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Tantième un monde sanspuss ou le totalitarisme orwellien de l’Intelligence artificielle

par Émile Cougut

Tantième : nom masculin : Les tantièmes correspondent à la part de copropriété possédée par chacun des copropriétaires.
Sanpuss : mouvement de personnes refusant le monde dirigé par l’Intelligence Artificielle, refusant de se servir de tout moyen comportant des puces électroniques comme des téléphones ou des cartes bancaires.

N’auriez-vous que ces définitions et vous avez le contenu du livre de Jean-Pierre Noté. Roman d’actualité, c’est le moins que l’on puisse dire à l’heure où l’on s’insurge sur l’utilisation des données laissées dans la Toile, où l’on légifère pour pouvoir les effacer, où les géants du « Net » viennent de laisser s’exprimer sans frein les porteurs de haine diffuseurs de fausses nouvelles, etc.

De quoi retourne-t-il? Aline est une jeune trentenaire, à la tête d’une « start-up » toulousaine dans le domaine de l’électronique. Après s’être fait connaître grâce à une action au Bénin (les particuliers peuvent choisir une parmi 15 langues pour dialoguer avec leur fournisseur d’électricité), sa petite société est repérée par le géant américain dans le domaine de l‘IA ( Intelligence Artificielle) Babel pour s’introduire en Europe. L’idée est de maîtriser les langues en ayant en quelque sorte un brevet sur elles. Alice réussit à mener à bien sa mission : acheter l’Académie Française pour l’offrir à un état particulièrement endetté. Cela nous vaut une superbe passe d’armes entre elle et Alain Kalifkruntel (sous lequel il n’est pas difficile de reconnaître Alain Finkielkraut) sur le français, la place de la langue française dans le monde, mais aussi sur ce qu’est la France. Passent aussi en arrière plan, Eric Orsenna, Jean-Christophe Rufin, Amin Maalouf et quelques autres Immortels.

L’idée, en soit assez géniale, se trouve dans une borne qui diffuse la culture dans la langue du locuteur. C’est ains que sont diffusés tous les cours des écoles et des universités. Tout un chacun peut faire des études depuis son domicile, même au fin fond de la planète sans être obligé de se déplacer vers les lieux où le savoir est dispensé. Comme conséquences particulièrement bénéfiques, le savoir et les sachants restant chez eux, l’immigration diminue ainsi drastiquement, ce qui provoque un écroulement électoral de tous les partis populistes qui ont perdu leur fond de commerce.

La borne évolue, elle devient de plus en plus légère et finit par devenir une puce que l’on peut se greffer : le savoir universel en une micro seconde pour tous, le rêve fou de ceux qui souhaitent « l’homme augmenté ». Mais, grâce à ces puces, l’homme est toujours sous surveillance, analysé, et grâce à des algorithmes de plus en plus puissants, il devient la cible de messages totalement personnalisés. Publicités, mais aussi messages visant à influencer non seulement sa consommation, mais plus grave aussi ses opinions. Sans compter qu’il devient de plus en plus évident que ces puces peuvent prendre le contrôle du cerveau et donc diriger les personnes, les pousser à agir dans un sens auquel elles n’auraient pas adhéré « normalement ». Le libre arbitre n’existe plus. « Novlang », dictature de la pensée unique, nous sommes dans l’enfer décrit par Orwell dans 1984, mais sans violence, et ce au nom de l’amélioration et du bien-être de l’humanité. Le vrai maître du monde est celui qui dirige tout ça.

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Aline, elle fait des affaires, pas de politique. Son but gagner et faire gagner de l’argent, et si en plus le savoir est bien mieux diffusé, c’est très bien. Sa réussite est phénoménale, elle dirige la seconde société cotée en bourse au niveau mondial après Babel, qui plus est elle est devenue très très proche du jeune président de la République. Une réussite totale.

Quand elle en a le temps, elle revient à Toulouse, dans son hôtel particulier où elle se réfugie. Mais, il y a Simon, un enseignant de français qui est propriétaire de la loge du concierge, qui refuse de la lui vendre, et qui a su résister à ses avocats pour le faire expulser. Quelques tantièmes qui sont une véritable épine pour la jeune femme, d’autant qu’il l’oblige en outre à bâtir un composteur et qu’il est totalement hermétique à tout objet ayant une puce, il n’a même pas un téléphone portable. Un peu par hasard, ils finissent par se parler et Simon l’amène près des lieux où Aline a passé des moments bénis dans leur enfance, au fin fond de la campagne à Colombières-sur Orb chez des amis très étroitement à associer au couple Nahal et Jean-Claude Carrière.

Mais les affaires reprennent vite leur place dans l’esprit d’Aline. Simon quant à lui crée le mouvement sanspuss prônant un monde… sans puces ! Il faut dire que le monde ne peut plus fonctionner sans elles. Même pour les entretiens d’embauche, il est demandé des profils tirés à partir des traces trouvées dans la toile ! La pression contre ce mouvement devient proportionnelle à son développement mondial, Simon est obligé de partir dans la clandestinité sachant très bien que sa vie est en péril.

C’est à ce moment qu’Aline commence à comprendre que ce qu’elle est en train de créer et de mettre en place c’est une véritable dictature par la pensée et que les buts humanistes du début du développement de l’Intelligence Artificielle commencent à diverger sérieusement. Aussi va-t-elle tout faire pour non seulement sauver Simon mais aussi pour revenir aux principes de base de l’Intelligence Artificielle.

Une fiction, soit, mais une fiction qui ne fait que décrire un monde dont nous vivons plus que les prémices.

L’Intelligence Artificielle est peut être une bonne chose mais observons qu’elle comporte aussi des mauvais côtés et les risques qu’elle fait peser sur ce qui fait l’homme, son libre arbitre, ne sont pas anodins. A l’heure des « fake news » les dangers sont là et certains nous font part de leurs délires autour de l’homme augmenté. A court terme, l’idée est plaisante certes, mais il ne faut pas oublier que la démarche de certains médiateurs est très intéressée et particulièrement égoïste, voire dangereuse.

Tantièmes
Un monde sanspuss
Jean-Pierre Noté

Az’art atelier éditions. 20€

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