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Le passage de l’Ebre, roman d’André Not

par Pétra Wauters

C’est un livre que l’on garde précieusement. On le prête, à la rigueur, mais on précise que l’on y tient, pour s’assurer qu’il nous revienne. Pourquoi avons-nous aimé ce roman ? Déjà par ce qu’il est bien écrit. Une écriture classique et sobre. 

André Not est agrégé de lettres modernes et docteur en littératures française. Il aime écrire, il aime lire, il aime raconter. Il parle avec éloquence et fougue, car c’est un passionné qui peut s’enflammer prestement. « Le passage de l’Èbre » est son troisième roman. Un livre autobiographique, et, sans nul doute, celui qui lui ressemble le plus.

L’auteur se livre, et s’il dit beaucoup sur lui-même, il se dévoile avec pudeur.  On suit avec bonheur l’adolescent qu’il était dans ses années lycée. L’homme recompose l’histoire avec sensibilité et intelligence et une mémoire infaillible. Il se souvient, reconstruit des fragments de vie, une vie que l’on découvre en pointillé, et dans laquelle il nous présente sa famille, ses amis, ses professeurs, des bons pédagogues et des nettement moins bons, ses amours. Il nous parle encore de sa passion pour le théâtre, pour la musique, pour l’écriture, pour la poésie, pour sa ville aussi, « la plus belle du monde ». Et d’avouer un jour à l’élue de son cœur.  « En fait, je n’en connais pas vraiment d’autre. Mais je l’aime et si tu veux, je te la ferai connaitre mieux que si tu y étais née. » Tout est aussi simple que cela avec André Not. D’une belle évidence, et tous ses chapitres coulent de source.

De la plume au cœur, il nous emporte dans son passé recomposé. C’est toute une époque qui nous apparaît, à la fois familière est lointaine, tout un climat, une ambiance potache qui parle à tous. Car on les a connus, ce premier de la classe attentif, ce cancre attachant, cet élève meurtri par une enfance difficile, cet autre immigré, militant, qui souhaite refaire le monde, cette jeune fille qui est belle sans « le savoir », et ce garçon, qui est bête, sans le savoir non plus. Car l’auteur se moque aussi, mais pas méchamment, et il n’oublie pas de se moquer de lui-même. André Not se penche sur le passé et dialogue avec tous.  L’adulte pose son regard affûté et débonnaire sur les calembredaines, les sottises faites à l’époque, mais aussi les « soulèvements », les rébellions de ces hommes en devenir. Elles résonnent bizarrement aujourd’hui.  Les préoccupations des années 70 ne sont pas éloignées de celles d’aujourd’hui, et pourtant, tant de choses nous séparent. On entre dans son histoire, on ne la connait pas, mais le récit nous parle. L’auteur rend léger les évènements les plus douloureux. Il observe, et nous fait part, au fil des pages, de ses « petites sensations » : « Plus on approche du terme du trajet, plus l’autobus se remplit. C’est qu’aujourd’hui, c’est jour de marché, là-bas, chez nous. Un murmure de voix rocailleuses s’installe, d’où émerge par moments un fort éclat de rire. On s’est mis sur son trente-et-un pour l’occasion et des bouffées d’eau de Cologne du Mont Saint-Michel, indiscrètes et naïves imposent, mêlées à ces bruits de fond, une ambiance qui me rassure, qui me berce, comme si tout ce qui m‘est lourd venait s’y dissiper.

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Le livre est truffé d’anecdotes et d’images fortes, et ce sont elles aussi qui nous permettent de comprendre et aimer les personnages. Et quand dans le dernier chapitre André Not nous demande, dubitatif, désabusé, « Que reste-t-il de tout cela ? Dites-le-moi. »

On peut lui répondre que le livre est là, il fallait l’écrire et passer le cœur léger au temps présent.

Le passage de l’Èbre
André Not

Éditions d’À Côté
704 rue des plaines. 13090. Celony-Aix-en-Provence. commande :06 65 00 18 15

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