à son métier, de ne pas montrer assez d’enthousiasme, de ne pas assez militer. Andreas Kuppler est en crise, à la base pas à cause de la politique antisémite des nazis. Il est choqué de cette violence qui règne dans son pays, outré des autodafés organisés par Goebbels. Mais surtout il est déstabilisé par l’échec de son couple. Le divorce est devenu inéluctable. Ils ne peuvent, malgré plusieurs tentatives, et traitements médicaux, avoir d’enfant ce qui a plongé Magdalena dans une profonde dépression, elle pour qui être une femme accomplie, une Allemande parfaite ne peut passer que par la maternité.

Andreas Kuppler, comprend qu’il est devenu une cible pour la Gestapo qui le trouve trop « tiède » et donc représente un risque pour la sûreté de l’État. En plus à Garmisch-Patenkirchen, il a passé ses soirées (très arrosées) avec ses collègues américains à écouter du jazz, musique ô combien dégénérée. Parmi la délégation américaine se trouve une très belle femme, Susanna, d’origine allemande qui est un membre actif d’un réseau d’aide aux Juifs. Et ils ont dansé ensemble. 

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La Gestapo monte un dossier pour l’éliminer au moins jusqu’à la fin des jeux d’été.

En 240 pages sur deux jours, Michel Goujon pose des questions que tout un chacun, en connaissant le passé, s’est posé: qu’aurais-je fait si je m’étais trouvé en Allemagne à cette époque ? Comment résister ? Comment combattre le mensonge ? La force aveugle ? Accepter la perte des libertés pour redresser le pays ? Accepter l’humiliation des alliés sans réagir ? Refuser le manichéisme de l’idéologie nazi ? Combattre la Haine ? Refuser l’idée du bouc émissaire ? Ne pas tomber sous le charisme (réel) d’Hitler ? Comment rester fidèle à ses valeurs, alors qu’elles risquent de vous entraîner vers une mort certaine ? Comment rester seul dans une population qui adule le régime ? Comment rester lucide quand tout, dans la société, à votre travail, dans votre intimité familiale vous entraîne dans un chemin qui n’est pas le vôtre ? Comment l’homme, pris individuellement, dans sa complexité et son unicité, peut lutter contre le groupe et la violence de l’Histoire ?

En ces temps de confinement, il paraît que la culture n’est pas un produit de première nécessité, et ce à la grande joie et au plus grand profit de certaine entreprise de vente par correspondance qui ne paie pas d’impôt en France. Heureusement que nos libraires offrent le même service ! Alors, comme il est impératif de lire La désobéissance d’Andreas Kuppler, allez l’acheter sur un site qui permettra à nos libraires de rouvrir au premier jour du déconfinement. Ne pas le faire, c’est prendre le risque qu’à l’avenir ils soient fermés et que nous n’aurons plus le plaisir d’errer entre les rayons pour s’imprégner de la créativité humaine.

La désobéissance d’Andreas Kuppler
Michel Goujon
éditions HéloÏse d’Ormesson.17€

Illustration de l’entête: affiche officielle des JO de Berlin de 1936

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