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Les bateleurs de foire du Coronavirus

par Pierre-Alain Lévy

Dans cette crise sidérante du Coronavirus CoVID 19, c’est à une pluie stellaire d’informations hétéroclites, et partant plus ou moins fiables, auxquelles chacun d’entre nous est confronté. Ainsi les discours des uns n’ont d’égaux que les discours des autres, sans discrimination ni échelle de valeurs, tout du moins dans leur simplicité formelle et pour ne pas dire perverse. 

Car comment savoir, comprendre, être en mesure d’apprécier un argument, une donnée, quand on n’est point soi-même formé à une discipline, à la science, quand il manque les fondements mêmes, les nécessaires apprentissages de penser ! C’est tout le problème de la connaissance et de la maîtrise du savoir et partant de là, sa transmission. Ce n’ est plus  « Mozart qu’on assassine», c’est plutôt Mozart clôné par millions sur Facebook! En un mot cela ressemble fort à une transe paroxystique provoquée par des substances hallucinogènes, un état second différencié de la conscience! 

La rencontre du cobra et de la souris

Celui qui sait (le sachant et le savant) se voit opposer le bateleur de foire qui n’a de vérité que l’énergie qu’il agite pour convaincre et bousculer la crédulité passive des autres. Une forme d’hypnose en quelque sorte, la capacité à magnétiser, à manipuler son prochain pour faire simple, autrement dit la rencontre du cobra et de la souris ! Il ne s’agit cependant que d’une problématique liée à la captation d’influence ou de pouvoir et quel que soit le rang social de l’individu. Deux inquiétudes à partir de là, le donneur de conseil (toujours après !), qui tonne et tance contre l’autre. Cela n’est pas sans évoquer un proverbe napolitain: «  Ne me donnez pas de conseil, je sais me tromper tout seul ! »). Cette catégorie vit à l’état résiduel hélas dans le champ politique et médiatique ce qui n’est pas sans poser problème!

Le complexe de reconnaissance

Ensuite, l’autre volant de ce diptyque et probablement le plus inquiétant, ce que nous pourrions nommer « la danse du ventre autour des médias» auxquels se livrent des personnes estimables certes et reconnues pour leur rang académique par exemple ou leur positionnement professionnel ou social.

Devant un micro ou une caméra que de précautions intellectuelles oubliées. Quant à l’espoir qu’exerce l’hypothèse de voir son intervention démultipliée comme par un jeu de miroir à travers Facebook, Twitter ou autres réseaux, c’est une consécration nombriliste bien de mode aujourd’hui et sur toute la planète.

La fascination pour capter la reconnaissance de l’autre, de briller, d’être enfin reconnu par ses pairs et par le plus grand nombre ( système médiatique oblige) fait fî des précautions et des préconisations indispensables surtout lorsqu’il s’agit des sciences du vivant comme nous le voyons dans cette pandémie autour du CoVID 19.

Ce qui fait l’essence même et la valeur du scientifique, le doute, est jeté cul par-dessus chemise aux orties. A la raison alors succède la magie. Le communiqué récent de l’Académie de médecine (cliquer) fait parfaitement le point sur ce sujet.

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Ô tempora, ô mores…

Loin de nous l’idée de développer un point de vue « aristocratique » et méprisant, mais l’on ne peut qu’être troublé quand on découvre sur les réseaux sociaux des informations fausses et pour certaines volontairement mensongères et qui circulent à vitesse cybernétique, provoquant ainsi des dommages très difficilement réparables!

Dans ce cadre, l’« anarcho-maoïsme » bien en cour en France depuis plus de cinquante ans n’a de cesse que de se confronter à ce qu’il nomme « le mandarinat ». Ah le temps glorieux, le bon vieux temps, celui où l’on affublait d’un bonnet d’âne et d’un dazibao épinglé sur la chemise, le professeur ou le contremaître comme y invitait en Sorbonne le grand exemple chinois ! Le plus cocasse en effet c’est de compter dans cette catégorie spécieuse de procureurs, non point des exclus du système (de l’« establishment » dit-on en anglais), mais des petits notables (ou qui se ressentent comme tels) et qui aspirent au « grand soir » dans le confort émollient de leurs certitudes congelées et rassies ! 

Illustration de l’entête: L’Escamoteur de Jérôme Bosch peint entre 1475 et 1480. 53cm/65 cm
Musée municipal de St-Germain-en-Laye

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